La Malédiction Vénézuélienne

19 mins

-Eh mec, t’as foutu quoi s’taprem?

Pitt affalé dans son canapé, son cendrier rempli de mégot de pétard posé sur son ventre, réussit tant bien que mal à tourner son regard vers Jeff. Ses yeux baignent dans un rouge sang vif.

-Pas plus, pas plus mec la routine.

Après s’être fait viré de chez ses parents pour flemmingite aiguë, Jeff cherchait un appartement en colocation. Dire qu’il était juste financièrement été un euphémisme. Depuis qu’il avait arrêté ses études d’arts plastiques en cours d’année, il n’avait jamais vraiment travaillé. Par chance, il trouva rapidement un colocataire parfait : Pitt, un trentenaire au chômage. Cela faisait seulement 2 mois, qu’il avait aménagé chez lui. Ils ne se connaissaient pas beaucoup, mais assez pour s’être découvert un point commun : leur consommation de marijuana qui ne cessa d’augmenter en cette période de confinement.

-T’as trouvé du travail ? lui demande Pitt d’une « vivacité » rarement atteinte.

-Ouais enfin non je suis passé devant le CGR. Les cinémas on réouvert, j’en ai profité pour m’arrêter mater un film.

-Ah cool mec, c’était quoi ?

-C’était… Je sais plus mec.

Ils se marrent bêtement.

-T’as des projets toi ? Des trucs de prévus ?

Pitt se redresse comme il peut du canapé. Il sort de la table basse un pochon contenant bien 30 grammes de marijuana.

-Une fois que j’aurai tout fini, j’arrête les conneries et j’me bouge pour de bon.

Jeff glousse. Cela doit faire une bonne cinquantaine de fois que Pitt lui rabâche ça. Il n’avait jamais vu un mec aussi mou et drogué à la fois. Depuis qu’ils se connaissaient, les seuls pas qu’il avait fait été du canapé au frigo, du frigo au canapé. D’ailleurs, sa chambre lui servait à rien. Il dormait tout le temps sur le divan, la flemme de ramper jusqu’à celle-ci. Il faisait vraiment pas grand-chose dans les tâches ménagères, mais vu qu’il était facile à vivre, Jeff laissait couler. Puis faut dire, il n’était pas trop encombrant. Il payait rapidement sa part du loyer, gardait le même verre pendant des jours, et ne mangeait que des pâtes chinoises, ou alors se faisait livrer des pizzas aligots (oui, oui ça existe). Il lui semblait ne l’avoir vu que dans une seule tenue : son vieux tee-shirt Bob Marley. Tee-shirt qu’il avait sans doute depuis pas mal d’années au vu de son état et de sa taille. Il ne savait même pas si il portait un pantalon sous son plaid. Il arrivait à Jeff de le dénigrer intérieurement mais il ne valait pas mieux. La confiance en lui qu’il avait acquise au fil des années, s’était dégradé au rythme qu’avancée sa calvitie. Il passait le plus clair de son temps à jouer quelques riffs de guitare électrique ce qui par ailleurs, avait le don de rendre fou son voisin d’en face qui n’était autre que son proprio, un homme de Cro-Magnon qui exerçait le métier de bûcheron et qui pesait bien une centaine de kilo. Jeff galérait à finir le mois et donnait l’argent du loyer toujours en retard. Sa dernière vraie relation avec une fille datait d’environ trois ans et il n’avait aucune perspective d’avenir. Rien de bien valorisant non plus donc. C’est peut être pour ça qu’ils s’entendaient si bien d’ailleurs. D’un enthousiasme rare, Pitt rompt le silence.

-Au fait mec ! J’ai des potes du Vénuzéla qui sont passé cet aprem.

-Du Vénu.. quoi ?

-Ouais du Vézuéla, qu’importe. Regarde ce qu’ils m’ont ramenés.

Pitt sort de sous son plaid un pochon d’une marijuana, la plus étrange que Jeff n’avait jamais vu. Pourtant c’est un domaine qu’il connaît très bien. Elle est dense, vire au violet, au jaune aussi, et brille comme un diamant brut.

-C’est de la beu ça ? Demanda Jeff pantois.

-Tu crois que c’est quoi d’autre mec ? Chez nous t’en trouvera pas des comme ça, mais là-bas ils en ont des champs à perte de vue. On s’en roule un ?

