Chapitre 1 | La grotte de cristal
Chapitre 4 | Fort Toral (partie 1)
Chapitre 5 | Un monde de draks et d’épées (partie 1)
Chapitre 6 | La croisée des chemins (partie 1)
Résumé des chapitres précédents : Juan, Miguel, Franck, Julie et Marie ont émergé dans un monde inconnu dont les jours sont bercés de deux soleils. Par un concours de circonstances obscur, Julie a appris la langue locale. Le groupe s’est fait par la suite capturer par des soldats chevauchant des griffons, qui les ont emmenés vers une forteresse. Tandis que leur ravisseur a tenté de les faire disparaître après plusieurs mois en prison, ils ont été sauvés par un inconnu appelé Sayur, d’un peuple venant de l’Est lointain. Les voici arrivés à la cité de Vertval, à la demeure de la famille De Grandvaux (Obianne et Barnabas), chez qui Sayur devait les amener. Ils y découvrent des domestiques centaures, rencontrent le doyen des mages Palil d’Adk, et se voient donner à tous la compréhension de la langue locale. Les corps reposés, ce sont maintenant les esprits qui se questionnent.
Cette première journée de liberté s’acheva par un repas collectif que les Grandvaux et leurs trois enfants partagèrent avec les cinq compagnons égarés. Un convive supplémentaire y prit place, qui n’était autre que le frère de la maîtresse de maison. Le menu était pantagruélique, et malgré les moyens importants dont disposaient les hôtes il était légitime de se demander s’il s’agissait d’un repas exceptionnel, ou si l’abondance était simplement la norme sous ce toit. Le jour commençait à décliner, les centaures allumaient peu à peu les nombreux chandeliers et lampes à huile qui illuminaient la demeure la nuit tombée.
Passé le dessert et le crépuscule gris, Marie s’éloigna de quelques dizaines de pas derrière la villa puis s’assit dans l’herbe pour admirer le ciel constellé d’étoiles. Aucune pollution, aucun nuage, aucune lumière ne venait troubler sa contemplation. Les milliers de points lumineux scintillaient au dessus de sa tête. Elle s’allongea finalement, la tête posée sur ses mains croisées, cherchant un repère dans ce ciel inconnu et sans lune. Une tête apparut soudain dans le haut de son champ de vision et un rideau de cheveux lui caressa les joues. Une jeune fille à quatre pattes avait réussi son effet de surprise. Marie se redressa promptement, et la blagueuse pouffa.
– Qui est là ? demanda Marie
– Haha, vous devriez voir votre tête !
– Ça ne m’amuse pas, j’ai vraiment eu peur, réprimanda Marie
La personne à genoux derrière elle devait avoir une quinzaine d’années. Il était difficile de distinguer précisément ses traits dans la pénombre de la nuit. De longs cheveux blonds coulaient sur ses épaules couvertes d’une tenue sombre. Elle souleva un tissu qui enveloppait une petite cage d’environ quarante centimètres de côté. A l’intérieur une créature ailée émettait une lueur verte qui éclaira un petit cercle de lumière autour des deux femmes.
– C’est moi, Nora. J’avais très envie de vous parler, mais mes parents font subtilement en sorte que nous n’en ayons pas l’occasion, et nous étions trop loin tout à l’heure à table.
Marie reconnut enfin la fille des Grandvaux. Elles avaient beau avoir partagé le repas quelques heures auparavant, le rapprochement n’avait rien d’évident. Nora’Lia y portait un chignon tiré et une tenue d’apparat, bien différente de la tenue d’extérieur dans laquelle elle s’était glissée entre temps.
– Est-ce que vous avez le droit d’être ici ? demanda Marie
– Autant que vous, je suppose ? répondit Nora du tac-o-tac
– Oui, j’imagine que ça ne me regarde pas
– Qu’est-ce que vous faites dans ce champ ? Ce n’est pas très prudent, les draks sortent souvent la nuit, ils peuvent avoir des réactions dangereuses quand ils prennent peur
– Je regardais le ciel, la nuit est magnifique ici
Nora s’assit en tailleur, ravie d’avoir enfin une conversation avec Marie. Intimidée, elle ne savait pas trop par où commencer.
– Il n’y a pas d’étoiles chez vous ?
– Si, bien sûr, répondit Marie, le ciel est juste moins beau. Et nous ne l’avons pas vu depuis si longtemps
– Père m’a dit que vous aviez été enfermés à Fort Toral pendant longtemps, qu’avez-vous fait de mal pour vous retrouver là-bas ?
– Je me le demande encore, Nora, soupira Marie
Marie regarda de plus près la cage exiguë. La créature phosphorescente à l’intérieur était magnifique. D’allure vaguement anthropomorphe, elle portait sur son dos des ailes semblables à celles d’un papillon de nuit, soigneusement repliées. Plusieurs sections empilées comme le corps d’une guêpe prolongeaient des jambes graciles, et deux antennes plumeuses siégeaient sur le haut de sa tête.
– C’est une pixie, commenta Nora. C’est Sayur qui me l’a offerte, il l’a ramenée de chez lui exprès pour moi ! Mon père dit qu’elles sont chères sur notre continent. Elle est un peu chapardeuse mais je l’adore.
Marie prit en pitié cette créature réduite à l’état de lanterne.
– Ça doit être triste pour elle d’être dans une cage aussi petite.
– C’est aussi pour la protéger, répondit Nora surprise. Et puis elle a un nid dans ma chambre, elle n’est pas toujours enfermée.
