Bois ton café quand il est chaud

4 mins

 

.                                                                  .

.

Déjeuner chez ma maman dimanche dernier.

.

Après le repas, je fais un café à chaque fois.

“Tu fais ton café Marc ?”

Il se prépare dans une cafetière italienne.

Je reviens me poser devant mon ordi sur la table de séjour.

Au bout d’un moment : “C’est bizarre, on n’entend pas passer ton café.”

Peu après : “Mais qu’est-ce qui se passe avec ton café ? Il ne se fait pas.”

Elle va voir dans la cuisine. Ma mère ne boit jamais de café.

Je ne suis pas sûr qu’elle l’ait fait déjà. Avant, c’était feu mon père ou moi.

“J’ai monté le gaz sous ton café, car il ne passait pas.”

Il n’y a rien à faire d’habitude. Le café se fait tout seul. On a tout l’après-midi devant nous.

J’avais mis la cafetière sur le petit feu au minimum.

Son petit feu chauffe trop fort et d’habitude, le café a tendance à légèrement bouillir.

Là, quand je vais chercher le café, il est brûlant. Il bout à gros bouillons.

“Café bouillu, café foutu.”

.                                    .

Ça fait longtemps que je ne dis plus rien. Que je laisse faire.

Si je dis quelque chose, ça devient vite encore pire. Et là, ça peut vite me faire mal. Même très mal.

“Tu bois ton café Marc ?”

“Bois ton café quand il est chaud Marc.”

“Mets-le à réchauffer ton café, il doit être froid. C’est pas bon le café froid.”

.                            .

Mon neveu est à ma gauche. Ma mère encore plus à gauche.

Ma tasse de café à gauche de mon ordi. C’est un mug.

.

Au bout d’un moment ma mère “C’est à toi la tasse de café à côté de toi ? Avec du sucre au fond ?”

Alors je me penche pour regarder le fond de ma tasse.

“Tiens, c’est bizarre, ça ne m’arrive jamais de laisser du sucre au fond d’habitude.”

Je la trouve curieuse sa question. J’ai envie de dire “Ben oui, c’est à moi. A qui veux-tu qu’elle soit ?”

Vite fait, je pense “si je lui réponds, on va partir dans un truc compliqué encore.”

“Oui, c’est à moi.”

Si elle sait qu’il y a du sucre au fond, c’est qu’elle est venue à côté de moi pour se pencher et regarder le fond de ma tasse.

Peut-être qu’elle pensait y lire l’avenir, comme avec le Marc de café, je  me lance intérieurement. Voilà jusqu’où peut aller ma mère après moi.

.                                              .

Si je lui dis ce que je ressens, elle me dit autre chose. Ma mère ne me croit pas quand je lui dit ce que je ressens. Ma mère sait mieux que moi ce que je ressens.

Avec ma mère, c’est “Marc ceci”, “Marc cela…”.

Si je vais aux toilettes, rapidement : “Où es-tu Marc ? Que fais-tu Marc ?”

.                                             .

Elle est tout le temps après moi. J’ai énormément de mal à le supporter.

J’ai du lui dire, je ne sais combien de fois, parfois de manière pas sympa, qu’elle me galérait grave. Elle n’a jamais pu changer.

Qu’elle soit tout le temps après moi c’est une chose. Mais qu’aussi tout ce que je lui dis passe direct à la benne, c’est insupportable.

.                                                   .

C’est d’ailleurs pour ça qu’à chaque fois que je vais la voir, je sors mon ordinateur, je l’ouvre et fais des trucs avec.

Comme ça, je suis avec elle, mais facilement un peu ailleurs aussi.

.

Je n’aime pas trop les baratineurs, mais je raconte des histoires incroyables à ma mère. Parce que si je lui dis vraiment ce que je vis, “c’est pas bien, c’est pas comme ça qu’il faut faire”. Je m’étonne souvent de ce que je lui raconte. C’est comme ça que je m’en sors. Sinon, je galère. Sûr.

On vit sur deux planètes différentes. Je lui ouvre très peu la porte de la mienne.

.

A 4 ans, dans un camp de vacances, les animateurs ont proposé de déguiser les enfants. Mes parents étaient à côté de nous. L’un des animateurs a proposé de me déguiser en fille. Je n’étais pas d’accord. “Mais si, c’est pour équilibrer le nombre de garçons et de filles” a lancé ma mère. La voir après se bidonner et rire à gorge déployée, j’ai compris d’où venait cette idée malsaine. L’horreur.

Cela a été l’un de mes premiers cauchemars. Ils n’ont depuis jamais cessé.

.

J’ai pensé quitter définitivement mes parents plusieurs fois. Peut-être que j’aurais dû le faire.

.

J’aime ma mère. C’est ma mère. Pour moi, elle m’aime à sa façon.

J’ai régulièrement besoin de prendre de la distance avec elle. Et là, je n’hésite pas.

.

Marco O’ Chapeau le 10 novembre 2023

débuté le 8 novembre 2023

.

Image par Engin Akyurt de Pixabay

 

 

 

 

 

 

 

 

No account yet? Register

5 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Cora Line
5 mois il y a

Je n’avais plus liké ni commenté un texte depuis longtemps ici. Grâce à ta maman j’ai retrouvé ta plume avec plaisir !

Cora Line
5 mois il y a
Répondre à  Marco O' Chapeau

Oui je me suis inscrite sur l’Atelier et y ai déposé 2 textes : Olympe et la cité rebelle !

O. DeJavel
5 mois il y a

C’est l’expression d’un ressenti très fort.

Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

5
0
Exprimez-vous dans les commentairesx