L’espace d’un instant où tout bascule – Epilogue

10 mins

De retour dans l’agence de Marie

Marie était toujours perdue dans ses rêveries et elle ne trouvait pas le courage de rentrer chez elle lorsque Sophie vint frapper à la porte de son bureau. Marie ne la reconnut pas instantanément mais Sophie l’y aida. Elle lui remit en mémoire leurs échanges avec Max dans son appartement. A partir de cet instant, Marie ne voulut rien entendre. Et elle répétait en boucle :

– Fichez-moi la paix et allez au Diable, vous, Max et tous les autres, elle répétait en boucle cette phrase en se bouchant les oreilles comme pour éviter d’entendre ce que Sophie avait à dire. Elle voulut même se lever pour partir mais ses jambes ne lui obéirent pas. Alors elle cria encore plus fort :

– Fichez moi la paix et allez au Diable, vous, Max et tous les autres, vous me rendez folle. Sophie tenta de l’apaiser et se mit à lui parler avec douceur pendant longtemps avant qu’elle ne se calme. Puis Marie  de guerre-lasse écouta ce que Sophie avait à dire . Elle évoqua sa propre vie, dévoilant qui elle était fut un temps, de ce qu’elle aurait voulu faire plus tard et quelle personne elle aurait aimé devenir. Elle lui expliqua tout ce qu’il lui était arrivée et pourquoi elle avait débarquée soudainement dans sa vie.

Marie n’avait aucune réaction en écoutant parler Sophie. Elle attendait patiemment qu’elle finisse en espérant pouvoir fuir très vite. Mais au fur et à mesure que Sophie évoquait les événements qui s’étaient produits au cours de sa jeunesse, elle eut l’impression d’entendre l’une de ses filles. Elle était sans doute un peu plus âgée que son aînée, elle semblait si sincère qu’elle finit par écouter plus attentivement ce qu’elle avait à dire. Elle avait eu une journée si étonnante et surréaliste qu’elle était prête à tout entendre.

Sophie lui donna des détails plus précis sur sa vie et pour conforter ce qu’elle disait, elle proposa à Marie d’ouvrir son ordinateur pour faire une recherche sur internet. Elle trouverait confirmation de tout ce qu’elle venait de lui dire. Comme une automate, Marie fit ce qu’elle lui suggéra et sur la page de Google elle nota « Sophie John accident mortel sur l’autoroute » puis elle cliqua sur Entrée. Une première page s’afficha avec une série de liens en rapport avec ces quelques mots, elle cliqua sur le premier. Une seconde page s’ouvrit, il s’agissait d’un article de presse du Parisien annonçant sur trois lignes « Un terrible accident sur l’autoroute A86 entre Maisons-Alfort et Alfortville, mardi 12 janvier 2010, six blessés légers et une victime sont à déplorer, à l’origine un motard avec trois grammes d’alcool dans le sang, il n’en est pas à son premier accrochage. La polémique est relancée sur les mesures à prendre à l’encontre de ces récidivistes …».

Marie se disait que cette pauvre fille avait dû assister à cet incident ou faisait partie des blessés mais que pouvait-elle faire et surtout pourquoi était-elle là dans son bureau. Mais Sophie insista une nouvelle fois pour que Marie ouvre l’article du « Journal de Montreuil » un article avait été écrit par une jeune journaliste qui avait d’ailleurs son âge, elle y trouverait des photos. Effectivement une page de ce journal local traitait de ce sujet, l’article s’afficha : « Mardi 12 janvier 2010 à 15h00, sur l’autoroute A86 entre Maisons-Alfort et Alfortville, un motard ivre mort a percuté un premier véhicule qui lui-même a été projeté sur un taxi. L’accrochage aurait pu faire une véritable hécatombe. Sur les sept personnes présentes dans les véhicules, six d’entre elles ont eu la vie sauve. Ils ne souffrent que de quelques contusions bénignes. Le motard lui-même a un bras cassé et quelques bleus. Toutefois, on déplore le décès d’une jeune femme de vingt-six ans. Elle s’appelait Sophie John. Elle était architecte depuis peu et se rendait à l’aéroport pour s’embarquer sur un vol en direction du Canada pour son premier emploi. Elle a été fauchée alors que sa vie ne faisait que commencer. Le sort est vraiment injuste or il aurait pas pu être évité !!! Cet accident relance une fois de plus les mesures qui doivent être prises à l’encontre des chauffards ivres, récidivistes. Le maire de Montreuil a vivement relancé le débat auprès des institutions publiques et à cette occasion une pétition est à votre disposition auprès de l’association « vivre et laisser vivre » 30 rue du l’espoir à Montreuil 93105 (tél : 01 40 …….) ….»