Jeff est dubitatif. Mais après mûre réflexion, il ne sait pas vraiment pourquoi il hésite. Il n’a rien de prévu de bien palpitant pour cette semaine, ce mois-ci, cette année et ni pour le reste de sa vie.

-C’est parti !

-Ah ! Ils m’ont filé ça avec.

Il sort à nouveau de sous son plaid une immense pipe avec des inscriptions dessus d’une langue qui lui est inconnue.

-Cet engin !

-T’as vu un peu ! Par contre cette drogue coûte un max, elle est vraiment spéciale mec. C’est seulement pour les grandes occasions. On s’en fait un petit et puis stop on repasse à la normale.

-Ouais, ouais y a pas de soucis.

Pitt met 2 ou 3 grammes dans l’énorme pipe. Alors qu’il tire dessus, Jeff n’en revient déjà pas. Quel magnifique spectacle ! La beu violette brille de plus belle. Il croit assister à l’arrivée d’une étoile filante. L’énorme fumée qui en découle lui caresse les narines.

-Ah moi ! Ah moi !

-Cool mec, cool.

Pitt lui passe la pipe. Avec excitation Jeff tire dessus. Waouh ! Des frissons parcourent son corps ! Il n’a jamais fumé une drogue aussi bonne et planante.

-Alors ? ça t’empoigne les burnes ?!

C’était les mots. Il vient d’avoir l’érection la plus dure de sa vie. Ils se marrent, en mangeant les restes de chips qui traînait depuis bien une semaine, devenant, la meilleure nourriture qu’ils ont engloutis de leurs vies. Au fil de la soirée, les joints de cette formidable marijuana s‘enchaînent au rythme de la mélodie qui se déploie dans leurs têtes. Jeff n’avait jamais fumé une beu pareille, il n’en revient toujours pas. Ils tirent, tirent, tirent, dessus jusqu’à ne plus savoir où ils se trouvent, plongés dans leurs plus beaux rêves. Quelques minutes, heures, ou même jours plus tard (ils ne savent vraiment plus), Jeff ouvre doucement les yeux.

-Eh mec on est quel jour ?

-Qu’est ce que ça change mec ?

Jeff se rend compte que le pochon de « Vénézuélienne » est vide.

-On a déjà tout pompé ?!

-Oh merde, on est dans la merde mec !

-Pourquoi ?

-Elle coûte un bras cette beu ! Elle est hyper rare chez nous.

-T’inquiète pas je l’est fumé avec toi, je la paye avec toi.

Pitt regarde son téléphone.

-Ils passent aujourd’hui chercher la thune, putain, on a intérêt à leurs rendre le fric de suite…

-Pourquoi ça ?

-C’est des gue-dins ces mecs.. Une fois mon cousin leur avait vendu 20 grammes pour dépanner un pote à eux. Il manquait 1 gramme. Il lui on couper l’auriculaire mec.

-T’inquiète pas je vais gérer. Je vais me passer un coup d’eau et je vais allé retirer.

-Yeah men no soucay.

Comme toujours après avoir fumer, la moindre distraction, prenait le dessus sur ce qu’il devait réellement faire. Alors qu’il passe devant sa guitare électrique, il ne peut s’empêcher de l’attraper. Il enchaîne les riffs pendant de longues minutes, le volume à fond, faisant trembler les vitres. De Deep Purple à Nirvana en pensant par ACDC, il s’imagine pendant un vrai concert où la foule crie son nom. Il a rarement joué en transe comme aujourd’hui. Le son ne dérangeait pas Pitt, trop occupé à être défoncé dans son canapé. Cependant son proprio n’était pas du même avis. La fenêtre de son salon est juste en face de celle de la chambre de Jeff et alors qu’il finissait son dernier morceau, il remarque à travers la vitre, le visage de son bon gros proprio l’observant avec animosité. Depuis quand il le mate ? En tout il ne le lâche pas du regard. Jeff commence à ressentir un certain malaise. Surtout que le visage de son cher proprio lui semble différent. Pas qu’il était agréable à voir d’habitude, loin de là, mais en ce moment même son visage semble, comment dire inerte. Il ne bouge pas d’un millimètre, le regard noir posait en direction de Jeff. Puis son œil est chelou. On dirait qu’il n’est pas à sa place. Ouais, Il dégouline de son visage ! « Waouh, qu’est ce bordel ! ». Pris d’une petite montée d’adrénaline, Jeff jette sa guitare sur son lit avant de quitter la pièce.

