En ce vendredi soir, nous voilà Jules et moi, les yeux vitreux et le ventre vide, en train d’errer dans les allées de Carrefour à la recherche de notre pitance pour le dîner.
Après avoir débattu trois bonnes minutes pour savoir si son estomac pourrait tolérer deux boîtes entières de sushis (bien sûr que non) et avoir fait quelques emplettes, nous nous mettons en route pour le purgatoire : les caisses enregistreuses.
Arrivée aux portes de l’enfer, j’ai une envie (très) pressante et mon acolyte tombe de fatigue. Il subit de plein fouet les effets du décalage horaire, le malheureux revient tout juste de Manchester.
Une solution créative et de préférence rapide s’impose. Moi : Bon. Combien on a d’articles ?
Lui : Hmm… 1, 2, 3…8…12. Pourquoi ?
Moi : Viens, on va tenter la caisse automatique.
Lui : C’est moins de 10 articles normalement, nan ?
Je le regarde, l’œil malicieux et un chouïa dépravé.
Moi : Je sais.
Lui : Houlà. Tu joues avec le feu, là, Marie.
Moi : Que veux-tu, j’aime vivre dangereusement.
Nous prenons place dans la file qui mène aux caisses automatiques. Feignant l’innocence, je lève les yeux pour voir écrit en grand sur un panneau rouge :
10 ARTICLES MAXIMUM.
Reste naturelle et tout ira bien.
Jules se penche vers moi et chuchote en rigolant : Imagine, ils ont un compteur d’articles et il bloque une fois arrivé à 10. On aura l’air fin.
Je me tourne vers lui, plante mes yeux dans les siens et déclare le plus sérieusement du monde : reste tranquille et agis comme si tu n’avais rien à te reprocher. Ça va passer.
Confiante mais stratège, je fais d’abord passer les denrées que mon estomac juge d’importance nutritive capitale : le smoothie “Innocent” banane/coco (une tuerie), les deux paquets de pain de mie qui tiendront max 48 h (j’aime vraiment beaucoup le pain de mie) et les sushis de mon complice.
Arrivée à la sauce tomate, 10e du nom, je fais une rapide prière et me prépare à fuir au cas où une alarme aurait la mauvaise idée de me déclarer coupable. Sans compter qu’à la vue de ces pâtes bio semi-complètes et de cette salade verte, sans une seule Häagen-Dazs à l’horizon, il y a peu de chance que les jurés retiennent le crime passionnel.
Il est trop tard pour reculer.
J’avance le bocal en direction du laser, un bip retentit et… rien.
Victoire.
Un sourire illumine mon visage creusé par ces 20 longues minutes d’hypoglycémie. Je passe les derniers articles, Jules se dévoue pour régler l’addition et nous quittons les lieux au pas de course.
Il est à peine 20 h et le week-end s’annonce rock and roll.
Toujours aussi bien tourné, même dans un format un peu plus long. Bravo.