Victor, Mr Cow boy, se retourne et m’aperçoit. Tout en me dirigeant à sa rencontre, je dois reconnaître qu’il est vraiment agréable à regarder et qu’il prend soin de lui. En tout cas, il est sûr de lui et ne se laisse pas facilement impressionner. Aujourd’hui, il est en jogging et tee shirt près du corps. Et même si il m’agace toujours, je suis curieuse de découvrir ses points faibles.
« Bonjour Ornella, vous allez bien ?
– Bonjour, oui. Mr Le Maire m’a laissé un message pour m’informer de votre passage. Je range mon bureau et on peut prendre le temps de faire le programme de votre repérage pour votre article.
– Pas de soucis, on n’a le temps. Et je vous invite chez Ronan pour que vous soyez détendue. Je vous attends devant la mairie. Et je vous laisse votre chemisier tout propre et comme neuf. »
J’ai à peine le temps de refermer la porte de mon bureau qu’il est déjà arrivé à la porte d’entrée. Décidemment, il a le chic de m’irriter et de me mettre hors de moi. Je suis détendue et c’est lui qui me rend nerveuse. J’éteins mon ordinateur et je prends le paquet qu’il m’a déposé sur le meuble d’accueil. Je déplie le chemisier car je suis certaine qu’il y a une auréole. Mais là je suis bluffée, mon vêtement est blanc sans aucune trace de café. En plus, il est repassé et dégage une légère odeur d’agrume. Cet homme est vraiment surprenant.
Je le rejoins devant la mairie et on va directement chez Ronan. Durant tout le trajet, on cause du beau temps, de tout et de rien. Victor me lance des regards malicieux, des sourires moqueurs ; il est à l’aise et s’amuse de cette ambiance très électrique et bonne enfant. Moi, je suis plutôt attiré et en même temps agacé par son assurance.
On arrive chez Ronan et je suis surprise de constater qu’il s’est mis Ronan dans la poche. Je suis un peu « jalouse » car Ronan est comme mon grand-père. Généralement, Ronan prend des distances avec les « touristes » mais reste accueillant car ils sont indispensables à son commerce.
« Salut vous deux, vous avez enterré la hache de guerre ? Ornella, ta table est dispo et je vous laisse vous installer. Un grand latte caramel pour madame et un expresso pour monsieur. C’est ca ?
J’acquiesce et Ronan me prends dans ses bras en faisant un bisou sur la joue avant de préparer notre commande.
On s’installe à ma table préférée.
– Vous êtes chez vous ici et on risque quoi si on s’installe à votre table sans votre permission ? me demande Victor avec ce regard et ce sourire ironique
– Pour votre info, j’ai grandi dans ce village et je venais prendre un grand chocolat chaud, des tartines avec du chocolat à tartiner après l’école. Je faisais mes devoirs car ma mère donnait un coup de main à Ronan pour le service. Ronan a été présent quand mon papa est parti dans les étoiles. Et non, il n’y a pas de représailles quand on s’installe à ma table pendant mon absence. Voilà, Mr le journaliste !
– Désolé, je ne savais pas et c’était déplacé de ma part. Vous pouvez me poser une question indiscrète pour me mettre mal à l’aise.
Victor a vraiment l’air gêné et je ne sais pas quoi posé comme question déstabilisante.
– Est –ce que vous avez l’habitude que l’on vous résiste, surtout les femmes ?, je sais que c’est idiot de ma part mais c’est cette question qui est venue tout de suite.
– Ca va je m’attendais à pire, ouf ! Et vous avez raison, généralement on n’ose pas me contredire ou me tenir tête. Et pour les femmes, j’ai la chance d’avoir des atouts pour les aborder. Mais je n’abuse pas car je n’aime pas donner de faux espoirs aux gens. Et moi, j’ai perdu ma maman quand je faisais mes études de journaliste. Mon père a réussi sa vie et à des connaissances dans le milieu de la presse. J’ai eu le plaisir de m’épanouir dans un métier que j’aime et de bénéficier des relations de mon père pour pérenniser mon projet professionnel. Et j’apprécie votre naturel car c’est une qualité que je recherche chez les personnes que je côtoie
– Désolé aussi et c’était vraiment une question idiote. Et merci pour cette confidence, on a un point commun. Et je comprends mieux l’attitude de Ronan avec vous, il sait reconnaître la sincérité chez les gens. Et je vous propose de tout recommencer à zéro et de faire comme si c’était la première fois qu’on se voyait.
– Ok pas de soucis, on efface tout et on recommence, Victor me tends la main et je lui serre la main en retour.
Et là je sens un léger frisson me parcourir le long du corps et je sens toute la tension nerveuse s’évaporer. Un sentiment de confiance et de sécurité m’envahit. J’ai baissé mes défenses et je suis curieuse de le connaître plus en détail, autant physique que intellectuellement.
Ronan nous apporte notre commande et il me regarde avec un air heureux et commente la situation : « Eh bah voilà, un grand pas pour votre complicité ! Et vous êtes beau, profitez de cette fin d’après-midi. Le ciel va être magnifique et prenez le temps qu’il vous faut. » Il met sa main sur les notre pour me donner son approbation et me garantir que je ne risque rien avec ce joli cow boy.
Pendant quelques heures, nous élaborons notre programme de visite de la ville sur deux matinées. On se laisse également un après-midi de programmer par précaution. Les tensions ont disparues, on s’écoute, on plaisante, on se découvre en toute simplicité.
Je découvre à travers cet échange, un homme curieux, attentif. Il s’intéressé à mes idées et se laisse guider par un itinéraire chargé. Il avoue facilement qu’il a consulté internet et quelques livres sur l’histoire de notre village. Il a décidé de faire son article sur un endroit où les lieux restent à découvrir, à explorer. Il est contre un tourisme qui profite seulement à des grandes chaînes hôtelières qui s’installent avec des complexes luxueux et énergivore. Il défend le tourisme à petite échelle avec des projets authentiques et qui ne dénaturent pas le charme et les légendes des lieux.
Nous avons fini nos cafés et on regarde la nuit étoilée. Victor me demande si il doit me déposer chez moi. Il regrette de partir car il aurait aimé reprendre un dernier expresso. Je lui dis que ce n’est pas la peine. Je le rassure que c’est Ronan qui va me raccompagner. Il est 23h et Victor m’explique qu’il préfère rentrer car il doit préparer son matériel pour demain matin. Il avoue aussi qu’il est plutôt grasse matinée et qu’il a passé une agréable soirée.