-Eh mec je crois que je “bad trip”.

Pitt est dans les vapes.

-Qué ?

-T’as vu le proprio ces jours-ci ? Je crois qu’il a eu un accident ou un truc, il a le visage comment dire .. Ravagé.

-Je sais plus ça tête.

-Ah ouais c’est vrai que t’es raide défoncé…

Ressentant une certaine angoisse, il s’assoit timidement à côté de Pitt.

-ça ne te dérange pas si je reste un peu avec toi mec ?

-Y a pas de blem.

Jeff allume la télévision. Cette distraction dissipe petit à petit l’angoisse qui s’était emparé de lui. Mais au bout de quelques minutes, il commence à se poser des questions. Les pages de publicité lui paraissent bien longues. Surtout que les mêmes pubs passent en boucles. La principale concerne un shampoing contre la perte de cheveux. Problème qui le préoccupe assez.

-Putain, mec elles vont jamais s’arrêter ou quoi ?

-Ah, je sais pas mec je regarde pas la télé.

Alors que son regard est plongé sur l’écran.

« Elle m’observe ou quoi cette putain de télé » se demande Jeff. Voyant cette pub se dérouler sans fin, il change de programme mais le résultat est le même. La même pub, encore et encore, au fil des chaînes : « Shampoing, STOP calvitie, bon pour les cheveux, bien pour l’esprit. Vos cheveux seront fortifiés et la repousse facilité. Shampoing miracle STOP calvitie, 36€, satisfait ou remboursé. » Jeff se résilie, et matte cette pub encore et encore, jusqu’au moment où il se décide enfin de bouger.

-Je vais faire un tour mec.

-Sa marche mec. Bonne balade mec.

-Merci mec.

C’est le début du mois. Il n’a encore rien dépensé de ses aides, alors autant se faire plaisir. Jeff se retrouve à faire la queue dans le supermarché le plus proche de chez lui avec dans ses mains ce fameux shampoing « STOP Calvitie ». Une fois qu’il a payait les 36€, il reçoit un message de Pitt. «Eh mec noubli pa les sous pour tu ces de koi jparle hein ? Sa fai 200 € chacun. Pense au loyer tan que tyes ossi. Merci mek ». Cette tâche était complètement sortie de la tête de Jeff. 200€?! ah ouais quand même ! C’était vraiment une marijuana de luxe ! Mais rien qu’à y repenser il ne regrettait pas le prix même si il était condamné à manger des pâtes à l’eau le restant du mois. Si il avait su, il n’aurait pas acheté ce foutu shampoing ! Bref, tant pis, il finira le mois sur les rotules comme il en avait l’habitude. Il s’arrête au premier guichet qu’il croise. « Banqueroute, une banque qui est faite pour vous ! » Teh, une banque qu’il ne connaît pas. Sans crainte, il enfile sa carte bleue dans la machine et commence à retirer 200 €, dans l’espoir que cela fonctionne. L’opération se fait correctement mais aucun argent ne sort. Bon. Il a du louper une étape où alors un bug. Il réitère l’opération une nouvelle fois mais il fait face au même problème. « Putain mais c’est pas vrai ! » Avec persévérance il ressaie de nouveau. Soudain s’affiche sur cet étrange appareil : « Retrait impossible. Solde insuffisant » « QUOIIIIII?!!!!!! » hurle subitement Jeff en tapant contre la machine. « Elle m’a pompé toutes mes thunes ! ». Ses pensées s’attardent sur les vénézuéliens et son auriculaire commence à le gratter. Il se redit qu’il n’aurait pas du s’acheter ce foutu shampoing. A sec d’argent, autant ramener ce produit. 36 € c’est toujours bon à prendre. A contrario, se rendant compte qu’au fil des années, les hivers deviennent de plus en plus froid, il s’arrête dans des toilettes publics et teste ce fameux produit dans l’espoir que ce dernier relève du miracle et que la touffe épaisse qu’il avait au début de sa vie réapparaisse. Même en frottant comme un dingue, le peu de cheveux qui lui reste sont toujours dans le même état. Alors qu’il décide de ramener le produit à la caissière qui lui a vendu, une personne l’interpelle dans la rue.

-Eh salut Jeff !

