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“Non !”, hurla Erwan réveillé une fois de plus par ce cauchemar qui le hantait depuis quelques nuits déjà. Il se leva, un peu abasourdi. Il regarda tout autour de lui afin de revenir à la réalité. Toutes ces images horribles de mort et de destruction étaient trop réelles cette fois, Erwan avait l’impression que ce cauchemar s’apparentait plus à une prémonition qu’à un mauvais rêve.
Il se passa un peu d’eau sur le visage et se regarda longuement dans le miroir, que pouvait signifier ce qu’il avait vu, une seule personne pouvait l’aider, maître Llewelyn, le sage, l’homme à qui il devait tout. Celui, qui au fil des années, avait fait office de figure paternelle, qu’il l’avait aidé à grandir comme tous les autres enfants, malgré sa souffrance, malgré son don. Grâce à maître Llewelyn, Erwan enseignait la magie runique à l’académie et était devenu le plus jeune druide au sein du haut conseil de Danaan.
Enfin prêt, Erwan descendit quatre à quatre les marches du grand escalier en colimaçon de la tour nord de l’académie. Celui-ci menait dans une grande salle décorée de grandes tapisseries finement brodées qui racontait l’histoire de la ville. C’est là que se réunissaient chaque matin les élèves avant les cours, il y régnait une cacophonie indescriptible. Erwan se fraya un chemin vers la sortie en jouant des coudes et enfin arrivé devant la porte, il fût interpellé par un de ses collègues.
“Erwan, mon ami ! Où courez-vous de la sorte ? On dirait que vous fuyez quelque chose.” demanda le druide à l’allure filiforme et à la barbe bien garnie.
“Bonjour Eolas. Heu ! Je ne fuis rien du tout, mais j’ai une affaire urgente à régler ce matin avec maître Llewelyn”. Répondit-il vaguement, il n’avait aucune intention de raconter son cauchemar à ce grand curieux d’Eolas.
“Vous avez l’air soucieux, c’est la préparation de la cérémonie en l’honneur du roi d’Abred qui vous rend si nerveux ? Rajouta Eolas.
En effet, une grande fête était en préparation, il y avait longtemps qu’un monarque de l’autre monde était venu rendre visite à Tyrr Aill. On raconte que ce sont les dieux qui auraient offert aux hommes les deux miroirs permettant de passer d’un monde à l’autre grâce aux amulettes qui servaient de clés, une seule condition leur était imposée, l’harmonie entre les deux mondes.
Cependant, ce n’est pas ce qui préoccupait le plus Erwan, seul son cauchemar occupait tout son esprit.
“Je pense que tu as raison Eolas, toutes ces préparations me stress quelque peu.” Il espérait que cette réponse contenterait Eolas et lui permettrait de poursuivre son chemin. Mais, c’était mal connaître celui-ci.
” Vous avez des nouvelles de votre frère ?” Cette question surpris Erwan, Eolas se préoccupait rarement des autres.
“Aengus est toujours en attente prés de la frontière Sudienne. Cela fait déjà un mois qu’il est parti.”
“Ah ! Une guerre ne serait pas la bienvenue, surtout avec l’arrivée du roi d’Abred, vous ne pensez pas ? Demanda-t-il en le fixant avec insistance.
“Certainement, mais veuillez m’excuser, je dois impérativement m’entretenir avec maître Llewelyn.”
“Bien, bien ! Je ne vous retiens pas plus longtemps alors!” Dit-il sur un ton presque agacé.
Erwan le salua et poursuivit son chemin intrigué par le comportement d’Eolas.
Les jardins étaient magnifiques en cette période de l’année, on y trouvait toutes les variétés de fleurs et d’arbres qui dessinaient le paysage varié de Tyrr Aill. Tout le monde aimait s’y promener, chercher l’inspiration ou tout simplement se retrouver pour discuter.
Erwan connaissait les habitudes du vieux maître, à cette heure matinale il aimait marcher seul avec les souvenirs de ses voyages à travers le monde et dont il avait maintes fois vanté la beauté, mais aussi ses dangers. Il retrouva maître Llewelyn près d’un parterre de lavande, les yeux rivés sur l’horizon, comme plongé dans un état second.
“Encore en voyage maître Llewelyn ?” lui demanda Erwan en s’approchant de celui-ci.
“Comme toujours mon fils. Mon corps a subit le poids des années mais mon esprit vagabonde toujours dans ce vaste monde dans lequel j’ai vécu tant d’aventures aussi fantastiques les unes que les autres.” Lui répondit le maître avec un brin de nostalgie dans a voix. Un vent léger transportait le délicieux parfum de lavande accentuant ce sentiment.
“Je vous envie Maître, vous avez accompli et vu tant de choses.”
Le vieil homme s’approcha d’Erwan et le pris tendrement par les épaules en ajoutant :
“Mon cher enfant, si j’ai fait ce long voyage, ce n’était pas pour mon plaisir, mais pour changer le jeune abruti que j’étais. Mon maître a jugé que cela était nécessaire pour moi et il avait raison. Ce voyage a forgé la personne que je suis aujourd’hui.”
