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Son assassin était foudroyé au sol. Son acolyte était à couvert derrière un sarcophage. Le capot translucide explosa à l’impact d’un jet laser l’arrosant d’une pluie de verre. Le guerrier contra en fouettant sa lance vers l’entrée qu’ils avaient ultérieurement empruntée. La boule d’énergie embrasa l’encadrement de la porte.
Une femme jaillit des flammes. L’apparition d’un ange noir plongeant avec souplesse derrière un sarcophage donna une autre perspective à la scène. Un échange de tir entre les deux protagonistes transforma la pièce en champ de bataille. Le métal fondu, les étincelles, les faisceaux laser, les boules de feu, les explosions dansaient devant le regard médusé d’Otis.
“Couvre-moi! hurla la femme.
Un autre tireur passa sa main armée par l’ouverture de la porte et bombarda l’abri du guerrier écarlate de jets laser. La jeune femme profita de ce tir de barrage, s’élança, prit appui de la jambe droite sur le monitoring de conservation et bondit dans les airs, au-dessus du sarcophage et du guerrier écarlate comme une torpille. Elle se réceptionna, sans bruit, comme un félin, à quelques centimètres d’Otis. Ce vol plané l’émerveilla, vécut au ralentit. Accroupie prêt de lui, le temps semblait figé.
Ses longs cheveux noirs retombaient sur ses épaules et devant son visage. Elle portait une combinaison intégrale en cuir moulant son corps de déesse guerrière. D’un mouvement vif de la tête, elle dégagea les cheveux qui lui masquaient le regard. Des yeux vert clair illuminèrent son visage, ses paupières en amande renforçaient cette impression féline. Ses lèvres pulpeuses étaient pressées au sang par des dents parfaitement blanches et des canines hypertrophiées. Son corps fin et musclé débordait d’une féminité animale excitante de par ses seins voluptueux et ses fesses rebondies renforcés par les reflets de la matière de la combinaison. Bottes et gants de cuir noir, elle semblait surgir de l’ombre.
Dans un souffle, elle pointa son arme sur le guerrier rouge et lui brula le cerveau. Il n’avait pas eu le temps nécessaire pour se retourner et fouetter sa lance vers l’ange protecteur d’Otis. Le guerrier écarlate, le casque troué et fumant s’affala sur le sol.
“C’est bon, le terrain est nettoyé, s’exclama la jeune femme.
Deux hommes entrèrent dans la salle du Cryotarium. L’un était un géant, une masse de muscles surplombée par une tête rasée de poupon, l’autre était de la taille d’Otis, barbu, portant un dispositif de vision sur le visage (surement un appareil de vision nocturne).
“Jolie travail Séréna! Complimenta le géant.
_ Pas tout de suite, nous ne sommes pas tirés d’affaire!
Séréna toujours accroupie se tourna vers Otis. Dans le mouvement, les cheveux soyeux de son ange-gardien caressèrent sa joue. Le délice de la matière et l’odeur de fruits sauvages lui décochèrent un frisson de plaisir dans l’échine.
“Otis” appela Séréna.
Otis pensait avoir enfin passé le tunnel du Paradis. Il était reçu avec mention après cette épreuve lancée par Dieu lui-même pour mériter son passage sur la terre du Bien à la main d’un ange d’une beauté envoûtante.
“Otis! Otis! Revenez à vous!
_ Oui! C’est moi. Nous allons au jardin d’Eden tous les deux.
Une violente brûlure parcourut sa joue gauche provoquée par une gifle de la jeune femme. Otis revint à la réalité.
“Aïe! Vous n’êtes pas un ange?
_ Levez-vous, nous devons fuir de cette tour si vous tenez à la vie, dit Séréna. Bref présentation, moi je suis Séréna, lui c’est Goloth dit la Montagne et lui c’est Alverth.
_ Séréna, le détecteur indique l’arrivée imminente d’un bataillon de la Sécurité du CRYO (Cryogénisation Réparation Ypnos* Organisme) au bout du couloir. Faut qu’on y aille, sinon notre unique sortie sera bouchée, prévint Alverth.