Cette douce voix lui est familière. Cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas entendu et ce n’était pas pour lui déplaire. Lorsque il se retourne, il n’en croit pas ses yeux. Ce n’est d’autre que son ex copine, Elise, avec qui il avait coupé les liens depuis leur rupture, il y avait au moins 3 ans. Cette rupture qui par ailleurs avait été assez brutale. Elle ne voulait plus jamais entendre parler de lui, déversant sa haine sur les différents réseaux sociaux le décrivant d’égoïste, d’égocentrique, bon à rien et ridicule au pieu. Bref, que de joli mot. Il est étonné qu’elle vienne à son encontre de si bonne humeur. Par contre, son visage a prit un sacré coup. Ses yeux sont rouges, rouges écarlates, et ses vaisseaux sanguins autour d’eux commence à exploser. Jeff n’a d’ailleurs pas pu s’empêcher d’y faire la remarque.

-Hey, comment vas-tu depuis le temps? Eh t’es yeux … Ils vont bien ?

-ça va tout roule. Ah tu as remarqué ? Je vais chez l’opticien toute à l’heure.

Elle passe sa main dans les cheveux de Jeff.

-Tu as de beau cheveux.

Jeff se dit que le shampoing a peut être marché tout compte fait. Elle enchaîne.

-Sinon, veux tu qu’on parle du bon vieux temps autour d’un verre ?

-Non je suis désolé je n’ai pas le temps, plein de truc à régler.

Cette rencontre déjà étonnante le devient d’autant plus lorsque il l’a remarque tenir une poussette.

-Ah mais je vois que t’as un gosse ?

Alors qu’il se baisse pour voir le bébé, il se rend compte qu’elle est vide. Elise se touche le ventre.

-Je m’entraîne juste. Ils ne sont pas encore sortis.

-C’est des jumeaux ?

-Oui et ils viennent de toi.

Le visage de Jeff se décompose. Il ne comprend pas.

-Mais…Mais Elise, on a pas eu de rapport depuis 3 ans.

-Oui j’en suis consciente mais t’es le dernier mec avec qui j’ai couché.

-Mais ces impossible, scientifiquement et humainement impossible !

-Ecoute Jeff, ils ne peuvent être que de toi. Il faut que tu prennes tes responsabilités. D’ailleurs c’est à cause de cela que tout les deux ça n’a pas marché. Je passe à l’appartement tout à l’heure pour régler la paperasse.

-L’appartement ? Tu sais où j’habite ?!

-Pitt me l’a dit.

-Tu connais Pitt ?

-Ce n’est pas la question. Je compte bien que ça soit toi qui est la garde.

-La garde ?!

-Oui avec le boulot tu comprend, je ne peux pas le garder. Il faut que je pense à ma carrière.

-Je ne peux pas Elise, Je ne peux pas !

Elle lui attrape chaleureusement les mains.

-Je sais que tu feras un bon père. J’en suis certaine. Allez à tout de suite.

Elise l’embrasse sur la joue avant de s’enfuir avec sa poussette. Jeff reste pantois. « C’est quoi ce délire ? Elle est devenu fada !».

Perturbé par cette rencontre, Il essaie vite de passer à autre chose et de l’oublier rapidement. Il rejoint le supermarché pour ramener le shampoing, et espère son remboursement.

-Excusez moi ?

-Oui ?

-Whaou !

L’œil droit de la caissière est dans le même état que ceux d’Elise. « Mais qu’est ce qu’ils leurs arrivent à tous. Une nouvelle forme de COVID ?! »

-Euh.. Madame je suis pas satisfait du shampoing je voudrais me faire rembourser.

La caissière lui arrache violemment le produit des mains.

-Il est vide !

-Oui, c’est en le testant que je me suis rendu compte que je n’étais pas satisfait.

-Le shampoing étant vide on ne vous rembourse pas !

-Comment je peux savoir si je suis satisfait ou non si je ne teste pas le produit ?! Sur la publicité il y avait écrit satisfait ou remboursé, je le sais, je l’est vu passer une quarantaine de fois !

Ah ce moment là, le patron du supermarché habillait d’un costard élégant et soigné intervient.

-Excusez moi monsieur, vous venez pour l’entretien d’embauche ?

-Je serai payé tout de suite ?

-Ah ah ah ! J’aime votre humour suivez moi !

Jeff était un peu plus sérieux. Il a besoin de fric. Le patron l’attrape par l’épaule avec poigne pour l’amener jusqu’à l’entrepôt.

-C’est ici qu’on gère les stocks de marchandises. Vous avez un sens de circulation et vous avez le quai de déchargement, juste là-bas. Vous êtes titulaire du CACES ?