Une photo aérienne de l’accident faisait la une du journal local de Montreuil et au bas de l’article se trouvait également une photo de la jeune femme décédée, celle-là même qui se trouvait dans le bureau de Marie. Elle resta quelques secondes perplexe avant de s’adresser à Sophie :

– Vous êtes un fantôme et vous avez décidé de me pourrir la vie, c’est ça ? En s’entendant prononcer sa phrase, Marie se demanda si elle avait toujours toutes ses facultés pour s’adresser ainsi à une morte. Son état de fatigue était certainement plus important qu’elle ne le pensait. Elle avait des hallucinations qui paraissaient si réelles puisque son interlocutrice poursuivait sans discontinuer ses explications.

Sophie tenta de lui décrire dans quelles circonstances elle était venue vers elle et s’excusa de s’être immiscée dans sa vie. Elle lui expliqua qu’à l’époque, elle refusait sa mort, refusait de ne plus voir ses parents, ses frères et sœurs, de ne pas avoir eu la possibilité de prouver à tous qu’elle était une bonne fille et qu’elle les aimait vraiment beaucoup même si elle avait voulu partir loin d’eux. Elle était révoltée et elle avait agi sans même comprendre ce qui s’était produit. Elle lui expliqua pourquoi Max était venue à son secours sans en avoir eu le droit. Elle lui dit qu’elle avait créé des problèmes à tout le monde et qu’elle regrettait aujourd’hui d’avoir semé le trouble dans son esprit. Elle lui précisa qu’à son avis elle était une bonne mère et qu’elle ne devait jamais laisser personne en douter. Elle n’aurait jamais la chance d’être elle-même une mère et elle en éprouvait beaucoup de peine.

Elles continuèrent à parler pendant des heures de Marie, elle-même, de Sophie, de Max, de sa famille, de ses frères et sœurs qu’elles ne révéraient plus pour leur dire tout son amour. Marie essaya de comprendre pourquoi elle ne faisait pas la même démarche auprès de sa famille pour leur expliquer tout ce qu’elle venait de lui dire. Sophie lui expliqua que cela n’était pas possible et que de toutes les façons tout le monde n’avait pas la chance de Marie. Rare était les personnes ici-Bas qui puissent parler à ceux d’en Haut.

Cette nuit-là Marie dormit comme un bébé. Le lendemain, elle avait eu l’impression d’avoir évacué le poids qui l’oppressait depuis un certain temps. Elle n’osa parler à personne de sa rencontre totalement irréelle, mais elle s’avoua heureuse de ce qui lui était arrivée sans vraiment chercher à comprendre ce qu’il s’était réellement passé.

Vers treize heures, elle passa au restaurant de Maïlis, pour déjeuner puis boire un café avec son amie qu’elle avait eu l’impression de délaisser ces derniers jours. Elles discutèrent de leur déguisement et se donnèrent rendez-vous le samedi suivant chez Maïlis pour fignoler leur présentation. Marie prit ses escarpins, elle se sentait heureuse. Le monde recommençait à tourner enfin dans le bon sens, pensa-t-elle.

La fin de semaine approchait, Jean-Marc Duchemin laissa à Samantha un message lui expliquant qu’il avait été retenu plus que prévu à Bordeaux. Il devait rentrer samedi à Montpellier, il pouvait se rendre disponible quand Marie le souhaitait. Samantha lui avait donné rendez-vous après le week-end dans la mesure où Marie lui ayant expliquait tout ce qui s’était passait lors de la visite, rien ne les obligeait à précipiter les choses.

Samedi dans l’après-midi, Marie retrouva Maïlis chez elle et elles commencèrent à se préparer. Sébastien, le mari de Maïlis, avait aussi eu droit à un costume des années 30. Il était très élégant, déguisé en gangster sans doute un Al Capone. Il avait un magnifique Borsalino en feutre, un gilet sur une chemise avec un nœud papillon noir assorti à son costume et comme il refusait catégoriquement de porter une arme Maïlis lui avait donné un gros cigare… Tous les trois étaient parfaits. Vers dix-neuf heures, Sébastien les conduisit jusque chez Christophe où déjà du monde affluait. Marie sonna et fut accueillie par un homme d’une cinquantaine d’années, les cheveux légèrement grisonnant, plutôt à l’allure sportive, les yeux d’un ton indéfinissable entre le bleu et le vert avec des cils à faire frémir toutes les femmes. Il était déguisé en flic, il se présenta :

– Eliot Ness pour vous servir. Laissez vos armes à l’entrée, surtout vous, dit-il en visant Sébastien qu’il avait semble-t-il reconnu, seules les armes sont prohibées dans cette maison, l’alcool ce soir sera autorisé mais gare à ceux qui ne boivent pas, il pourra y avoir des poursuites… ».

