And the Winner is…

6 mins
« L’esprit s’enrichit de ce qu’il reçoit. Le cœur de ce qu’il donne. »
Victor Hugo
 
J’adore le chocolat. Depuis longtemps, je le déguste noir, à 82-85 %. Comme le chocolat qui donne un goût intense, j’aime donner. Cela me procure du contentement et parfois un plaisir immense. L’avantage indirect d’offrir, permets de faire remarquer, que cela resserre les liens qui en valent la peine et que cela écarte les autres.
Un jour de décembre, une dame à vélo avec qui j’avais pour habitude de discuter à la médiathèque,m’avait vue avec un sac d’une maison de chocolat. Elle s’était arrêtée pour m’annoncer : « Vous avez du chocolat. Si vous aimez le chocolat, je connais une chocolaterie. Elle propose les meilleurs chocolats que je n’ai jamais goûtés. On me l’a conseillée il y a des années. Depuis, je m’y rends, surtout en cette période de fêtes. L’adresse vous intéresse ? » « Oui, bien sûr. » « C’est au cœur de Paris, au 66 rue du Paradis. Allez-y, vous ne serez pas déçu. » Depuis, j’y vais. Cette chocolaterie a été fondée en 1925.
Lorsque j’ai annoncé la fin de mon activité salariée à mon psy, il m’a informé que c’était idem pour lui, il arrêtait à la fin de l’année. Après s’être renseigné, avec son salaire à l’hôpital et les patients de son cabinet en secteur 1, il ne voyait pas grand intérêt à continuer. Bien sûr, il aimait son travail ; il avait toutefois suffisamment donné.
Pour notre avant-dernier rendez-vous prévu ce mois de novembre, je lui ai offert une boîte deballotins. Depuis un moment, lui aussi est devenu client de la chocolaterie. Il apprécie le chocolat. Les bonnes choses. Celles qui contentent le palais. Qui apportent agréments et délices. Il m’avait écouté. Quel bienfait cela fait lorsque les gens m’écoutent. Un bien fou.
On peut commander des lots de 7 tablettes. Pour 7 tablettes, une est offerte. On peut recevoir 7 provenances, 7 pays différents, ou demander suivant nos préférences. J’emporte du magasin deux nations, Madagascar et Venezuela. Trois et quatre boîtes. Ou quatre et trois. Quant à lui, je ne sais pas. Il m’a dit que lorsqu’il s’y rendait, il en prenait en grandes quantités. 2 fois 7 tablettes, plus d’autres achats. Une tablette, ce n’est pas donné. Alors deux lots de 7, plus d’autres achats. Quand on aime, on ne compte pas.
Il savait aussi avant moi qu’on pouvait soi-même choisir les ballotins que l’une des différentes tailles de boîtes pouvait contenir. Là, et comme souvent le Dr Edmond Attitude m’a étonné et impressionné.
 
Interlude (spécial spectacle) :
Il m’avait de nouveau ébloui lorsqu’il m’avait parlé de Jacques Tati. Son chef de service lui avait dit : « Tu auras une surprise. » alors qu’il était à l’hôpital, simple interne et non encore psychiatre. Lorsqu’il était entré dans da chambre d’hôpital. Il avait évoqué sa rencontre avec cet artiste hors du commun.Il m’avait ensuite conseillé d’acheter l’Illusionniste voyant mes efforts pour me frayer un chemin vers la scène. Ce film d’animation de 2010 de Sylvain Chomet, dont le scénario est basé sur une longue lettre de Tati dédiée à sa fille. Selon moi, le conseil du Dr m’alertait sur les difficultés possibles liées à se produire en public. Jacques Tati pour moi, c’était bien sûr le personnage de Mr Hulot, son physique dégingandé, semblable au mien. D’ailleurs mon chapeau Trilby et ma sacoche, plus haute que large ressemblaient aux mêmes que ceux de son personnage.
Jacques Tati, ses célèbres films, ses débuts sur les planches, sa collaboration avec Pierre Etaix. Ces deux artistes représentaient des exemples à mes yeux. On avait échangé ensuite plusieurs fois avec Edmond sur le sujet. Playtime, ce film revu, restauré au Théâtre de Chaillot avant un spectacle de la troupe des Deschiens. Tati, son parcours atypique, sa fin, la perte de sa maison à Saint-Germain-en-Laye, de ses droits sur ses films, ruiné par Playtime. Pour ce film il avait fait construire une ville futuriste, Tativille.. Ce dimanche spécial, c’était la grande fête de ce monde du burlesque. La Cie accueillait les spectateurs et cinq membres soufflaient dans des coquillages colorés et variés des Îles. Les comédiens répandaient une musique et offraient un premier spectacle. Le Maître d’Hôtel du film s’inclinait, suivi d’un des Deschiens à chaque nouvelle entrée au bar, dans un mécanisme d’horloge. Ces mouvements mécaniques provoquaient les rires de l’assemblée. Après le film et le spectacle, des jeux et des danses avaient suivi avec les comédiennes et comédiens. J’avais enlacé de mes mains, de mes bras, la chanteuse lyrique de la Cie imposante par sa taille et la puissance de sa voix. On s’était bien amusé à tamponner plusieurs fois le seul couple qui n’avait pas souri depuis le début des divertissements. J’avais valsé et sympathisé avec une jolie spectatrice. C’était la compagne d‘un interprète, le propriétaire du chien. L’animal jouait aussi la comédie. Célèbre, il annonçait le début et la fin des deux minutes quotidiennes sur Canal plus. La jeune femme m’avait proposé d’aller rencontrer la troupe dans les loges. Chaque comédien avait esquissé dans mon agenda un croquis pour se représenter, trait saillant en évidence. Parmi eux, Yolande Moreau était présente. Et, bien sûr, Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, les metteurs en scène. Jérome faisait partie de la famille du réalisateur, scénariste et comédien. D’où leur rachat des droits sur les films de Jacques Tati. François Morel, le plus connu des Deschiens, figure désormais à mes côtés. Lors d’une dédicace sur l’ouvrage ‘François Morel Farceur Enchanteur’ au Théâtre du Rond-Point, il avait libellé de sa plume pour moi sur le livre :
« Pour Marco au Chapeau,
Salut mon gars !
François Morel »
 