-Euh non.

-C’est pas grave ! Vous êtes un brave jeune homme, vous ferez le stock de marchandise aux muscles de vos bras !

« Il se fout de ma gueule celui là » se dit Jeff qu’était foutu comme une arbalète. Mais bon il ne peut pas cracher sur un peu d’oseille.

-Et pour la paye ?

Le patron sort de derrière son dos un contrat avec un stylo à plume bien tranchant.

-Tout est sur le contrat, allez-y signé.

-Je devrais pas le lire avant ? Ma mère m’a toujours dit de lire avant de signer.

-Mais non ce n’est que des formalités.

La flemme de lire ce contrat contenant bien une trentaine de page, il le signe. Le patron lui arrache des mains le stylo plume lui tranchant le doigt par la même occasion. Une goûte de sang coule sur le contrat. Jeff est surpris. Son étonnement se renforce, lorsqu’il aperçoit le visage de cet homme en costard changer au fil des secondes. Il devient de plus en plus rouge comme si un oeuf était sur le point d’éclore de son visage. Soudainement, les portes du hangar se claquent toutes seules. Ils sont enfermés à l’intérieur. « C’est quoi ce délire ! » se demande Jeff.

-Vous trouverez votre lit sur la gauche.

-Quoi ?

Le lit est un matelas posé sur le sol.

-Vous êtes sous contrat à notre service pour le restant de vos jour.

-Qu..Quoi ?

-Et vous n’avez qu’un seul jour de repos, le dimanche de 14h à 18h.

-Quuuuuuoi ?!

-Tout était écrit sur le contrat que vous avez signé de votre propre sang. Voulez-vous le lire ?

Jeff n’en revient pas. Le patron poursuit.

-Je vous présente derrière vous vos collègues. Ici vous trouverez votre bonheur, votre réussite personnelle et votre but jusqu’à la retraite. Je vous rassure très peu d’employé l’atteigne. Ici elle est à 85 ans.

Il aperçoit une dizaine d’employés aux teints pâles, usés, aux dos courbés, toussant dans leurs manches. Soudain, l’oeil du patron se met littéralement à sortir de son visage. Il pend jusqu’au niveau de son torse. Jeff ressent la plus grande peur de sa vie (jusqu’à ce moment précis en tout cas).

-Je veux pas chopper cette merde !

Il court comme il peut, esquivant les employés qui essaient de l’attraper comme une horde de mort vivant assoiffé de sang.

-Reste avec nous, chantent t’ils à tue-tête.

Tellement usés par leurs emplois, il est facile pour Jeff encore neuf et vigoureux de les semés. Il monte dans un transpalette électrique, démarre et essaie comme il peut de s’enfuir. Par chance ou malchance, il passe la marche arrière par erreur et recule dans le grand portail qui bloqué la sortie. Il passe à travers et réussit à fuir. Le voilà sur la route, en plein centre-ville, en marche arrière se laissant guider par la chance. Un nombre incalculable de voiture le klaxonne et l’esquive de justesse. Au bout d’un moment se sentant sortie d’affaire, il décide d’arrêter sa course folle. En reprenant ses esprits, il se rend compte qu’il se retrouve juste en face du foutu guichet lui ayant volé tout son pognon. Une idée surgit de l’esprit fatigué de Jeff. Il trouve le numéro service client de la banque sur son téléphone à 0,20 centime par minute l’appel. A bout de nerf et remonté comme une pendule, il les appelle. Il tombe sur une boite vocale qui lui demande de patienter. Au bout d’une vingtaine de minutes, il décide d’aller patienter dans le bistrot d’en face. Méfiant, il vérifie que toutes les personnes présentes on bien leurs yeux à leurs places avant de commander un demi. Derrière lui, assis à une table, il entend quelques brides de conversation typique de vieux cons. « Ah la la, les jeunes d’aujourd’hui… Ils n’ont que ça à faire boire des bières en pleine journée… Une génération de pourrie… Nous à l’époque on était.. Bla..Bla..Bla » Des moralisateurs de bas de plafonds qui pensent que leurs vies vos mieux que celles des autres. Qui sont il pour juger ? A passer leurs vies à déverser leurs haines avec leurs langues de vipères, à critiquer tout ce qui se passent devant eux dans l’espoir de compenser leurs vies ennuyeuses et monotones assis bien confortablement dans leurs chaises en cuirs. Alors que Jeff se retourne pour voir de quoi ont l’air ces vieux aigris, il se rend compte que ces derniers l’avaient à l’oeil depuis un bon moment. « Ai-je parlé à haute voix ?» se demande t-il. « Suis-je entrain en ce moment même… Bordel ! ». Leurs visages sont rouges, rouges écarlates. « Est-ce à cause de la bouteille de vin qu’ils s’enfilent ou bien leurs yeux vont aussi s’éjecter de leurs crânes?!». Le service client répond enfin, ce qui permet à Jeff de mettre fin à ses interrogations.

