L’emménagement
Un mois et demie était passé depuis son agression. Lola ne tomba pas dans la déprime, ne s’isola pas de ses proches, ne faisait pas de cauchemars. Elle se sentait parfaitement bien tant physiquement que psychologiquement. Elle avait refusé poliment les conseils des médecins, à aller consulter un psychologue estimant qu’elle n’en avait nul besoin.
Elle avait vue juste, le mal-être ne s’était pas emparé d’elle. Tout était une question de choix, évidemment que si on laisse la souffrance s’emparer de nous, on va souffrir mais Lola avait choisi de ne pas souffrir, de continuer sa route comme si cette nuit n’avait jamais existé et elle s’en portait très bien. « Je peux le faire », telle avait toujours été sa devise et cela continuerait ainsi.
Pressée de quitter la maison familiale et de rejoindre son nouveau chez soi, elle a passé ses vacances à le meubler, à préparer sa rentrée à l’université. Avoir sa liberté, vivre seule, un rêve qu’elle allait enfin pouvoir réaliser. De plus, elle n’en pouvait plus des mises en garde de ses parents, de l’insistance de sa mère pour qu’elle dépose une plainte. Lola avait besoin d’air.
Néanmoins, elle commençait à ressentir une gêne, un mal-être au fond d’elle. Elle se sentait de plus en plus seule. Elle aurait voulu en parler à Cheryl mais elle s’était ravisée. Sa meilleure amie aussi était en plein emménagement, elle ne souhaitait finalement pas la déranger. L’écriture, son refuge habituel, ne fonctionnait pas, ne fonctionnait plus. Ratures, feuilles déchirées, stylos maltraités étaient tout ce qu’ils restaient de son inspiration.
C’est le grand jour, le jour où elle emménage enfin chez elle, où elle pourra enfin respirer, sans avoir ses proches sur le dos. Sa nouvelle vie allait enfin pouvoir commencer. Paul et Christine l’emmenèrent jusqu’à son appart, les larmes aux yeux de devoir laisser partir leur unique fille. Ils l’aidèrent à défaire sa valise mais ne tardèrent pas, voulant rentrer avant la nuit.
Les derniers câlins, les derniers au revoir, les dernières paroles de ses parents :
« – Souviens toi ma puce que tu peux m’appeler à tout moment si tu as besoin de parler, réfléchis à propos du fait de porter plainte, cela pourrait t’aider.
– Maman, nous en avons déjà parlé, je ne porterais pas plainte pour quelque chose que j’ai déjà oublié.
– Comme tu veux, ma puce, je serais là si tu as besoin.
– Merci maman, dit-elle en l’étreignant. »
Lola serra son père fort dans ses bras, qu’est-ce qu’il allait lui manquer. Ils n’ont jamais vraiment été proche tous les deux mais depuis l’incident, elle passait beaucoup de temps avec lui, apprenait à le connaître, discutant de tout et de rien, sans prise de tête. C’était le seul avec qui elle pouvait être tranquille. Elle voyait bien dans ses yeux qu’il souffrait mais comme elle, il n’avait aucune envie d’en parler. Cela lui convenait très bien.
Avant de passer la porte, Paul se retourna et lui dit : « Fais ce qu’il faut pour t’en sortir d’accord ? » Elle sentit les larmes lui montait aux yeux. Son père, qui ne montrait jamais ses sentiments, quels qu’ils soient, lui exprimait son inquiétude. Émue, elle les encouragea à s’en aller afin de pouvoir laisser libre cours à ses émotions seule chez elle. A peine la porte fut fermée qu’elle se mit à pleurer toutes les larmes de son corps, ne pouvant les retenir.
La nuit était tombée depuis longtemps lorsqu’elle se réveilla au pied de sa porte d’entrée. Elle se prépara un sandwich, se brossa les dents et alla se coucher sans se soucier de son visage bouffi et de ses yeux rouges qu’avait provoqué sa crise de larmes.