Sur ces entrefaites, Christophe vint les accueillir :

– Je vois que vous avez fait connaissance avec Charles, dit-il, ajoutant à l’intention de son ami, voici Marie Dumas dont je t’ai parlé, son amie Maïlis Grany et son époux Sébastien, les hôtes chez qui Marie n’avait invité lorsque tu étais à New-York. Et oui, je t’ai fait des infidélités !!! insista-t-il avec un grand sourire, je vous présente Charles de Pascali. Vous êtes superbes tous les trois, particulièrement les sœurs jumelles, attention de ne pas vous faire enlever, il y a de nombreux flics et voyous ce soir…. Entrez et faites comme chez vous, je suis certain que vous trouverez à boire et à manger et que quelques visages vous seront familiers.

Maïlis et Marie se fixèrent et gardèrent pour elles leurs conclusions quant à la sexualité du beau gosse qui l’avait sauvé des griffes d’un petit délinquant sur la plage. Marie était quelque part soulagée sur la mise en doute de ses charmes éventuels. Elle s’était posée tellement de questions à ce sujet que maintenant elle était heureuse de cette magnifique rencontre. Bien que la soirée ne fasse que commencer, il y avait déjà du monde. La maison était spacieuse et décorée avec beaucoup de goût, quant au jardin, c’était une merveille à l’image de ces jardins japonais, tout en miniature et pourtant très vaste. Il y avait un petit plan d’eau surmonté d’un pont de bois. Dans l’eau flottait des nénuphars et quelques herbes hautes dans lesquels quelques canards s’ébattaient autour d’une miriades de bougies flottant ci et là. Sébastien très à l’aise se dirigea vers le bar, proposant de leur ramener quelque chose à boire. Les sœurs jumelles tentaient de chercher parmi les invités des têtes qu’elles pourraient reconnaître, cela ne manqua pas, Maïlis aperçut plusieurs personnes, des habituées de son restaurant. Christophe et Charles connaissaient beaucoup de monde et devaient être appréciés.

Au fond du séjour trônait une table où se trouvaient tout un tas de cadeaux. Maïlis plus concentrée que son amie Marie avait pensé à acheter quelque chose. Elle avait déniché chez un antiquaire de Montpellier de très beaux boutons de manchette nacrés. Elle avait appris lors de son barbecue que l’ami de Christophe avait une véritable passion pour les objets anciens et notamment les boutons de manchette. Maïlis était une femme et une amie parfaite et si pleine de ressources, si attentive aux autres que Marie se retourna vers elle et la pris dans ses bras pour l’embrasser en lui glissant dans le cou :

– tu es géniale d’y avoir pensé, cette fois-ci, je n’ai pas été vraiment à la hauteur, mais tu sais, j’ai vécu des événements insolites ces dernières semaines, un de ces jours nous en parleront.

A cet instant précis, une voix la surprise :

– Je comprends pourquoi vous ne répondez pas à mes avances, je vous prends en flagrant délit Madame Dumas,… 

Cette voix lui était familière mais elle ne mettait pas un nom dessus. Marie se retourna, se retrouvant nez-à-nez avec Jean-Marc Duchemin :  

– Madame Grany, Madame Dumas, je suis ravi de vous revoir, dit-il visiblement enchanté de les croiser ici, j’avais peur de ne connaitre personne mais maintenant, je suis rassuré.

Maïlis toujours particulièrement discrète, s’excusa et en profita pour rejoindre quelques invités de sa connaissance.

– Comment connaissez-vous Christophe ? Ou peut-être est-ce Charles que vous connaissez ? Vous ne deviez pas être à Bordeaux d’après ce que Samantha n’a dit ? Ou peut-être ai-je mal compris ? C’est surprenant vous venez d’arriver et déjà vous faites partie des élus de notre communauté. Vous me laissez sans voix …, avait répondu Marie.