Il quitte le lieu pour entamer la conversation « Allo, allo je vous entend pas !». A ce moment là, devant le bistrot, un 4X4 noir se gare juste devant lui. La porte latérale s’ouvre et littéralement deux gorilles le kidnappe. Jeff tente en vain d’appeler au secours.

-Aidez moi je ne veux pas travailler !

Les passants l’ignorent totalement continuant tranquillement leurs chemins. Jeff se retrouve assis entre ces deux primates. En face de lui un petit homme chauve, haut en couleur, au petit nez, aux petites mains, équipé d’une petite paire de lunette de soleil et un petit chapeau, rapproche son visage de celui de Jeff. Ce dernier se demande dans quelle galère il se retrouve encore. Le petit homme met un sans-gêne dans sa bouche et souffle à l’intérieur au même moment qu’une musique festive fait péter les watts, faisant trembler le véhicule.

-Félicitation ! Vous venez d’être sélectionné !

Dans une situation inconfortable, Jeff est dans l’incompréhension la plus totale.

-Je ne suis pas sur de comprendre…

-C’est la dernière ligne droite pour accomplir votre rêve et pouvoir avoir la chance de rejoindre le groupe « Punk not dead » !

-Connais pas.

-C’est le fameux collectif de jeunes musiciens talentueux. Vous pouvez faire partie de ce groupe si vous vous présentez aux essais aujourd’hui avant 18h.

L’homme relève sa manche.

-Cet à dire dans 30 minutes.

-Euh… Je n’est pas souvenir d’avoir participé à un concours.

-L’adresse se situe 5 rue boulevard Saint-Jean. C’est une chance unique de faire quelque chose d’extraordinaire de votre toute petite vie !

-Je dois prendre ma guitare ?

-Bien évidement ! Vous contiez jouer avec vos pieds ?

Un silence gênant apparaît dans le véhicule jusqu’à ce que cet étrange homme se met à hurler d’une voix stridente.

-Terminus !

Le 4X4 pile violemment.

Les gorilles éjectent violemment Jeff qui s’écrase sur le trottoir.

-Eh ! vous m’avez pas noté l’adresse !

Du véhicule, un papier froissé en boule avec les informations nécessaires lui est envoyé en plein visage.

Heureux d’avoir eu une bonne nouvelle aujourd’hui, il a enfin l’espoir de réaliser un de ses nombreux rêves. Devenir une star montante du Rockn’roll et retrouver son visage collé sur les murs des chambres des gamins comme lui avait de ses idoles. Il rentre à son appartement à la vitesse de l’éclair, tout excité de partager la nouvelle à Pitt.

-Eh mec, tu vas pas me croire, ça y est j’ai percé ! Grâce à deux gorilles.. Pitt ?

Ah sa stupeur, Pitt n’est pas là. Où peut il bien être ? Il ne l’avait pas vu autre part que dans ce canapé. Alors que Jeff pensait qu’ils avaient tout fumé, il remarque posé sur la table basse un reste de marijuana Vénézuélienne qui lui fait de l’oeil. Elle était si bonne.. « Faut pas bordel, le concours de ma vie se déroule dans pas moins de 20 minutes et je sais même pas où se trouve cette rue machin truc » Alors qu’il allait prendre sa guitare dans sa chambre, une petite voix dans sa tête l’en empêche « Une ou deux taffs ça ne peu pas te faire de mal Jeff, ça sera rapide et puis ça te détendra avant l’audition, ça te rendra même meilleur ! ». Il fait demi-tour et décide de se préparer un joint. Il tire dessus. « Mamah ! »la même sensation que la première fois. Une fois bien détendu, il regarde son téléphone. Il ne lui reste plus que 6 minutes. Alors qu’il commence déjà à regretter, il se précipite dans sa chambre et surprise : Il tombe nez à nez avec son proprio le barbu, l’oeil dégoulinant de son visage qui essaie tant bien que mal de cacher sa tronçonneuse de derrière son dos.