Maître Llewelyn remarqua que quelque chose n’allait pas chez Erwan, il avait l’air inquiet.
“Je parle, je parle, mais tu n’es certainement pas venu ici pour encore écouter mes histoires, n’est-ce-pas ? Qu’y a-t-il mon enfant ? Demanda-t-il en fronçant ses épais sourcils blanchis par les années.
“Oui , en effet maître. C’est à propos de mon cauchemar que je n’arrive pas à me débarrasser. Il me hante chaque nuit.” Erwan laissa un silence avant de reprendre, comme s’il hésitait à tout raconter.4
“Je vois Danaan en feu, j’entends des cris de souffrance venant de partout. Le ciel s’assombrit et une pluie de flammes s’abat sur nous. Je me vois, je suis sur la tour du haut conseil les bras levés vers le ciel. Je tiens dans la main droite la rune du pouvoir et dans l’autre un coeur noir duquel je pouvais sentir émaner le mal à l’état brut. Et cette ombre derrière moi, immense, qui semblait me contrôler. J’étais impuissant, je ne pouvais rien faire pour l’empêcher.”
Erwan pensait se libérer en racontant ce rêve horrible, mais ce fût tout le contraire. Le visage du vieux maître ne laissait présager rien de bon.
“As-tu parlé de ton cauchemar à quelqu’un d’autre que moi ?” Interrogea maître Llewelyn d’un air anxieux.
“Non. Vous êtes la seule personne à qui j’ai raconté ceci. Je voulais vous en parler en priorité. J’ai le sentiment d’avoir fait un rêve prémonitoire plutôt qu’un simple rêve.” Erwan hésita avant de reprendre. ” Tout comme la première fois…”
“Oui, lorsque ton village fût attaqué par ces barbares.” Reprit maître Llewelyn sans aucun doute dans la voix.
Erwan et son frère jumeau Aengus étaient les seuls survivants du village de Lhem.
“J’avais fait d’horribles cauchemars quelques temps avant l’attaque. C’est cela qui m’inquiète réellement et qui me fait penser que Danaan va subir le même sort.”
Le vieux maître se frotta anxieusement le front, aucune réponse ne lui venait en tête. Ce qu’il craignait allait sans doute se réaliser, mais pour en être certain il devait se rendre à la grande bibliothèque. Ce coeur noir qu’Erwan avait décrit, pouvait-il être celui de Glaraldur le déchu ?
2
Ce fût voyage éprouvant, autant pour le cavalier que pour sa monture. Cela faisait trois jours que le messager galopait vers la frontière sudienne, là où se trouvait les troupes des druides guerriers. Trois longs jours pour amener de toute urgence cette missive destinée à Aengus, le frère d’Erwan. Le messager fût soulagé d’apercevoir au loin, les tours de guets du campement, il pourrait enfin manger un bon repas et prendre un repos bien mérité.
Il descendit de cheval et prit son sac qui était accroché à la selle. Son dos lui faisait mal, il s’avança vers la porte principal gardée par un soldat aux allures de molosse.
“Salut à toi soldat. Je viens de la capitale apporter un courrier urgent au général Aengus.” Dit-il en montrant le cylindre en cuivre contenant le message. Le garde, qui le surplombait d’au moins une tête le regarda de haut en bas d’un air dubitatif.
“Le quartier des officiers se trouve à l’ouest du camp. Tu trouveras le général là-bas. Profites-en pour prendre un bain aussi, tu sens la bête enragée.” Et il se mit à rire à gorge déployée, quant au messager, blessé dans son orgueil, il fila sans dire un mot.
Les camps des druides guerriers sont bien organisés, de vrai petites villes autonomes. On peut y trouver différents corps de métiers, forgerons, médecins,etc. Ils étaient disposés en quartiers perpendiculaires permettant une bonne mobilité à tout à chacun.
Aengus se trouvait dans la tente du grand chef Nominoé, ils discutaient des opérations en cours. Bien que la dernière guerre avec les Sudiens se soit soldée par une victoire pour Tyrr Aill il y a maintenant un siècle, la méfiance régnait toujours entre les deux peuples. Et ce, malgré un accord de paix qui commençait à ressembler, au fil des ans, à une longue trêve.
“Nos éclaireurs ont remarqué une activité inhabituelle des sudiens. On pourrait penser qu’il renforcent leurs positions à la frontière.” Expliqua Aengus en désignant différents points sur la carte.
“Je doute réellement qu’ils tentent quoique se soit dans les jours à venir. Il faudrait des éléments plus importants pour que le haut conseil nous donne l’ordre d’agir. Tant que les sudiens ne traversent pas la frontière il n’y a aucun risque.” Fît remarquer le grand chef Nominoé. Puis il ajouta :
“La moitié de nos hommes sont réquisitionnés pour la venue du roi Arthéus d’Abred. Nous ne sommes pas assez nombreux quoiqu’il arrive.”
Le visage d’Aengus se figea, on pouvait voir très clairement la colère monter en lui.
“Vous-vous rendez compte que nous pourrions être envahis d’un moment à l’autre ? La venu du roi d’Abred est-elle plus importante que la sécurité de notre peuple ?”
