Tous les quatre devaient se retrouver sur place vers quinze heures trente ainsi chacun pouvait aller à son rythme !!!! Et le chauffeur de Marie ne s’était pas fait prier pour faire chauffer son moteur. Elle avait eu l’impression de sortir de Cannes avant même que Patrick ne soit monté dans sa voiture. A nouveau, cette sensation de gamine prétentieuse sortant avec un petit copain qui possède la voiture la plus rapide l’avait beaucoup amusée, elle était comme une jeune première à qui l’on faisait la cour. Elle était charmée et fière qu’Alexandre se donne tant de mal pour lui faire plaisir. Il avait pris la troisième corniche pour lui faire profiter de la vue et de la route avec ses nombreux virages dans lesquels il faisait crisser les pneus. Puis un peu avant la frontière ils avaient rejoint l’autoroute. Ils étaient arrivés à destination vers quinze à peine, ce qui leur laissait le temps de s’installer avant d’être rejoints par les musiciens. Là encore, les choses avaient été faites en grand, ils étaient logés pour le week-end dans un palace italien qui donnait sur la mer. Après avoir déposé les bagages et présenté à leur hôte les artistes pour la répétition générale, Marie et Alexandre les abandonnaient à leur besogne pour quelques heures afin de profiter de leurs côtés d’un peu d’intimité. Alexandre était un garçon fort bien élevé, jamais depuis qu’ils s’étaient rencontrés, il n’avait eu de geste déplacé, juste des gestes attentionnés, délicats qui ne laissaient nul doute sur ses sentiments ou du moins ses intentions, pourtant il attendait sans doute que Marie l’incite à aller de l’avant pour se rapprocher un peu plus.
Tandis qu’ils marchaient sur la plage, Marie se laissa à lui donner la main, ce qui ne manquât pas de le conforter totalement sur le fait qu’il lui plaisait. Il faisait bon, même chaud, à cette heure de l’après-midi et ils décidèrent de s’arrêter prendre un rafraîchissement dans un des nombreux petits cafés qui longeaient le bord de mer.
Là, ils avaient longuement discuté de leurs choix de vie respectifs, de leurs projets et de leurs enfants ; certes des banalités qui leur permettaient de se sentir encore plus proches l’un de l’autre. Lui comme elle, avait trois enfants, lui comme elle avait eu le malheur de perdre leur âme sœur. Son épouse avait disparu il y avait trois ans et lui avait laissé trois jeunes enfants âgés désormais de sept, douze et dix-sept ans. Il avait cinq ans de plus que sa femme qu’il avait connu au collège. C’était son premier amour, elle avait quinze ans lorsqu’il l’avait rencontrée et lui en avait vingt. Dès qu’elle avait atteint sa majorité, ils avaient décidé de se marier et c’est ainsi que leur fils était né, elle n’avait que dix-neuf ans. A l’âge de trente-deux ans on lui avait décelé un cancer impossible à traiter qui l’avait emportée en moins d’une année. Quelle tristesse de disparaître si jeune en laissant un père avec trois petits enfants dont la cadette venait d’avoir quatre ans. Aujourd’hui, il en parlait avec sérénité car il la sentait toujours à ses côtés et c’est pourquoi dans l’esprit de ses enfants leur mère était encore là pour veiller sur eux. Il avait durant ces dernières années aménagé son emploi du temps, il voyageait beaucoup moins voire pas du tout pour rester à leurs aux côtés mais il sentait que leur mère leur manquait et dans toutes les relations qu’il avait eues jusqu’à présent, Marie était certaine qu’il recherchait avant tout cette maman pour ses enfants. Il était très attendrissant mais Marie se rendait compte que cette relation ne pourrait pas être celle qu’il espérait. De son côté, Marie lui parla également de ses enfants déjà grands, espérant qu’il réaliserait qu’elle n’était peut-être pas celle qu’il attendait. Il avait dû se rendre compte de sa démarche et lui avait expliqué que des petits week-ends comme celui-ci étaient pour lui des bouffées d’oxygène qui lui permettaient de se sentir vivant. Papa très attentif, il savait s’octroyer ce genre de moments pour ne pas craquer et sa belle-sœur, elle aussi avait compris combien il en avait besoin pour tenir debout, alors quand il la sollicitait, jamais elle ne refusait de garder ses neveux et nièces qu’elle adorait par-dessus tout. Elle le faisait sans doute en pensant à sa sœur dont elle avait été si proche et qui lui manquait à elle tout autant peut-être même plus car c’était une partie d’elle-même qui avait disparue. Alexandre lui apprit qu’elles étaient jumelles, de vraies jumelles, identiques en tous points ou presque. L’une était une artiste Clara, son épouse et l’autre Clarisse, était une femme d’affaires. A presque trente-six ans, elle était directrice d’une chaîne d’hôtels de luxe dont celui dans lequel ils étaient hébergés à Bordighera. Elle avait rencontré un homme d’affaires qatari deux ans après que sa sœur se soit mariée lors d’un de ses voyages au Qatar. A l’époque, elle travaillait pour une société française qui louait les services de femmes de chambres françaises d’une bonne éducation et qui présentaient parfaitement auprès de grands hôtels du monde entier. C’était pour ces hôtels une sorte de faire-valoir auprès d’une clientèle aisée ravie de profiter à chacun de leur séjour de la même femme de chambre. Elles connaissaient leurs clients et pouvaient ainsi devancer le moindre de leurs souhaits. Clarisse avait la responsabilité d’un de ces groupes de femmes. Elle était si compétente dans son activité qu’elle s’était faite remarquer puis débaucher par un riche homme d’affaires sur place pour la seconder dans sa propre chaîne hôtelière, puis pour l’épouser. Elle voyageait beaucoup or dès le décès de sa sœur elle avait pris plus de responsabilités au siège de la filiale à Paris pour s’attacher elle-même une collaboratrice qui voyageait à sa place tandis qu’elle gérait sur place les hôtels parisiens pour s’octroyer plus de temps à seconder son beau-frère.