– Sans voix me parait un peu fort, votre voix se fait entendre, il me semble. Et pour répondre à vos nombreuses questions, reprenons-les dans l’ordre. Oui, vous avez mal compris, j’ai dit à Samantha que je rentrais aujourd’hui et que je me tenais à votre disposition ce jour ou un autre et Samantha m’a indiqué qu’il n’y avait aucune urgence et qu’un rendez-vous lundi serait tout aussi bien, voici au moins une réponse à l’une de vos nombreuses questions. Poursuivons, Non, je ne connais pas Charles et oui, je connais ou du moins j’ai connu Christophe alors qu’il n’était qu’un bébé. En prenant mes quartiers chez Madame Vallois, son petit-fils était présent et elle me l’a présenté. Nous avons parlé de sa sœur Martine et il était heureux de voir son premier soupirant. Il a beaucoup ri lorsque sa grand-mère lui a raconté que j’étais tombé amoureux de sa sœur alors que je n’avais pas plus de treize ans. Et de fil en aiguille, il m’a dit qu’il organisait une fête ce soir et m’a invité pour me présenter toutes les personnes qu’il fallait absolument connaitre pour espérer pénétrer la communauté Montpelliéraine. Il a pensé que cette première prise de contact pourrait être un excellent baptême du feu pour mon installation ici. En plus il voulait me remercier d’avoir pris l’appartement, ainsi quand il serait en voyage, il se sentirait moins soucieux. Ceci est la réponse à votre première question. Mais sans doute en avez-vous d’autres ??? Lui avait précisé Jean-Marc Duchemin avec un peu sourire au coin des lèvres.

Marie restait muette cette fois-ci, doucement elle commençait à comprendre la situation. Et cela ne faisait que commençait…

La soirée fut très agréable et être accompagnée par Jean-Marc la comblait. C’était vraiment un homme charmant à tous les points de vue et Maïlis qui traînait dans les parages le lui fit remarquer. Elle avait enfin l’impression de retrouver son amie. Vers vingt-et-une heures, les invités étant presque tous là, Christophe proposa de tous les réunir dans le salon pour permettre à Charles d’ouvrir ses nombreux cadeaux. Il fit un long discours très émouvant où il annonçait à tous que bientôt, ils seraient à nouveau invités pour fêter la célébration de l’officialisation de leur couple, ils se paxaient au début de la prochaine année, en attendant de pouvoir un jour se marier. De toutes parts des cris fusèrent et des embrassades commencèrent. Il s’en suivit des rires et quolibets parfois à l’ouverture de certains cadeaux. Tous avaient été choisis avec beaucoup d’attention. Les personnes présentes à cette soirée étaient pour la plupart de vrais amis même si certains étaient aussi des clients, des personnalités politiques, artistiques de la région voire même de plus loin, ils étaient avant tout leurs amis de longues dates.

La fête battait son plein lorsque Marie aperçut à l’entrée, une tête qui ne lui était pas inconnue. Elle chercha du regard Maïlis qui comprit qu’elle devait accourir au plus vite. Marie lui ordonna de regarder en direction du hall d’entrée et lui demanda, si c’était elle qui avait invité Alexandre. Maïlis répondit par la négative, et de toutes évidences, elle ne se serait jamais permise d’inviter une tierce personne à une fête qui n’était pas le sienne. A ce sujet Marie voulut savoir si Alexandre, qui venait de pénétrer dans la maison, était réellement un de ses amis d’enfance. Maïlis un peu penaude lui avoua qu’elle l’avait rencontré par hasard lors d’un Speed Dating qu’une association Montpelliéraine organisait dans son restaurant une fois par mois depuis presque un an. Marie resta coite. Elle apprenait que son amie organisait des Speed Dating depuis presque un an, comment avait-elle fait pour lui cacher une chose pareille. Maïlis lui rappela qu’elle lui en avait parlé sans préciser que ces réunions avaient lieu dans son restaurant, ce à quoi Marie lui avait répondu sans ambages  « plutôt mourir que de participer à ces foutaises ». Maintenant elle se souvenait effectivement de cette conversation. Mais cela n’expliquait pas la présence d’Alexandre qui à grandes enjambées se dirigeait vers elles, précédé par Christophe :

– Mesdames, je vous présente mon ami de toujours, Alexandre John. Je vous en prie soyez gentils avec lui, il a besoin de beaucoup de réconfort.

Marie et Maïlis ensemble dirent :

– Nous avons déjà eu le plaisir d’être présentées.

Christophe laissant Alexandre avec Maïlis déjà en grande conversation, prit Marie à part pour lui demander ce qu’elle savait sur son ami. Marie lui expliqua qu’il lui avait dit qu’il avait perdu sa femme d’un cancer, il y avait un peu plus de trois ans, et qu’il avait trois enfants… Christophe lui avoua que depuis quelques années, le sort s’acharnait sur sa famille, en plus du décès de sa femme, sa petite sœur avait eu un très grave accident de voiture où elle avait perdu la vie en début d’année. A cette nouvelle, Marie tremblante osa à peine demander à Christophe si sa sœur ne s’appelait pas Sophie ……

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