_ On dégage!
Séréna prit la tête du groupe et sortit de la salle des sarcophages. Otis suivait tant bien que mal encadré par Goloth et Alverth qui fermait la marche. Ils avançaient à pas forcé dans un long couloir couvert de plaques de métal qui longeait la salle de cryogénisation. Les deux siècles d’immobilisation commençaient à peser sur le physique approximatif d’Otis. Malgré une alimentation automatisée et des stimuli musculaires quotidiens, il commençait à souffrir de crampes et d’une fringale. Goloth sortit une barre vitaminée de sa poche de pantalon et l’a tendu à son protégé.
“Tient! Mange! Faut que tu absorbes du sucre. On veut que tu puisses continuer à courir.
_ C’est une très gentille attention, me filer un Twix® alors que je risque la mort trois cent ans après mon dernier cassoulet et ma dernière nuit dans mon vrai chez moi, grogna Otis.
_ Mange! Imposa Goloth.
Otis s’exécuta et apprécia finalement le gout du chocolat et du sucre dans sa bouche. Le gout était un sens qui n’avait plus été activé depuis sa mise en hibernation. Les saveurs étaient encore plus puissantes qu’avant. Son cerveau rebranchait les synapses inertes de la gourmandise.
Une ligne brulante frôla sa tête et lui claqua le tympan pour s’échouer dans une gerbe de métal fondu sur la paroi gauche du couloir. Une goutte incandescente lui transperça la peau de la main et se solidifia dans la chair. Il secoua sa main de douleur en essayant d’évacuer le corps étranger mais il était encré dans son épiderme.
Le groupe du fugitif était à porter de fusil. Ils commençaient à se courber pour éviter les jets lasers. Ils arrivaient au fond du couloir, Séréna dégaina son arme, changea le réglage de tir en tapotant un code sur le chien et tira droit devant elle. Un projectile de la taille d’un point fila laissant derrière lui une trainée de feu. Une grosse explosion défonça la porte coulissante, le souffle arrêta la course d’Otis qui butta sur le torse d’Alverth. Il le remit tout de suite dans le sens de la course. La jeune femme et les trois hommes passèrent le pas de la porte, protégé des tirs des poursuivants. Alverth sortit deux engins aimantés de ses poches et les colla de part et d’autre du hall d’escalier. Puis ils s’engouffrèrent dans une cage d’escalier. Otis avait remarqué l’opération d’Alverth.
“Qu’est-ce que tu as mis? Ce sont des bombes? cria Otis.
_ Des mines magnétiques à détection de présence, confirma Alverth.
_ Mais non! Des gens vont mourir à cause de moi!
Séréna stoppa sa course à l’écoute de ses mots, se tourna, prit Otis par les épaules et le plaqua contre le mur.
_ Otis! Des personnes sont déjà mortes pour toi, et ce n’est pas fini. Ressaisit toi, fait nous confiance et suit nous!
Une déflagration secouant l’escalier conclut la phrase de Séréna.
_ Pourquoi doit-il y avoir des morts pour ma personne?
_ Nous te l’expliquerons dès que l’on t’aura fait sortir d’ici, promis.
Le groupe continua une descente effrénée par des escaliers interminables.
_ Un autre bataillon va nous couper la route au 232ème étage, informa Alverth.
_ C’est-à-dire à deux niveaux d’ici, continua Goloth.
_ Ok! Accroche le harnais à notre ami et prend le sur ton dos, demanda Séréna à la Montagne.
_ Ce n’est pas la peine, je peux encore marcher.
_ Qui te dit que l’on va marcher? Dit Séréna.
Cette question ne lui disait rien qui vaille.
Goloth enfila une large ceinture autour de la taille d’Otis, fixa un des mousquetons sur une des boucles de la ceinture et un autre au harnais de la Montagne. Puis Goloth souleva Otis aussi léger pour lui qu’une brindille.
_ Accroche-toi bien à mes hanches, demanda Goloth.
Otis essaya mais il n’avait pas une envergure de bras suffisante pour atteindre les deux hanches.