L’après-midi avait vite passé et ils avaient fini par rejoindre les artistes pour dîner avant le début du gala. Anna et Patrick semblaient satisfaits de leur prestation tout autant que le directeur du théâtre. Après un bon repas, tout le monde avait regagné l’hôtel pour se préparer avant l’ouverture des festivités. La soirée fut très agréable, elle fut entrecoupée par des interviews puisque le thème de cette soirée était la mise en vente d’objets divers ayant appartenu à des personnalités qui venaient raconter dans quelle circonstance il leur avait été offert. L’intérêt de ces interviews était de faire monter les enchères. Tous les gains étaient effectivement reversés à une association qui luttait pour la recherche sur « les cancers ». Alexandre trouvait le moyen au travers de cette soirée d’aider un ami et de s’aider lui-même dans sa quête personnelle. Il avait eu l’impression, à la découverte du cancer de sa femme, d’être si impuissant qu’il avait besoin de faire aujourd’hui quelque chose qui fasse avancer la recherche pour éviter à d’autres de se retrouver confrontés à ce qu’il vivait depuis trois années : la perte de l’être aimé aggravée par une sensation d’impuissance.
La soirée fut donc sympathique, parfois amusante au travers des anecdotes relatées par les invités, tous connus et sensibilisés par le sujet. Des instants comme ceux-ci faisaient prendre conscience qu’il était important de rester solidaire lorsque l’on vivait des moments difficiles où chacun à sa manière tentait d’avancer et de poursuivre son chemin en gardant le sourire. La soirée se termina très tard dans la nuit, il était presque deux heures du matin et pourtant tous les invités restaient attentifs. Puis tout le monde regagna son hôtel et alors qu’Anna et Patrick se dirigeaient vers leur chambre respective, Alexandre proposa à Marie de prolonger cette soirée par une ballade sur la plage. Marie avait envie de prendre un bain de minuit. Le temps de passer prendre un maillot, ils se retrouvaient au bord de la piscine. Il faisait très doux, et il n’y avait pas un souffle d’air. Elle se sentait bien. La lune était encore très haute, elle était pleine, il faisait presque jour. Ils s’étaient dirigés vers la plage et étaient rentrés dans l’eau sans même tressaillir, elle était tiède. Marie n’osait pas trop s’éloigner tandis qu’Alexandre l’incitait à venir le rejoindre sur un ponton à une cinquantaine de mètres du bord. Marie ne se fit pas prier très longtemps pour le retrouver. En sortant de l’eau, l’air était si chaud qu’elle eut l’impression de sentir sa peau sécher comme si elle était exposée au soleil. Elle s’étendit sur les lattes de bois encore tièdes. Et Alexandre était venu s’étendre près d’elle. Ils étaient restés ainsi un long moment, silencieux à profiter de ce beau clair de lune. Puis il s’était retourné vers elle et l’avait longuement regardée l’air pensif. Ils avaient durant toute cette journée été proches sans toutefois se toucher et elle sentait à cet instant précis dans les yeux d’Alexandre l’envie de la caresser. Il lui plaisait, et ils étaient des adultes responsables susceptibles de prendre du bon temps sans aucune arrière-pensée. Et même si elle connaissait son souhait vis-à-vis de ses enfants, il n’en était pas moins un homme qui devait satisfaire parfois des envies somme toute naturelles. Elle était, elle-même, une femme qui avait également des envies. Elle prit donc les devants en caressant sa joue comme pour valider ce qui pourrait se passer ensuite. La nuit se poursuivit jusqu’au petit matin et ils profitèrent du temps qui leur était offert. Il était doux, plein de petites attentions, et Marie s’était sentie désirée et désirable. Elle s’était offerte sans réserve. Elle se sentait détendue, sereine entre des bras délicats et tendres. Alexandre explorait son corps avec ses lèvres et le bout de ses doigts de telle façon qu’elle fut parcourue de frissons agréables qui durcirent le bout de ses seins. Leur étreinte avait duré une bonne partie de la nuit et vers six heures du matin alors que le soleil montrait le bout de son nez, ils étaient repartis vers l’hôtel. La mer était toujours à bonne température, et malgré l’heure, ils se glissèrent dans l’eau comme dans un bain chaud, leur corps délicatement enlacés pas vraiment décidés à se séparer, néanmoins, ils devaient être raisonnables, ils regagnèrent leurs chambres après s’être donné rendez-vous vers neuf heures pour le petit-déjeuner.
