Cela faisait un an que je n’avais pas quitté la maison, depuis l’agression pour être exacte. Mes achats se faisaient uniquement en ligne. Que ce soit pour mes courses, mes vêtements, mes livres, je me faisais tout livrer pour ne plus avoir à mettre un pied dehors. Traumatisée par ce que cet homme m’avait fait subir, j’ai eu tellement peur de tout et tout le monde que je me suis terrée chez moi.
Ce matin, j’avais une furieuse envie de sortir, de marcher, de sentir le soleil sur ma peau, de me promener dans le parc, de cueillir des fleurs, de rencontrer de nouvelles personnes, d’avoir une vie normale. J’estimais que ça faisait assez longtemps que je vivais dans la peur. Prise d’un élan de courage, j’enfilais un jean, un tee-shirt et mes tennis, prit une grande respiration et quitta mon appartement.
Au pied de mon immeuble, je sentais que je commençais à avoir la boule au ventre. Ma respiration devenait de plus en plus saccadée. Je portais ma main à ma bouche et entrepris de me ronger des ongles qui n’existaient quasiment déjà plus. Je restais ainsi pendant dix bonnes minutes et quand je vis que j’étais un peu plus calme, je décidais de continuer l’aventure car je ne pouvais pas continuer ainsi. Je ne le pouvais plus.
Je commençais par me rendre à la boulangerie m’acheter un croissant et un café. Ce petit rituel que beaucoup effectue chaque matin me rendit heureuse, je me sentais bien, je me sentais normal. Je pris ensuite la direction du parc pour me poser sur un banc, au soleil, pour manger mon petit-déjeuner, tout en regardant les enfants s’amuser sous les yeux de leurs parents toujours aux aguets.
Je me sentais revivre, fière de moi d’avoir réussi à mettre le nez dehors, pour la première fois en un an. Je constatai que je pouvais sortir sans que l’on ne s’attaque à moi, sans que l’on ne m’agresse. Un sentiment de bien-être m’envahit. Je cédais donc à la tentation d’aller faire une petite promenade en forêt, écouter les oiseaux, sentir le vent à nouveau.
Tout ce bonheur emmagasiné s’évapora quand je vis ce fusil par terre. La panique s’emparait à nouveau de moi. Je fus prise d’une énorme bouffée de chaleur, je ne pouvais plus respirer. J’imaginais toutes sortes de scénarios dans ma tête déjà. Un psychopathe l’avait mis là dans le but de tendre un piège à la première personne qui passe, de la kidnapper. Que cette arme eût été utilisé pour commettre un meurtre, que la police ne tarderait pas à arriver. Me trouvant là, je serais la première suspecte.
Assise par terre, au milieu du sentier, je me balançais d’avant en arrière, le souffle court m’intimant de me calmer. Je jetais un œil autour de moi, il n’y avait pas âme qui vive. Une idée traversa alors mon esprit : ” Et si je le prenais ce fusil et que j’allais le retrouver ?”
Cette remarque me fit très peur mais en même temps me procurait un plaisir immense. Tellement agréable que je ne pouvais plus la chasser de ma tête prévoyant déjà un plan : ” Après tout, il n’aurait que ce qu’il mérite, il ne me sera pas difficile de le trouver, je connais son lieu de travail”.
Ma décision était prise. J’embarquai le fusil et me dirigeais vers ce petit bureau d’assurance en plein centre-ville. Je me dirigeais vers cet homme qui m’avait violé, frappé et laissé pour morte sans même prendre la peine de se cacher le visage. Sans doute se disait-il que j’allais mourir dans cette rue déserte où il m’avait laissé.
Lorsqu’il me vit derrière la vitrine, il blêmit, desserrant le nœud de sa cravate noire. Il tenta de s’enfuir mais trop tard, j’étais entrée.
” Te souviens-tu de moi ?” lui demandais-je d’un ton méprisant.
Puis, sans lui laisser le temps de répondre, je lui explosais la cervelle.