L’espace d’un instant où tout bascule – 2ème partie 4

9 mins

Lorsque que Jérôme lui demanda comment elle allait, Marie s’effondra. Elle lui expliqua qu’elle avait l’impression que sa vie partait dans tous les sens. Elle avait eu plusieurs bonnes surprises dernièrement or elles avaient été contrecarrées par de moins bonnes. Elle avait l’impression d’avancer à reculons. Rien ne marchait comme elle aurait aimé. A force d’écouter les uns et les autres, elle avait tenté de voir du monde, de sortir, mais ce qui aurait dû se passer ne s’était passé. Sa vie si simple jusqu’à présent lui paraissait compliquée au possible depuis quelques temps. Elle était comme d’habitude toute seule, inutile… elle n’était plus une épouse et petit à petit, elle ne serait bientôt plus la mère qu’elle aimait être. Ses enfants étaient en train de prendre leur envol et étaient destinés à s’éloigner, ainsi elle se retrouverait encore plus seule qu’elle ne l’était déjà… Son frère ne pouvant que constater que Marie n’était vraiment pas en forme contrairement à son habitude se mit à plaisanter :

– Tu m’as, moi et c’est déjà une grande chance d’avoir un frère comme moi ! Nous pourrions peut-être nous installer ensemble ? Mais voilà, où allons-nous vivre ? À Montpellier dans ton appartement, bof !! C’est un peu juste pour nous deux, tu ne crois pas ? Et à La Rochelle, chez moi, ce n’est pas mieux. Je ne vois qu’une chose à faire, nous devrions nous installer chez maman, qu’en penses-tu ???

Marie s’esclaffa, il avait réussi pour un instant à la faire rire, le meilleur des dopants contre les idées noires. Le rire était un remède salvateur. Aucune médication n’était aussi puissante et aussi saine qu’un vibrant éclat de rire qui vous tord les boyaux, elle le savait. Combien de fois, avec son époux, ils avaient eu des fous rire à ne plus pouvoir recouvrer leur sérieux. C’était si bon. Tous ces souvenirs n’étaient pas faits pour lui redonner le moral et pourtant son mari aurait détesté la voir mélancolique en pensant à tout ce qu’ils avaient fait ensemble. Par ailleurs la seule personne susceptible de lui donner du baume au cœur était en face d’elle, elle devait réagir. Avant même qu’elle eut le temps de réaliser, Jérôme conscient de la morosité de Marie tenta une diversion lui expliquant que depuis quelques mois il avait décidé de fabriquer son pain, développant sa technique, précisant le type de farine qu’il utilisait, comment il avait fait son levain, puis pétri sa pâte. Il utilisa des termes spécifiques utilisés par les boulangers, détaillant chaque étape avec précision du pointage au façonnage, de la mise en forme de son pâton à l’apprêt, qui n’était rien d’autre qu’une phase de repos, pour arriver à la cuisson puis au doré de la croûte, à la consistance de la mie, enfin à la dégustation. Son exposé minutieux amusa Marie. Elle savait combien son frère était un homme organisé et méticuleux, soucieux de bien faire ce qu’il entreprenait. Tous les sujets de discussion qu’ils abordaient ensemble se transformaient toujours en débat philosophique empreint d’une grande sagesse où chacun développé sa vision du monde, les conséquences, répercussions sur les autres ou sur leur propre vie. Ils aimaient échanger sur n’importe quel sujet, exposant le pour et le contre durant des heures, toutefois, cette fois-ci, ils parlèrent plus sérieusement de ce qui préoccupait Marie. Elle lui expliqua tout ce qui s’était produit depuis qu’il était venu la voir en juin dernier. Elle commença par la première rencontre à l’origine du chamboulement de sa vie – Max – . En s’expliquant Marie eut l’impression de radoter en songeant qu’elle avait déjà fait ce récit, lors de l’échange qu’elle avait eu avec son amie Maïlis. Comme avec elle, Marie parla très ouvertement à son frère. Elle voulait savoir si sa conclusion sera différente de celle de Maïlis, qui n’avait rien trouvé de surréaliste à tout ce qui se passait dans sa vie. Jérôme connaissait tout de sa vie très en détail du jour où ils avaient réellement commencé à se voir très régulièrement, c’était à près à la naissance de son fils aîné, Jules. Son frère avait été un vrai tonton gâteau dès cette époque, il venait tous les samedis soirs dîner en leur compagnie, et dès lors il était devenu tout naturellement le confident de sa sœur.