-Mais qu’est ce que vous foutez la ?

-Tu aimes le bruit hein ?! Tu l’aimes ?!

Leurs regards sont penchés en direction de la guitare couché sur le lit.

-Ne fait pas ça mec, tout mais pas ça, pas maintenant.

Il démarre la tronçonneuse avec fureur. Jeff hurle. Ses rêves s’évanouissent au rythme, que le bûcheron découpe sa guitare en deux, tranchant son lit par la même occasion. Une fois le travail terminé et croyant être au bout de ses peines, son voisin pointe son engin en sa direction.

-Maintenant c’est ton tour.

A pas de géant, il se dirige en direction de Jeff qui prend ses jambes à son cou et part se réfugier dans le salon, claquant la porte derrière lui. Ce qui n’empêche pas au barbu de la perforer, à deux doigt de couper en deux la tête de Jeff au passage. Ce dernier déplace tout les meubles présents pour bloquer ce qui reste de la porte. Ne supportant plus le bruit de la tronçonneuse, et dans un certain désespoir, ne voyant autre échappatoire et voyant son rêve s’évaporait en fumer, il se rallume le joint de vénézuélienne, son dernier réconfort. Le bruit de la tronçonneuse se dissipe au fil des taffs, jusqu’à totalement disparaître. Quelques minutes plus tard, Pitt fait son apparition dans l’appartement, avec accroché à son bras une fille plutôt canon.

-Mec qui sait ça?

-Ma nouvelle copine.

-T’imagine même pas ce qui m’est arrivé aujourd’hui. J’ai acheté un shampoing pour faire repousser mes cheveux j’ai toujours pas un poil au caillou, J’ai revu mon ex, enceinte de moi alors que je ne l’est pas touché depuis des années, je me suis fait kidnapper par des gorilles pour participer à un concours, je me suis fait voler tout mon fric par une banque, le voisin avec son œil chelou vient de tenter de me buter putain et j’ai failli devoir bosser pour le restant de mes jours par dessus le marché ! J’ai pas pu mettre la main sur l’argent… Je suis vraiment désolé mec mais me faire couper l’auriculaire est maintenant le dernier de mes soucis… c’était vraiment de la folie aujourd’hui, comme si cette beu m’avait plongé dans une autre dimension.

-T’inquiète pas j’ai tout payé. Je t’en même laisser de rab et je vois que tu t’en est bien occupé. Dis toi que c’est mon cadeau de départ.

-De départ ?

-Oui je vais aménager avec Jasmine dans un petit appartement dans le centre ville. Je vais me lancer dans une formation dans le bâtiment. Je suis hyper motivé.

Jeff est désemparé.

-Vous voulez pas fumer ce qui reste avec moi?

-Non, Je viens juste récup deux, trois affaires. Tu peux même garder mon tee-shirt Bob Marley, j’en ai plus besoin.

Jeff sort de sa table basse le pochon de marijuana appartenant à Pitt. Il est vide.

-C’était pas des conneries alors ?

Pitt s’empare de ses dernières affaires.

-Eh non. Bonne continuation à toi mec.

Lorsque la porte se ferme. Il ressent comme un vide. Il ne sait quoi faire. Alors qu’il essaie de se relever du canapé, il se rend compte d’avoir le fessier carrément collé sur ce dernier. « C’est quoi ça encore.. » Après plusieurs tentatives, il lui est impossible de se lever. Soudain, Elise, son ex copine, les yeux dans le même état qu’était ceux de son voisin, se retrouve dans son salon, ses jumeaux dans les bras tout deux entrains de pleurer et de brailler à en exploser les tympans.

-Tient je te les laisse comme prévu.