– C’est mieux que rien je suppose, répondit Marie pour ne pas braquer la jeune fille
Des pas lourds et étouffés se rapprochèrent dans l’obscurité. Une silhouette massive s’arrêta derrière Nora’Lia, et baissa promptement sa tête vers elle. Marie amorça un mouvement pour la protéger, trop tard pour prévenir un affectueux coup de langue dans les cheveux blonds de la jeune fille. Un drak s’agenouilla derrière elle. Nora se reposa contre sa cage thoracique comme contre le dossier d’un fauteuil. La respiration caverneuse du fantastique animal berçait Nora à chaque inspiration. Le drak reposa sa tête près de la jeune chevaucheuse, qui lui caressa le front avec des gestes parfaitement maîtrisés. Ses pattes noueuses gisaient autour d’elle. Les griffes du saurien étaient si grandes et acérées qu’un simple sursaut involontaire aurait mis en péril la vie de la jeune fille. Néanmoins Nora semblait incroyablement détendue et confiante.
– Il est… énorme, dit Marie
– C’est Onyx, mon drak. C’est un mâle d’un an, il vient de Pont d’Armes. Mon père me l’a offert l’année dernière. C’est rare les draks noirs, d’habitude ils sont plutôt bruns ou verts. J’en ai toujours voulu un noir, c’est une couleur pour les grands chevaucheurs ! racontait la fille des Grandvaux avec une fierté évidente.
– Tu as beaucoup de chance
Nora qui avait longtemps attendu cette discussion sauta sur l’occasion. Elle se redressa avec un grand sourire, et s’assit en tailleur.
– Est-ce que vous voulez bien me raconter votre vie dans votre monde ?
– Qu’est-ce que tu voudrais savoir en particulier ? Il y a tellement de choses à dire
– Est-ce que vous avez aussi un empereur ?
– Il y en a eu par le passé, dans certains pays c’est encore le cas. Dans mon pays maintenant c’est ce qu’on appelle un président. Les gens choisissent celui qu’ils veulent en votant.
– Quelle drôle d’idée ! Mais alors, comment les gens choisissent-ils ? Est-ce qu’ils prennent les plus riches ? Les plus beaux ?
Marie était un peu déstabilisée par la question : il se trouvait que les hommes politiques étaient effectivement souvent riches, mais cela semblait plutôt être une coïncidence.
– Il votent en principe pour celui qui leur promet la meilleure vie.
– Et ça marche ? Les gens peuvent vraiment choisir leur vie ?
– Pour certaines choses oui, mais c’est beaucoup plus compliqué que ça.
– J’aimerais bien pouvoir choisir ma vie aussi, dit Nora en rêvant. Les filles de mon âge sont souvent déjà mariées avec des hommes choisis depuis longtemps par leurs parents, ou le seront bientôt. J’imagine que mes parents ont prévu ça pour moi aussi. Ça me fait peur, je ne veux pas de cette vie, mais je ne veux pas décevoir mon père non plus.
Elle marqua une pause
– Et vous, vous êtes mariée ?
– Non, je ne suis pas mariée. J’ai privilégié mon travail jusqu’ici, et je n’ai pas encore rencontré le bon.
– Et Franck ? J’ai remarqué qu’il vous regarde souvent.
– C’est de l’histoire ancienne, Nora. Franck et moi c’est terminé.
Marie enchaîna pour ne pas plomber l’ambiance
– Par contre, j’avoue que Sayur est plutôt mignon, dit-elle en faisant un clin d’oeil et un sourire à Nora
– N’importe quoi, répondit la jeune blonde en riant, il a au moins cent ans ! Il connaissait mon grand-père et il a combattu avec mon père.
Cette information épaissit encore le mystère autour du personnage. Marie ne savait pas si elle devait être déçue ou soulagée de l’apprendre.
– A quoi ressemblerait ta vie parfaite, Nora ?
– Je voudrais chevaucher des draks tout le temps, et découvrir le monde. Je ne suis presque pas sorti de l’Eserith à part pour assister à des cérémonies rasoir à la capitale. Je me rappelle à peine Mithliene d’où vient ma mère, tellement nous n’y sommes pas allés depuis longtemps. J’ai envie de tout connaître du monde !
Marie s’amusa de cette touchante naïveté
– Je ne suis pas sûr de pouvoir t’apprendre grand chose sur ton monde, par contre il y a beaucoup de domaines que je pourrais te faire découvrir si tu veux. Et en échange tu m’apprendrais comment fonctionne ton monde, en attendant que je puisse rentrer chez moi. Qu’en dis-tu ?
– J’adorerais !
Un galop assourdi par l’herbe rase se fit entendre, une centaure s’arrêta à leur hauteur.
– Dame Nora, votre père vous cherche partout, vous feriez bien de rentrer. Et vous aussi madame Marie, la nuit n’est pas sûre pour vous dans les collines.
– D’accord, Ramah, on va rentrer, répondit la jeune fille dépitée.
Chapitre 6 | La croisée des chemins (partie 5)
Moi aussi je voudrai chevaucher des draks toutes la journée.
On en sait plus sur la vie des personnages chez les grandvaux. J’aime bien.
J’essaie de faire une transition plus calme pour approfondir les personnages, est-ce que ça ne casse pas trop le dynamisme ?
Non pas du tout, je trouve même que c’est essentiel. On a besoin de ça de sentir leurs ressentis et comment ils vivent le fait de ne pas pouvoir retourner chez eux. Du moins pas tout de suite.