PDV : Nina Rogers
Vite ! Il me fallait des toilettes. Mes yeux me brûlaient, mes mains tremblotaient, ma voix était bloquée et je n’arrivais plus à penser correctement. Je faisais une crise là, car mon année commençait par une balle dans le cœur.
Mircus, avait-il compris ses mots ?
Rompre avec moi ! C’était impensable, infaisable, inacceptable, insupportable, et tous les autres mots finissant par -able.
Arguments ?
Premièrement, ça ne se faisait pas qu’on rompt avec moi ! J’étais tout de même Nina Roger, fille imaginaire de Steeve Rogers, souveraine incontestée du lycée Washburn et la plus belle, la plus sexy, la plus intelligente des filles.
Deuxièmement je… j’étais trop moi pour être jetée comme un vilain papier toilette.
Et troisièmement, j’aimais ce gars.
Bien sûr, le fait qu’il était le plus beau, le plus sexy, et le plus huppé des mecs de l’école était sans doute pour quelque chose ; et puis à chaque reine son roi. Un roi auquel j’avais prêté allégeance. Voilà pourquoi je m’en prenais à toutes les autres filles qui s’approchaient trop près de lui, par peur qu’elles l’empoisonneraient de leur charme désuet.
Et puis, je me sentais si bien dans ses bras.
Ce fut en titubant que j’arrivais dans les toilettes de l’école. Je sentais que j’étais prête à déverser toutes les larmes de mon corps, mais seulement deux minuscules gouttes ruisselèrent sur ma joue pour s’écraser dans le lavabo sur lequel je m’étais appuyé. Le reflet que m’envoyait le miroir devant moi n’était pas celle d’une fille triste qui pleurait, mais plutôt celle d’une fille en colère qui essayait de pleurer. Nuance.
– Quelque temps plus tôt –
Une fois l’heure de la récréation sonnée, je pris le peu d’effets qui reposaient devant moi pour me diriger lentement à la cafétéria. J’espérais trouver Mircus pour mettre certaines choses à l’ordre du jour. Moi Nina Rogers, comment ça a pu m’arriver ? Finir sur le sale lit de Christian et pire, j’ai failli y laisser ma dignité ! Ça me donnait… envie de gerber. J’ai essayé de chercher quelques souvenirs dans mon subconscient pour me remémorer cette soirée, mais en vain. J’en avais des migraines et rien ne me venait. Mais j’étais sûre à 99,99 % que c’était contre mon gré que j’ai terminé là. Je n’aurais jamais accepté de poser ma magnifique peau sur ce crétin ; ça, c’est sûr.
« Nina ! Nina ! » , une voix féminine me sortit des nuées où j’étais plongée.
– Oui ?
– Ça va ?
– Quelle question stupide ! Bien sûr que ça va.
– T’as l’air si préoccupée.
– Ça va Naomie. Merci de t’inquiéter pour moi.
– C’est normal t’es ma meilleure amie.
Je souris à ses dernières paroles et me concentrai sur ma marche. Quand j’entrais finalement à la cafétéria, une bonne partie des occupants tournèrent la tête pour me reluquer. Il fallait dire que mon style vestimentaire était pour beaucoup. Au début, avoir tous ces regards sur mon petit corps splendide m’aurait gêné, mais c’était il y a longtemps, et entre nous, c’était ce que j’ai toujours désiré : être le centre du monde. Alors je me suis habituée.
Je passai fièrement devant les yeux pertinents de quelques branleurs, toisant quelques connaissances au passage, et repérai Mircus à l’extrémité de la salle. Il était assis à sa place habituelle, au milieu de sa bande et grignotait une feuille de laitue. Il n’y avait qu’une place vide, ce qui m’arrangeait car je n’avais pas envie que Naomie soit tout près. Je lui ai demandé de m’attendre à un endroit où j’étais sûre qu’elle n’entendrait rien.
Quand je m’asseyai à la table les copains de Mircus me saluèrent comme une reine. Mais pas lui, il se contenta de m’envoyer un coup d’œil puis retourna à sa dégustation. Toujours indifférent celui-là.
– Mircus.
– …
– Mircus !
– Que veux-tu ?
Je ne sais pas pourquoi, mais je ressentais une pointe de dédain dans ses mots.
– Faut qu’on parle.
– Et pourquoi donc ?
– Tu le sais bien.
Un silence à gêner le diable s’installa entre nous, mais fut brisé par un rire strident de Mircus. Je le sentis vibrer en moi et ce dernier accéléra les battements de mon cœur. C’était aberrant de voir qu’il se foutait de moi devant tout ce monde, et pourtant, je n’avais pas les mots pour le remettre à sa place. Quand il mit fin à son délire, je pensais être tirée d’affaire.