Poursuivant son récit, elle lui confessa que du jour où elle avait fait la connaissance de Max tout lui avait souri, elle n’avait cessé de faire de belles rencontres dont elle avait espéré beaucoup. Mais rien ne s’était passé comme elle l’aurait souhaité et aujourd’hui elle se demandait si elle ne s’était pas raconté des histoires pour aller dans le sens dans lequel tous ses amis voulaient qu’elle aille. Elle lui parla de sa rencontre avec Jean-Marc Duchemin dont la sincérité l’avait bouleversée. Elle lui relata comment elle avait accepté d’accompagner un soi-disant ami de Maïlis en Italie lui confiant par la même occasion ses doutes sur les liens qui unissaient son amie avec toutes les personnes qu’elle lui présentait. Marie était persuadée que Maïlis organisait derrière son dos des rendez-vous avec des hommes célibataires rencontrés on ne sait où, sans doute sur des sites spécialisés. Elle espérait qu’il soit indigné, stupéfié par une telle attitude, bien au contraire, il lui avait soutenu qu’il voyait cela d’un bon œil, partant du principe que sa démarche était plutôt sympathique même si de son point de vue, il n’aurait pas vraiment aimé que sa sœur agisse de cette façon à son encontre. Il se permit d’ajouter qu’un tel comportement ne devait pas la rendre soupçonneuse sur tout ce qui lui était arrivé. Marie devait reconnaître que son frère n’avait tort, en Italie, elle avait passé du bon temps en compagnie du bel Alexandre même si cette histoire ne devait pas aller plus loin. Chacun des protagonistes en était tout à fait conscient, néanmoins il n’en était pas moins heureux de ce qui leur était arrivé puisqu’ils avaient décidé de se revoir et de rester amis. Elle lui parla de Christophe Lacroix qui, se trouvant comme elle sur la plage, avait déjoué les projets d’un jeune voyou désireux de lui voler son sac à main. Eux aussi avaient sympathisé, puis s’étaient revus plusieurs fois. Elle l’appréciait beaucoup et pensait que la réciproque était vraie. Et pourtant tous ces hommes étaient apparus aussi subrepticement qu’ils avaient disparu. Marie ne s’expliquait pas pourquoi. Et se demandait si ce n’était pas ses propres réactions qui les faisaient fuir… Elle fit part à son frère de l’étrange façon dont elle avait fait la connaissance de Max, lui précisant qu’elle n’avait aucune information sur lui et ceci lui paraissait étrange. Elle en était même à se demander s’il avait vraiment existé ou si ce n’était pas son imagination qui lui avait joué des tours. Son frère toujours pragmatique lui confirma qu’il ne voyait rien de très étrange dans tout ce qu’elle lui racontait. Il comprenait surtout qu’elle se sentait seule et qu’elle vivait mal cette solitude. Jérôme soucieux insista pour qu’elle prenne garde à elle, il craignait que ces symptômes puissent être précurseurs d’une petite dépression. Sa forte personnalité pouvait faire croire à tout le monde qu’elle était indestructible, cependant il savait qu’elle était comme tout le monde, elle pouvait défaillir. Il fallait juste qu’elle soit vigilante. Il conclut, qu’à son avis, elle devait prendre du recul, éventuellement quelques jours de vacances et ainsi, avait-il rajouté avec une petite pointe d’humour, en profiter pour venir le voir, lui le grand marabout des cœurs brisés, sa virée pourrait, à son avis, lui changer les idées. Il était persuadé qu’à son retour, tous ses soucis s’estomperaient et sa vie reprendrait son cours normal si tant est que normal était une bonne solution. Rompre ses habitudes pouvait avoir du bon. Marie raccrocha ; cet échange lui avait fait comme toujours un bien fou, son frère était souvent de bon conseil.

