Espoir dans le noir – 4 – mars 1813

3 mins

Lettre de Basile à Eugénie 15 mars 1813

Depuis mon départ, je n’ai pas l’impression d’être un soldat, mise à part notre paquetage qui n’est d’ailleurs pas encore complet et pourtant il est bien lourd déjà. Au fur et à mesure que nous nous dirigeons vers le front et que nous traversons la France, notre régiment grossit. A chaque halte des jeunes gens nous rejoignent. Dans l’ensemble, même si je fais partie des plus jeunes, la plupart n’ont guère plus de vingt ou vingt-deux ans.

J’espère que nous aurons des officiers un peu plus expérimentés car aucun d’entre nous n’a d’expérience dans le domaine de la guerre.

En général nous marchons entre dix et douze heures par jour. Nous parcourons une quarantaine de kilomètres en moyenne mais il nous arrive de marcher soixante kilomètres. L’esprit est bon-enfant, souvent nous nous donnons du courage en chantant des chansons que j’aurais honte de te faire écouter. Pourtant grâce à elles on oublie toutes les douleurs qui martyrisent notre corps. On a tous des ampoules à tous les orteils mais certains sont si mal en point qu’ils leur arrivent de marcher pieds nus. Parfois d’autres de nos compagnons ne peuvent même plus mettre les pieds à terre. Ceux qui encadrent notre groupe réquisitionnent des chars à bancs qui appartiennent à quelques paysans des lieux où nous passons. Cela permet aux plus fragiles de se reposer et de se soigner. Cependant les pauvres paysans n’ont plus rien pour travailler, j’ai parfois honte des conditions dans lesquelles cela se passe.

J’essaie de faire attention à mon hygiène mais d’autres ne sont pas aussi consciencieux.

Je te remercie pour tous les jolis mouchoirs que tu as brodés pour moi. J’en ai toujours un à proximité de mon cœur. Ton écharpe m’est bien utile aussi, le matin avant que le soleil n’est pas encore apparu ou le soir à la tombée de la nuit, les températures restent très froides et je ne crois pas qu’elles se réchauffent en montant dans le nord.

Il me tarde de te lire ma bien-aimée.

Tu es toujours dans mes pensées et me donne le courage d’avancer.

Ton Basile bien-aimé.


Ps : ma douce et tendre Eugénie, je fais tout ce que je peux pour me tenir au courant des faits et gestes de ton frère. Nous nous voyions presque tous les soirs. Il semble s’être fait de nombreux amis. Tu le connais, il est si enjoué qu’il attire très vite les sympathies. J’espère que son côté inconscient et tête de bois ne lui attireront pas autant d’inimitiés que son côté jovial attire les amitiés.

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Lettre de Basile à son père 17 mars 1815

Très cher père,

Je trouve enfin le temps et le courage de vous écrire.

Pardon de ne pas l’avoir fait plus tôt mais nos journées sont harassantes, nous marchons tout le jour pour regagner le gros des troupes de Napoléon basé dans le nord de la France. Et le soir nous sommes si épuisés qu’il nous arrive parfois de nous coucher sans dîner.

Depuis mon départ j’ai traversé une bonne partie de la France et j’ai rencontré beaucoup de bonnes personnes. Tout le long des chemins nous avons pu constater combien toutes ces guerres ont fait de victimes. Les routes sont semées de cimetières remplis de tombes encore chaudes. Cela me terrifie et me donne du courage à la fois.

Le soir dans le meilleur des cas lorsque nous regagnions une grande ville, nous dormons chez l’habitant. On nous distribue en arrivant des billets de logement. Là nous avons droit au gîte et au couvert par des villageois bien aimables. La plupart du temps nous couchons dans les champs à même le sol ou sur quelques ballots de paille si nous ne trouvons pas de granges, tels des vagabonds … Mais je dois vous faire un aveu, j’aime dormir à la belle étoile.

Je voulais vous remercier d’avoir accepté mon engagement. Je n’ai jamais voulu vous faire de peine mais le métier de boulanger ne me plaisait vraiment pas. Je vous demande pardon… J’aurais pu choisir un autre métier et rester à vos côtés mais c’était au-dessus de mes forces. J’aurais dû affronter chaque jour votre tristesse, pour cela aussi je vous prie de bien vouloir me pardonner et de m’excuser d’avoir été aussi faible. Je suis certain que votre second fils saura vous honorer en prenant votre suite. C’est un gentil garçon qui bien avant mon départ alors qu’il n’avait que huit ans ne cessait de me posait mille questions sur ce que chaque nuit nous faisions à la boulange. A mon avis dès ses douze ans il pourrait être un très bon apprenti.

Je dois vous faire un second aveu. Je voulais partir pour des terres lointaines afin de faire fortune, puis l’enrôlement de Gustave et la détresse d’Eugénie de voir son frère seul sur les routes m’ont décidé à m’enrôler à mon tour. Et comme je vous l’ai avoué mon intention est de me distinguer au front à défaut de pouvoir faire fortune. Vous savez combien votre ami, le conte, respecte les soldats.

Votre fils qui n’a jamais douté de votre affection.

Embrassez pour moi toute la famille.

Basile

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4 Commentaires
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Équipe WikiPen
Administrateur
5 années il y a

Félicitations Marie pour votre 100 ème Pen !
Vous êtes la première à franchir ce cap ! Objectif 500 ?

Équipe WikiPen
Administrateur
5 années il y a

Bon courage Marie !
N’hésitez pas à nous envoyer votre blog, ce sera un plaisir de vous aider à la faire connaître.

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