Marie pris une douche et elle s’endormit comme un bébé. Ce fut le téléphone qui la sortit d’un semi-coma. Margaux venait prendre de ses nouvelles car la veille elle avait essayé de la joindre sans succès et elle s’inquiétait comme à chaque fois que sa mère changeait ses habitudes. Margaux veillait sur sa mère comme une mère, c’était une enfant très attentionnée. Une fois rassurée, mère et fille se donnèrent rendez-vous le lendemain soir pour dîner. Il était huit heures et Marie avait sombré deux bonnes heures dans un sommeil réparateur de toute évidence car elle se sentait en pleine forme. Elle décida de se préparer pour descendre prendre le petit-déjeuner. Il serait bientôt tant pour chacun de regagner ses activités respectives. Patrick et Anna prenaient leur petit-déjeuner en compagnie d’Alexandre quand Marie les rejoignit au restaurant. Tous les quatre conversèrent de tout et de rien et chacun expliqua ce qu’il allait faire en rentrant. Patrick reprendrait ses cours au conservatoire de Cannes, Anna, elle-même encore étudiante au conservatoire de Versailles poursuivrait ses cours et participerait à tous les concerts qu’Alexandre voudrait lui organiser. Quant à Marie, elle invoquait une semaine si chargée qu’Alexandre en la raccompagnant à Montpellier n’osa pas lui proposer de se revoir dans le courant de la semaine, même s’il en avait vraiment envie, prétextant lui aussi de nombreux déplacements pour remettre à plus tard leur second rendez-vous. Ils promirent de se rappeler très vite pourtant.
Marie le remercia pour ce merveilleux moment et ils se quittèrent ainsi. Marie était sincère lorsqu’elle évoquait ce beau week-end et même si elle serait volontiers à nouveau sortie avec Alexandre, elle n’était pas encore prête à chambouler sa vie. Elle adorait son rôle de mère, bien que celui-ci soit réduit à une peau de chagrin, toutefois ce ne serait pas une raison pour la pousser à prendre en charge les enfants d’une autre. Non pas qu’elle ne s’en sente pas capable. Sans doute l’aurait-elle fait si elle avait été persuadée que le père des enfants aurait pu être un homme avec lequel elle aurait partagé le reste de sa vie. Alexandre était un très gentil garçon, agréable, plutôt beau gosse, qui faisait bien l’amour, devait-elle reconnaître. Pourtant malgré ses nombreuses qualités, ce ne serait pas lui, le futur homme de sa seconde vie.
Le lendemain matin, Marie se réveilla vers dix heures, cela devenait une habitude en ce moment de faire de longues flemmes. Il faisait bon et elle avait envie d’aller se promener le long de sa plage préférée. Avec les vacances, il était difficile de se garer en bord de mer à moins de venir à huit heures du matin mais les vacances finies, il restait encore de très belles journées en septembre, octobre voire même novembre pour profiter de la plage, déserte ou presque à ces périodes et il était souvent même possible de prendre des bains de mer encore agréables. Ce fut ainsi qu’après un petit déjeuner plutôt copieux, elle se prépara et mis dans son sac de plage un maillot de bain, de la crème solaire, ses lunettes de soleil avec un bon bouquin. Elle regagna sa voiture, la décapota et fila vers les plages. Elle privilégia la Grande Motte car même si elle préférait les plages de Carnon qui étaient plus familiales elle redoutait qu’il puisse y avoir un peu de monde encore à cette période. La plupart des montpelliérains même ceux qui ne possédaient pas de véhicule pouvaient s’y retrouvait, elles étaient proches du centre-ville par le tram et avaient l‘avantage de posséder quelques restaurants agréables et plutôt bons donnant sur la plage. Le petit et le grand Travers à la Grande-Motte étaient des plages à perte de vue plus difficiles d’accès sans voiture. Marie n’eut aucun mal à trouver une place au grand Travers juste à la sortie du centre-ville. C’était le week-end et malgré ça il n’y avait presque personne. En fin de matinée, les retraités arriveraient puis dans l’après-midi ce serait au tour des parents accompagnés de leurs bambins. Toutefois sur cette plage, même en été, personne ne se marchait dessus. La plage faisait plusieurs kilomètres de longs sur une cinquantaine de mètres de large. Marie se rapprochait du bord de mer pour bénéficier d’une petite brise car le soleil était déjà assez chaud pour la saison. Elle s’allongea et se laissa transporter par le léger ressac, le cri des mouettes et le bruissement que le vent causait sur les grains de sable lorsqu’ils chaque grain s’effleurait en se déplaçant délicatement. Parfois, quelques-uns venaient se déposer sur son dos tandis que le vent les faisait se déplacer sur sa peau, elle était parcourue de frissons qui lui remirent en mémoire sa folle nuit d’amour sur un ponton italien.