Après un divorce difficile, à tout juste douze ans, elle décidait de ne plus revoir son père.
Trente ans durant, elle l’ignorait. Il avait disparu de sa vie du jour au lendemain. Elle la si douce, si gentille petite fille qu’elle était à l’époque, s’était révoltée, sans heurts, sans pleurs, juste en fermant une porte. En disant : « Non, je ne veux plus, c’est fini ».
Trente ans durant, elle restait sourde à tous ceux qui tentaient de l’inciter à entrouvrir cette porte…
Au cours de ces années, elle rencontrait celui qui allait devenir son mari. Lui aussi voulait connaître ce beau-père resté dans l’ombre. Jamais il n’a perdu espoir.
Ils ont eu quatre beaux enfants. Elle était heureuse.
Puis un jour ou plus exactement une nuit, elle fit un rêve… Son père mourait … Sur le moment elle ne comprit pas pourquoi il était subitement revenu hanter son existence. Elle tentait mais en vain de supprimer ces images. A force d’y songer, le passé resurgissait, complexe, avec des zones d’ombres qui ne seraient sans doute pas éclaircies. Cette hypothèse n’avait à aucun instant remis en cause l’attitude qu’elle avait eue enfant, confortée à sa majorité, ou plus tard d’ailleurs. Cette fois tous ces questionnements ne cessaient de revenir en boucle, perturbant son sommeil et bien au-delà, sa vie de tous les jours.
Ne recherchant aucune aide extérieure, elle se concentrait sur ce qui, un matin, l’avait poussée à prendre une décision très grave. Avait-elle eu raison ? Était-elle à l’époque consciente de toutes les conséquences ? Pourquoi aucune explication ne lui avait été demandée par personne et encore moins son père ? Certaines objections confortaient le comportement qui avait été le sien jusqu’à présent, d’autres commençaient à fragiliser sa détermination. Le manque de sommeil, le stress la rendaient irritable envers ses proches. La douce et solide maman qu’elle était, devenait brusque et fragile ; elle s’en voulait et cependant elle ne maîtrisait plus rien.
Il lui fallut se rendre à l’évidence, l’heure était venue pour elle d’obtenir des réponses.
Un soir, elle prit son courage à deux mains et avec le soutien de son mari, elle composait le numéro de téléphone de son père. Il lui avait fallu un certain temps pour réagir. Au cours des semaines suivantes ils avaient convenu d’un rendez-vous. Lui aussi voulait comprendre.
Le jour J arrivait, ils étaient à la gare lorsqu’ils avaient appris qu’il n’y avait pas de train, alors quoi faire !!!
Cette fois, ce ne fut plus elle qui fut troublée. Son époux s’en voulait de l’avoir encouragée toutes ces années à entreprendre cette démarche. Il craignait désormais que cet événement ne fût prémonitoire. elle avait peut-être eu de bonnes raisons d’avoir éliminé de sa vie cette personne. La peur ou le dégoût qu’il lui avait inspiré jusqu’à ces derniers temps, l’effrayait, le bouleversait au point qu’à demi-mots il lui avait demandé si elle aurait pu effacer de sa mémoire des faits qui se seraient produits étant enfant.
Horrifiée, elle appelait son père…