– Va-t’en. Je ne veux plus te voir.
– Excuse-moi !
– Dans quelle langue veux-tu que je le répète ?
La bande autour de moi s’étonnait des mots de Mircus, il y en avait un qui a même recraché son jus dans son gobelet, dégueulasse. Mais je le comprenais, dire à la plus belle des filles du monde de foutre le camp, c’était irréel. J’ai toujours pensé que Mircus avait un chromosome de moins ou de plus, maintenant, j’avais le cœur net. C’était un déjanté, et… j’aimais ça. Mais je n’aimais pas être le spectacle dans une situation ridicule, surtout au lycée, alors je sortis le grand jeu.
– D’accord, si c’est comme ça, jouons sans pions.
Avec ses grands yeux ténébreux, il m’hypnotisa pour me faire changer d’avis. Mais je lui tins tête car j’avais besoin du verdict final.
– Pas de pion alors, répondit-il en poussant son cabaret pour se lever de la table. Excusez-moi les gars, j’en ai pour quatre minutes.
Il passa devant Naomie sans ciller, se faufila entre les tables et sortit de la cafétéria ; quant à moi, je le suivis. Après s’être suffisamment éloigné du vacarme, il s’arrêta dans un couloir vide et se retourna pour me faire face.
– Déjà fatigué ?
Il ne piqua pas à ma blague, pas même un léger mouvement de mâchoire. Il était vraiment bizarre, comme toujours.
– Écoute Cucus…
– Je déteste ce surnom.
– Pourquoi, je le trouve joli. Pas toi Cucus ?
– Plus que deux minutes, brailla-t-il en tapotant sa montre hors prix de son index.
– Il ne s’est rien passé avec Christian.
D’une voix qui parcourut tout mon corps et ses extrémités, il lança :
– Ce n’est pas ce que disent les photos.
– Quelles photos ?
Il sortit son portable de sa poche, et se mit à clavarder dessus. Il sembla mordre ses lèvres quelques instants puis me plaqua l’écran au nez. Il y apparut une absurdité que même si je la voyais, je refusais d’y croire. Mes yeux me mentaient, voilà la seule explication possible. Je ne danserais jamais avec Christian si… sexuellement. Je ne mettrais jamais mes mains dans les cheveux de Christian prêt à l’embrasser.
– Qui t’as envoyé ces photos ? demandais-je avec une rage froide.
– Qu’est-ce-que ça peut te faire ?
– Je maintiens ce que j’ai toujours dit. Il ne s’est rien passé. Tout ce que montre ces photos, c’est une danse. Pas de quoi s’affoler.
Il avait gardé le pire pour la fin. je le savais car il afficha une petite lueur dans ses yeux que je connaissais que trop bien. Cette même lueur qu’il affichait lorsqu’il allait gagner une partie d’échec. Il fit glisser encore une photo. Cette fois-ci c’était cuit : j’étais couchée sur le torse de Christian avec sa main m’enveloppant le dos.
J’étais stupéfaite, et j’ai failli mourir d’une crise cardiaque. C’était si absurde, si humiliant et si catastrophique.
– J’en déduis par ta réaction que tu acceptes les faits.
– Je… ne sais pas quoi dire…
– Écoute Nina, je t’ai fait confiance ! Tu m’as trahie. C’est le moment parfait pour rompre.
– Retour au temps présent-
Parce que j’étais à fond dans mes pensées, je n’entendis pas la porte s’ouvrir.
« Nina ! Je me retournai sous l’effet de la surprise. Que se passe-t-il ?
Elle vint se mettre à côté de moi pour me caresser la tête.
– Mircus vient de rompre avec moi.
– Quoi ?!
– En tout cas ça en avait l’air.
Elle arracha un morceau de papier dressé tout près du lavabo et me le donna. Je m’essuyai les yeux, ou plutôt le mascara, et envoya valser le papier.
– Il m’a jeté comme ce papier toilette.
– Pourquoi ?
Vu qu’elle n’était pas au courant, je l’informai des événements des derniers jours.
– Pourquoi tu ne m’as rien dit ?
– Parce qu’il n’y avait rien à dire. C’était juste une fête à laquelle j’ai répondu présente et que je me suis trop bourrée, point. Je ne vois pas ce que Mircus ne comprend pas, lui qui est d’habitude si perspicace.
– S’il a des photos de toi avec Christian, il y a de quoi s’embrouiller.
– N’enfonce pas le couteau.
– Mais t’inquiète pas, tout se passera bien. En plus, le jeu approche et t’es la reine la plus loyale qu’il n’ait jamais eu.
J’ai bien aimé. Mais j’ai eu du mal à comprendre entre le moment présent et non.. Peut être un défaut de concentration.