Nominoé se leva d’un bond.
“Je te demande de baisser d’un ton Aengus ! Les ordres sont les ordres ! Nous n’agirons que si les sudiens nous menacent. Et ce n’est pas le cas pour le moment.” Répondit Nominoé en tapant du poing sur la table.
Aengus tourna les talons et quitta la tente telle une furie, la rage au ventre. Il ne comprenait pas les décisions de ses chefs et du haut conseil. Ils ne voyaient pas la menace, pensa-t-il. Alors qu’il se dirigeait vers sa tente, Ulfilas, son meilleur ami, vint à sa rencontre.
“Que se passe-t-il mon ami ? Tu me sembles bien contrarié.”
“Des fous ! Ce ne sont que des fous, Ulfilas. Notre peuple est en grand danger et le haut conseil ne veut pas agir.” Cria-t-il en se tenant a tête.
“Calme-toi. Tu sais ce que tu risques si tu vas à l’encontre des ordres, n’est-ce-pas ? Tu connais Nominoé, jamais il ne mettra en danger notre peuple.”
“Tu te rends compte que nous manquons d’hommes, tout ça pour la venue de ce satané roi d’Abred !” Ulfilas connaissait les raisons de la haine d’Aengus pour le peuple d’Abred. Il le comprenait, mais il fallait qu’il se calme rapidement.
“Aengus, mon ami, tu dois te calmer. Cela fait des siècles que nos deux peuples sont en harmonies, comme le demande les dieux. On ne doit pas remettre en doute les écritures.” Ulfilas se rendit compte que son approche n’était peut-être pas la bonne. Aengus le regarda en esquissant un petit rictus qui le mettait mal à l’aise.
“Parlons-en des dieux. Ont-ils étaient présents lorsque mon village a été rayé de la carte ? Tu me parles de l’harmonie entre nos deux peuples Ulfilas, mais Abred n’a pas respecté cette harmonie et tu le sais !” Sa rage montait crescendo, Ulfilas craignait que son ami ne fasse quelque chose qu’il pourrait amèrement regretter plus tard.
“Je sais que tu les crois responsables de la mort de tes parents et de la destruction de ton village, mais rien ne prouve leur implication.” Aengus rentra dans une rage folle à l’écoute de ce que venait de déclarer son ami.
“Je ne te permets pas de mettre mes paroles en doutes, tu ne sais rien mon pauvre ami” Des larmes de colères et de tristesses coulaient sur le visage d’Aengus. Ufilas était mal à l’aise, il ne connaissait pas ce côté de la personnalité d’Aengus.
“Les preuvent existent Ulfilas, j’ai vu l’une d’entre elles. Je suis persuadé qu’Abred est impliqué dans l’attaque de mon village.”
Ulfilas voulu s’excuser, mais l’arrivée du messager le coupa net dans son élan.
“J’ai un message pour le général Aengus.” Demanda-t-il timidement.
“C’est moi Aengus.” Dit-il en levant sa main. Le messager lui tendit le cylindre contenant la lettre. Aengus l’ouvrit en se demandant bien ce qu’on lui voulait.
“Votre présence est requise de toute urgence à Danaan. Veuillez quitter votre poste dès que possible. Le haut conseil.”
Il déchira le lettre, il s’attendait à tout, mais pas à ça. Pourquoi le faire revenir à la capital alors que sa place était ici auprès de ses hommes ? Quant au messager il restait planté là ébahit par la scène à laquelle il venait d’assister.
“Si j’étais toi, je baisserais mon regard.” Lança Aengus en lui jetant un regard menaçant. Le messager tourna les talons et parti comme il était venu.
Aengus se tourna vers Ulfilas. Son ami pouvait lire très clairement la déception dans ses yeux.
“Que se passe-t-il Aengus ?”
“C’est le haut conseil qui demande mon retour à Danaan. Bande d’imbéciles !” Lança-t-il en donnant la lettre à Ulfilas.
“Si c’est pour les sudiens que tu t’inquiètes, je peux te jurer sur ma vie qu’ils me trouveront sur leur chemin.” Déclara Ulfilas la main sur le coeur. Aengus le regarda, il semblait s’être calmé.
“Merci mon ami, je sais qu’avec toi, notre peuple est en sécurité. Mais c’est avec le coeur gros que pars pour Danaan.” Les deux frères d’armes se serrèrent la main comme pour sceller un pacte solennel et sincère.
Je trouve ce début d’histoire prometteur.
J’adore tous les détails qui sont exprimé ça laisse notre imagination travaillé.
Vivement la suite.
L’histoire parait intéressante et l’introduction est cool. Je pense qu’il y a quelques répétitions de nom qui peuvent être évités, et peut-être aussi que le narrateur nous donne trop d’informations qu’on aimerait découvrir au fil de la lecture.
Merci pour vos avis. Je vais procéder à quelques corrections. En ce qui concerne le trop d’information, je n’avais l’impression d’en donner trop, au contraire, car j’aime laisser faire l’imagination du lecteur. Mais vous ne savez pas encore tout ????, le reste va suivre.