_ Il se passe quoi maintenant? Demanda Otis apeuré.
Alverth installa des grenades magnétiques sur tout le périmètre du niveau où ils étaient.
_ C’est prêt! On remonte un niveau, confirma Alverth.
Le groupe remonta plusieurs marches. Ils fixèrent chacun un mousqueton à la rambarde de l’escalier.
_ Attention tout le monde est prêt pour une descente infernale, prévint Alverth.
Il actionna un bouton sur une minuscule télécommande qui tenait dans le creux de sa main. Une déflagration s’en suivit faisant gronder la cage d’escalier.
Soudain les marches se dérobèrent sous leurs pieds. L’escalier s’effondra sur plus de cinq niveaux emportant le groupe de fugitifs et le bataillon de la sécurité dans le vide, sauf que Séréna, Goloth, Otis Alverth était assurés par leur corde accrochée à la balustrade. Tandis que les membres de la sécurité du CRYO s’écrasèrent vingt mètres plus bas disparaissant dans les tonnes de gravats, le groupe descendit à une vitesse folle donnant le sentiment à Otis qu’ils étaient en chute libre. Un gros freinage de Goloth en resserrant sa corde à quelques mètres du sol provoqua un haut le cœur à Otis.
_ Et vous aviez prévu que la rambarde résisterait à l’effondrement? demanda affolé Otis.
_ Non! Nous avons eu la chance avec nous, répondit Séréna.
Le visage d’Otis se décomposa face à cette prise de risque sans aucune appréhension de la mort.
Un râle de douleur attira son attention. Un agent de la sécurité à moitié enseveli par les dégâts de l’explosion était encore conscient. Otis s’agenouilla près de lui.
_ Cette homme souffre énormément! Venez m’aider à le tirer de là, interpella Otis.
_ Otis, laisse-le! On doit se casser d’ici au plus vite, cria Séréna.
_ Mais il va mourir si on le laisse là.
_ Ces collègues ne sont pas loin, ils vont s’en charger et si nous sommes encore là, ils vont aussi se charger de nous trouer le cul!
Goloth agrippa le bras d’Otis, le releva et le força à avancer.
Le groupe reprit sa fuite en dévalant les marches de cet escalier interminable.
Après plusieurs minutes de descente, Alverth fit signe de s’arrêter.
_ Nous avons à nouveau des emmerdeurs en-dessous nous, ils sont trop nombreux. Il faut que l’on quitte la cage d’escalier.
_ Nous sommes où exactement? Requit Séréna.
_ Au 158ème niveau.
_ C’est bon! Nous avons atteint les niveaux des parkings d’aéronefs. Il communique entre eux par des passerelles pour les véhicules roulants. Et notre point de fuite se trouve au dernier niveau de ces parkings.
_ Encore dix étages à descendre Otis, on y est presque, encouragea Goloth.
Séréna ouvrit la porte de service et déboula dans le parking. Il n’y avait aucune cloison à l’étage, seulement des piliers métalliques. La hauteur de plafond était énorme, s’élevait au moins sur quatre niveaux standards. Les murs extérieurs étaient en parti inexistant pour laisser l’accès aux machines volantes. Otis découvrit une collection d’engin qui l’émerveilla semblant sortir de ces films de science-fiction préférés.
_ Cool! On va emprunter une de ces merveilles pour s’échapper d’ici? Demanda Otis.
_ Surement pas! Si nous faisons ça, nous aurons toutes la flotte de l’Air Police sur le dos. Et ils nous agripperont avec un flux magnétique, expliqua Séréna.
Otis n’était pas sûr d’avoir tout compris mais il acquiesça de la tête. Le groupe reprit leur pas de course en essayant de se camoufler derrière les véhicules pour éviter au maximum de se montrer au caméra et senseur de surveillance. Leurs efforts étaient vains car des sondes-caméra volantes surgirent dans le parking. Elles orbitèrent autour du groupe.
_ Merde! Ils nous ont fixé, pesta Séréna.
Elle dégaina et explosa la plupart des sondes.
_ On se grouille de descendre de niveau avant que les sondes armées n’arrivent.