(Fin de l’interlude)
 
Après lui avoir offert cette boîte de ballotins, j’ai sorti un sachet en ajoutant : « Et puis, j’ai aussi ça
pour vous ! » Il a regardé avec curiosité et amusement le pochon kraft que je lui tendais. Il s’est
empressé de le saisir, de l’ouvrir. Il a bien ri quand il a vu qu’il s’agissait d’une médaille. Une médaille
en chocolat. Ce n’est pas se moquer. Je sais qu’il appréciait souvent mes plaisanteries. Parfois, pas du tout.
J’ai enchaîné. C’était sérieux. : « Ceci est la médaille du travail pour vos 22 ans de bons soins pour Marc Jerabek. Il en avait bien besoin. » Il continuait de rire.
À 69 ans, début janvier, il entre en retraite. Et repart en Bretagne. Sur le lieu de ses vacances, de ses origines. On en a vécu bien des choses, lui et moi, des hauts et des bas. Voire des très bas parfois. À lui parler, je me remontais vite, tout comme ça aurait presque pu avoir l’effet bénéfique d’une bouchée dans un rocher noir. Ce rapport me tirait vers le haut, m’éloignait du mode “Looser”. M’a fait commencer à vivre des relations plus harmonieuses et équilibrées. Et à connaître davantage de liens de type « Gagnant-Gagnant »
Il avait évoqué, pour lui succéder, une de ses collègues, Emma Psicause. Elle commençait à pratiquer uniquement en cabinet. Et lui avait réservé des places pour ses patients. Cet avant-dernier rendez-vous m’a laissé en joie avec une agréable surprise. Il m’a aussi parlé cette fois d’un confrère, devenu ami. Il m’avait tendu une feuille, écrite à la main avec les deux noms, les coordonnées, les téléphones. Avec l’alternative d’un médecin femme ou homme. Il me faisait aussi un double cadeau avec ce choix et d’assurer pour la continuité qui allait suivre.
En sortant, dans le hall de son immeuble, au niveau des boîtes aux lettres, mon porte-bloc noir à rabat déposé ouvert sur le haut des boîtes, une page blanche côté droit, agenda ouvert côté gauche, stylo rouge à la main, prêt à esquisser des notes, je pianotais pour appeler son confrère.
« Allo, bonjour, Dr Rémi Fasollasido, je m’appelle Marc Jerabek. Je sors de chez le Dr Edmond Attitude, il entre en retraite. Je suis un de ses clients. »
« Vous êtes un de ses patients, et non un de ses clients. »
« Oui, patient, et non client. Excusez-moi, c’est un lapsus. je suis un peu perturbé. »
Un premier contact et un premier rendez-vous mi-janvier.
À mon avis, mon psy lui avait parlé de moi. Yes !
Je lui avais offert les ballotins et la médaille ce jour-là, j’avais ensuite un dernier rendez-vous, mais comme j’oublie beaucoup, aussi parfois d’amener les présents, j’ai voulu assurer en lui offrant du chocolat.
J’avais déjà réfléchi à ce que je pouvais lui offrir pour finir… J’avais une petite idée. La livraison a été expédiée et chemine vers mon immeuble parisien. Le papier cadeau attends son tour pour s’y ajouter. Son contenu lui conviendra normalement et il pourra l’exposer dans son intérieur ou son jardin. Une façon de montrer au monde qu’il m’aura bien aidé à changer mon chemin.
 
Le Docteur Edmond Attitude m’a bien assisté. Aussi pour le suivi et la continuité qui sont assurés. Il ne me laisse pas là, chocolat.
 
Marco O’ Chapeau * Marc Jerabek
le 25 décembre 2023
débuté le le 27 novembre 2023
 
N.B Lors de ce dernier rendez-vous réalisé début décembre 2023, le Dr Edmond Attitude, m’a confié être intéressé par ce présent, cette statue de grenouille verte qui médite. Ce colis dont la livraison a duré plus que prévu, pour pouvoir arriver à temps. Il m’a confirmé que j’avais raison, il collectionnait enfant, les grenouilles verte « Dig ‘Em Frog », le cadeau des paquets de céréales de Kellogg’s. « Je pourrais la mettre dans mon jardin ! » m’avait-il expliqué à ma grande joie.
Afin que j’offre la statue de grenouille au Dr Edmond Attitude, on a prévu hier matin de se voir en février.
À la question : « Que pensez-vous de ces rendez-vous mensuels pendant 22 ans ? » il a annoncé « C’était une belle rencontre. » Quelle joie et quel plaisir j’avais là. J’adore le chocolat, pourtant ces mots étaient bien meilleurs que les meilleurs des chocolats.
 
Image de médaille (“Winner” : Gagnant-gagnant) à partir de l’image par AxxL de Pixabay.
Merci aux relectrices : Rachel.R, Louise B. et Alysson Reost. Remerciements aussi à Cyril Damet pour sa relecture et ses conseils en vue d’une réalisation audio/vidéo.

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