Alors que Jeff veut hurler dans l’espoir de se réveiller de ce cauchemar, il se rend compte qu’il ne peut émettre le moindre bruit. Sa bouche est cousue. Elise se rapproche de lui pendant qu’il essaie de se débattre de tout son corps sans réussite. Elle dépose les jumeaux toujours aussi bruyants sur les genoux de Jeff puis quitte l’appartement à toute vitesse. Il se retrouve seul avec eux. Au bout d’un moment, les cries cessent enfin. L’un deux faufile sa main dans la poche du pantalon de Jeff qui est dans l’impossibilité de bouger. Il en ressort sa carte bleue. Les deux jumeaux se check fièrement, hilares, quittant l’appartement en faisant des doigts d’honneurs à Jeff qui n’avait jamais vu des nourrissons marchés. Alors qu’il pense que cette galère se termine, les programmes de la télévision défilent de plus en plus vite. Les aiguilles de l’horloge placés au dessus de son écran, tourne à une vitesse étonnante. Alors qu’il passe sa main sur son front pour essuyer les goûtes de sueurs, il se rend compte que son front s’est agrandi. Le peu de cheveux qui lui restait tombe en pagaille jusqu’à ce retrouver chauve comme un caillou. Il attrape son téléphone. La date a changé. 2036 ! Il aperçoit son reflet sur l’écran. Son visage est recouvert de ride. Il ne se reconnaît plus et semble avoir pris 20 ans dans la gueule. Petit à petit, il s’enfonce de plus en plus, comme absorbé par la rainure du canapé. Au début le bassin, les jambes, jusqu’à l’engloutir complètement, tombant dans le néant et l’obscurité la plus profonde.

Il ne comprend pas ce qui lui arrive. Il se retrouve dans une pièce, lumineuse, au mur d’une blancheur absolu. « Qu’est ce que je fous là?! » Il se lève doucement d’un lit, les jambes dans le coton, et se rapproche de la fenêtre. Par le reflet, il réalise que son visage n’a pas changé. Ce qui le rassure. Un homme en blouse tout aussi blanche que la pièce ouvre la porte de sa chambre.

-Ton chauffeur t’attend devant.

En arpentant les couloirs pour rejoindre la sortie, Jeff découvre qu’il se trouve dans un institut. « Elle était vraiment forte cette Vénézuélienne ». Garé devant, Pitt l’attend.

-Eh beh mec, t’as l’air frais comme un gardon !

-Tu trouves ?

Jeff est à côté de ses pompes. Il rentre dans le véhicule, espérant une seule chose, que tout soit rentré à la normale.

-Qu’est ce qui ces passé mec ?

-Oh, t’as fait juste un petit burn-out voilà tout.

-Un burn-out ? J’ai surtout l’impression d’avoir fait un bad trip chelou.

-T’as des projets ou un truc comme ça ?

-Là, pas vraiment… Toujours pas.

Jeff et Pitt échangent sur la pluie et le beau temps le long du trajet. Jeff étant dans l’incertitude que toutes ses aventures se soit produites ou non, n’ose en parler. A peine arrivé, que Pitt s’installe déjà dans le canapé, se recouvrant de son plaid. « Ah c’est bon signe ! », jusqu’à :

-Putain, j’ai zappé ! Fallait que j’écrive à ma copine !

Les frissons s’empare du corps de Jeff.

-T’as copine ?

-Ouais, Jasmine.

-Oh merde ! Il y a quelqu’un dans ma chambre ?!

-Pourquoi tu voudrez qu’il y est quelqu’un dans ta chambre ?

Jeff serre avec force la poignet. Il prend sa respiration et l’enclenche. Aucune trace de son proprio ni de sa tronçonneuse. Il s’avance tout de même à petit pas puis observe par la fenêtre le salon de son proprio. Personne à l’horizon. Pour se rassurer complètement, il ferme les volets. Voulant se détendre, il cherche sa guitare électrique. Cette dernière a disparu. Il a beau chercher sous son lit, dans son armoire, impossible de mettre la main dessus.

-Eh mec, t’as pas vu ma guitare ?

Pitt ne répond pas, trop occupé à rouler un joint.

Jeff rentre dans la cuisine dans l’espoir de la trouver. Elle n’est pas là non plus. Il reste planté quelques secondes.

-Tu veux fumer ? Lui crie Pitt dans l’autre pièce.

Jeff hésite malgré tout ce qui lui est arrivé. Il n’a aucun autre projet pour aujourd’hui, ni pour demain et ni pour le reste de sa vie. Il retourne dans le salon.

-Elle n’est pas trop forte ?..

A la vu du visage de Pitt, c’est la douche froide. Il ne peut finir sa phrase. Il est comme tétanisé. La terreur s’empare de son corps. Son sang se glace. L’oeil de Pitt, gluant est entrain de se déverser sur le sol jusqu’à engloutir les pieds de Jeff qui réalise qu’il n’en a pas finit avec son cauchemar et condamné à errer dans ce dernier : La malédiction Vénézuélienne

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