Bientôt, le train-train quotidien reprit son rythme. En fin de journée, elle reçut de Christophe, comme convenu, une invitation pour le samedi suivant qu’elle transmit aussitôt à Maïlis conformément à sa demande. Le carton était réalisé avec beaucoup de goût. Christophe invitait tous ses amis à venir faire une surprise à son ami Antoine, pour son anniversaire, avait-il précisé. La fête débuterait vers dix-neuf, les convives devaient arrivés déguisés, le thème était les années 30. Marie se réjouit, elle n’avait pas participé à une soirée déguisée depuis très longtemps et très vite son esprit se concentra sur ce qu’elle allait pouvoir mettre à cette occasion. Elle eut envie de joindre son amie Maïlis, quand le téléphone sonna. C’était elle qui sans doute venait de recevoir le faire-part et souhaitait savoir en quoi elles allaient pouvoir se déguiser. Mais ce ne fut pas sa première question :

 – Comment va ma meilleure amie ? J’ai été super contente de voir combien tu t’es amusée à ma fête, avait-elle dit d’un ton enjoué. Comment s’est terminé ta soirée ou plutôt ta matinée ?

Et sans lui laisser vraiment le temps de répondre, elle embraya sur Christophe :

– Ton ami est très sympa, j’ai reçu son invitation. Cela fait un certain temps que nous n’avons pas participé à une soirée costumée, comment vas-tu t’habiller ? Nous pourrions, nous déguiser comme à l’époque lorsque nous jouions les sœurs jumelles. Qu’en penses-tu ? A propos, tu connais Antoine ? Son ami ou plutôt petit-ami ?

– Comment ça ???

Marie resta quelques secondes perplexe. Elle n’avait jamais envisagé une telle éventualité. Mais tout s’expliquait désormais, sa gentillesse, sa délicatesse à son encontre, qu’elle avait prise pour de la galanterie ou du marivaudage. Elle se croyait courtiser par un séducteur alors que Christophe était tout simplement aimable, galant, attentionné, gentil comme il pouvait l’être avec ses amis filles ou garçons. Elle pourtant si attentive aux autres, comment ne s’en était-elle pas aperçue. Sans doute parce qu’elle était plus préoccupée par elle-même que par les autres en ce moment, elle ne voyait que cette explication.

– Allo, allo, il y a quelqu’un ??? Avait demandé Maïlis à Marie qui restait muette à l’autre bout du fils.

– Oui, je suis là, tu avais compris qu’il était gai ? avait lancé Marie incrédule. En ce qui me concerne, je n’ai rien vu, j’ai même failli l’inviter à monter à la maison quand il m’a ramenée. Mon dieu, quelle honte !!! Je dois vraiment être en manque en ce moment pour être à ce point aveugle. Tu vois, je te l’avais dit, je ne tourne pas rond en ce moment. D’un autre côté, il m’avait parlé de sa fille, de son ex-femme, comment aurais-je pu imaginer une minute qu’il puisse être gai. Je crois que tu as tort, cet ami Antoine doit-être son colocataire ou un ami très proche, ne penses-tu pas ???

– Tu te prends trop la tête ma chérie, décompresse. Parlons d’autre chose, veux-tu que nous déguisions en sœurs jumelles des années 30. Dans mon grenier, j’ai des tas de choses qui devraient être pas mal. Je te propose de passer à la maison mercredi en fin d’après-midi, disons vers dix-huit heures si tu n’as rien d’important. Je me ferai remplacer par Pascal pour l’ouverture du restaurant puis tu pourrais passer dîner ensuite au resto.

– C’est d’accord.

Puis elles parlèrent de choses et d’autres sans revenir sur le sujet Christophe.

Le lendemain matin tandis que Marie était en train de consulter toutes les annonces de propriétaire susceptibles de correspondre à des demandes de ses clients, elle s’arrêta sur celle d’une location. Il s’agissait d’un joli deux pièces de 50 m2 en centre-ville donnant sur une impasse qui elle-même débouchée sur un jardinet. Les photos donnaient envie de le visiter mais elle recherchait un très grand appartement pour le client qui venait de sortir de son bureau. Elle reçut à cet instant un coup de fil qui la laissa sans voix.

– Bonjour, suis-je bien à l’agence Belliss’Immo ? Vous êtes peut-être Samantha ?

