Elle ne parlait pas beaucoup, rarement un mot, que des bonjours. Un sourire spontané qui était certainement dût à la gêne qu’elle éprouvait lorsqu’on éssayait de l’intégrer à nos discussions. Qu’avait elle a dire ? Se noyant dans nos jargons, nos codes, nos histoires de bureau et de cœur, elle n’y voyait peut-être aucun intérêt.
Sa présence était qu’un devoir, et non pas un plaisir. Un bout de papier qui la liée à cette pièce, a cette boite. Derrière cette table de bureau si maladroitement cachée derrière ce mur, on la voyait à peine. Ce petit coin à elle derrière l’écran qu’on appelait avec beaucoup d’humour ” le club med ”. L’avait-elle mal pris ?
Elle ne voulait rien bousculer de notre quotidien, de nos journées surchargées. Elle était là, juste posée là, ou pas. Pouvait-elle y changer quelque chose ? Avait-elle les compétences requises ? N’était-ce pas le but de son stage ? Mais elle n’était pas de ceux à se faire violence. Elle était plus de celle à se laisser bercer par les vagues, n’attendant que la vague qui l’emportera assez loin pour ne plus vivre ce quotidien qui semblait la submerger petit à petit.
Elle jetait quelques fois un regard au-dessus de son écran pour qu’on sache qu’elle est toujours là mais toujours pas un mot. On finit tout simplement par oublier de la saluer. Elle entrait, s’asseyait et attendait les instructions, quelquefois durant des heures, le regard perdu dans le vide. Puis on la voyait se hâter avec ses cahiers. Elle se disait peut-être ‘’quitte à se faire chier, que cela me soit productif”.
Parfois on arrivait à percevoir un sourire sincère venant d’on ne sait ou ni pourquoi. Du coin de l’œil on la voyait concentrer sur ses taches, universitaire certainement. On craignait tous de rester seule avec elle, dans cette pièce froide, vide d’âme. Un silence de mort qui semblait lui plaire.
Elle n’était pas la même lorsqu’elle était avec ses camarades. On entendait ses rires a des kilomètres, enchainant des blagues. Elle souriait, vraiment. On eut du mal à la reconnaitre. Puis elle revint dans ce bureau de sa pause-café s’étant permis de prendre une pause de cet ennui, une permission de sourire avant de retourner à sa place, se recueillir en silence devant cette motivation du début qui s’en est allée, se plonger dans ce silence, se tuer en silence.
La mélancolie m’a accompagné tout au long de ce texte, il m’a à la fois rendu triste et compatissant, pour les deux parties. Le choc des générations, le sens de nos actions, l’absurdité de certaines situations, tout se mêle dans cette scène du quotidien encore trop fréquente
Je ne laisse jamais mes stagiaires disparaître derrière un bureau, ils sont là pour apprendre et nous pour apprendre d’eux
Je trouve fascinant d’avoir placé la situation du point de vue des agents accompagnant la stagiaire. Habituellement, on voit surtout le point de vue du stagiaire dans ce genre de récit "tranche de vie". Je rejoins Mke Mke dans cette sensation de mélancolie qui fait se sentir malheureux pour la stagiaire. Ce lien avec la "vraie" vie qu’elle mène à l’extérieur et l’ennui qu’on a tendance à cacher au travail.
Très beau texte.
Je n’ai qu’un mot: MAGNIFIQUE
Je suis satisfaite d’avoir pu vous faire ressentir tout cela. Vos commentaires me font chaud au coeur.