Cela prit plusieurs années mais peu à peu l’atmosphère s’apaisa. Un seuil invisible avait été passé. Purifiée, l’eau retrouva une nouvelle transparence. Après tout, une religion de plus, qu’est-ce que ça changeait. Dieu restait le même quelle que soit la façon dont on le priait. Qu’il soit sans visage, à l’image d’un homme agonisant sur la croix ou annoncé par une araignée géante, c’était toujours le même Dieu. Le seul vrai Dieu : celui de l’Amour. Celui qui a fait de la création un univers. Celui qui nous relie tous à la même source, comme des îles qui émergent du même fond, séparées en surface et unies en profondeur. Séparés en superficialité et unis dans notre essence.
La musique de Manini parlait de cette essence. Elle parlait de l’être. Entre les notes, le silence vibrait reliant toutes les notes dans le même continuum, reliant tous les êtres dans le même continuum. Sa musique était célébration.
Les hommes étant prêts, on la joua à nouveau et elle fut écoutée avec respect : elle fut enfin entendue.
On la joua sur tous les continents. De Bratislava à Vancouver. De Pékin à Vladivostok. De Rome à San Francisco. De Manille à Tokyo. De Nouakchott à Mexico. De Lima à Alexandrie. De Dharamsala à Canberra.
Le monde changea. La musique silencieuse de l’être l’imprégna. Inexplicablement, là ou précédemment se déroulaient guerres et conflits, les vieux adversaires se découvraient un visage commun, celui de l’amitié. Une intelligence nouvelle s’éveillait : celle de la compréhension et du partage. Certaines industries périclitèrent : les usines d’armement les unes après les autres fermèrent leurs portes. On partagea le travail restant. Plus que tout, l’argent, l’argent se fit le serviteur de l’être, le serviteur de l’Homme. On ne perdait plus sa vie à la gagner. Il faisait circuler l’énergie et l’amour entre tous. Comment exploiter celui qui est semblable à vous même. Les abattoirs aussi fermèrent. On ne vit plus d’eau rougie par le sang des bêtes abattues. On se nourrit autrement. On découvrit de nouvelles saveurs plus savoureuses encore et qui ne portaient pas l’odeur de la mort.
L’ARAIGNEE QUI VOULAIT DEVENIR PIANISTE – chapitre 17
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