– Oui vous êtes bien à l’agence Belliss’Immo et non ce n’est pas Samantha, mais je peux vous la passer … avait répondu Marie sans reconnaître son interlocuteur.

– Alors vous êtes Marie Dumas, je suppose. Bonjour, je suis Jean-Marc Duchemin, mon nom vous évoque-t-il quelque chose ? »

Marie resta quelques instants interloquée, elle ne trouvait plus ses mots. Pourtant elle se souvenait parfaitement de Jean-Marc Duchemin, comment aurait-elle pu l’oublier. Elle avait plusieurs raisons pour ne pas l’oublier et la première était sans doute en pensant aux affaires qu’elle pourrait vraisemblablement faire avec sa société. C’était l’une des raisons, la seconde était qu’il cherchait également pour lui-même un appartement et c’est à ce moment précis qu’elle reprit l’annonce qu’elle était en train de parcourir lorsque le téléphone avait sonné. Mais étaient-ce les seules raisons pour lesquelles elle n’avait pas oublié ce charmant personnage ?

– Marie ???, vous êtes toujours là ? Allo, il y a quelqu’un ? avait repris son interlocuteur sur un ton amusé.

– Oui, pardon, mon esprit était ailleurs, toutes excuses pourtant je pensais justement à vous, avait-elle dit spontanément en se mordant aussitôt les lèvres tant sa réponse lui parut peu professionnelle, cela prouvait à l’évidence qu’il était dans ses pensées alors qu’ils ne s’étaient pas revus depuis longtemps déjà.

Au même instant où Marie prononçait ces paroles, elle réalisa que sa démarche pouvait le choquer ou l’interpeller et très vite elle se ravisa.

– Effectivement, je devais rentrer un appartement qui correspondait à ce que vous souhaitiez, mais comme je n’avais pas de nouvelle, je ne savais si je devais ou non poursuivre mes recherches.

– Mon déplacement a duré plus que prévu, j’ai dû me rendre à New-York pour quelques rendez-vous qui se sont organisés au dernier moment. Je suis de retour sur votre région et ma réponse est oui, je suis toujours intéressé pour trouver un pied à terre ici.

– Très bien, je vais voir quand nous pouvons visiter cet appartement, de votre côté vous seriez libre à quel moment ?

– Je me débrouillerai pour me rendre disponible. De toutes les façons, il me semble que je vous avais laissé ma carte. Appelez-moi, je suis au Grand Hôtel Du Midi à Montpellier, j’ai beaucoup de dossiers en retard. Si vous avez une minute, n’hésitez à me solliciter, vous savez combien je déteste déjeuner ou dîner seul et votre compagnie fut très agréable lors de mon précédent passage, alors là encore, je reste à votre disposition.

– Très bien, j’en prends note. Samantha vous contactera pour vous donner rendez-vous. Au revoir Monsieur Duchemin, avait-elle précisé cette fois d’un ton très professionnel.

– Au revoir Marie Dumas, lui avait rétorqué son correspondant avec une petite pointe d’ironie.

Samantha avait assisté à la conversation puisque Marie avait répondu en laissant son ampli connecté, et elle était étonnée de voir comment elle avait pu être si froide. Depuis quelques temps déjà, Samantha avait remarqué que sa patronne avait changé, elle paraissait moins détendue qu’à l’ordinaire. C’était rare qu’elle soit si tranchante avec un client qui était plutôt très charmant. Elle était d’habitude très aimable et si toutefois certaines personnes l’agaçaient, elle laissait Samantha s’en charger mais c’était peu courant. Marie comprit que Samantha était perplexe par son attitude et elle réagit tout de suite.

– Ce monsieur Duchemin peut être un bon filon pour l’agence et il n’est jamais bon de mélanger plaisir et affaires. Et puis, j’ai eu ma dose de rencontres ces dernières temps, elles ne se sont pas terminées comme je l’aurais souhaité. Je ne suis pas en vaine en ce moment, mieux vaut ne pas risquer de froisser un homme qui pourrait s’avérer un bon partenaire en affaires.

Marie essayait en le disant de se persuader qu’elle avait pris la bonne décision en se répétant intérieurement : « Garde tes distances ma fille et reste concentrée sur ton objectif… ».

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