La buée permet à peine de discerner les contours de son visage. Mes ses yeux rouges, ses naseaux, énormes, son visage allongé, ne laissent pas de doute sur son identité.
« Bonsoir. »
Son ton est calme. Posé. Poli. Il semble serein, à l’aise, en paix.
J’ai du mal à le regarder dans les yeux. Mon humeur est à l’opposé de ce que je comprends être la sienne. Je lui réponds quand même.
« Bonsoir. »
« Tu as l’air triste et fatigué. »
Je cherche la question qu’il veut vraiment poser et qui se cache derrière son observation. Je ne trouve rien.
« Je suis triste et fatigué. »
« Hmm. Tu veux en parler ? »
Ça ne sert à rien d’en discuter. Il sait d’ailleurs très bien pourquoi je suis triste. Et comment ma tristesse mène à la fatigue. Je dors mal. Peu. Anxieux. Le cœur en lambeaux.
À cause de lui.
Je trouve la force de le regarder en face, mais pas de mot pour lui répondre. Il me dévisage un moment, constate mon appréhension, et tend une perche.
« Tu crois que c’est fini pour de bon ? »
« Oui. »
« Hmm. Dommage. »
Je ne sais pas s’il veut dire « dommage que ce soit fini » ou encore « dommage que tu crois que c’est fini ». Je n’ai pas envie de lui demander.
Un long moment passe à se regarder à travers le miroir.
« À quoi penses-tu? »
Il me demande ça comme elle le faisait, quand un silence s’installait. Je crois qu’elle n’aime pas le silence. Peut-être est-elle sincèrement curieuse de savoir ce qui se passe dans ma tête. Je ne l’ai jamais vraiment cru. Je crois qu’elle a peur du silence.
Je tourne un peu la tête à droite, en baissant les yeux.
Il fait la même chose, sur la gauche.
« Je pense que je ne la reverrai jamais. »
« Et tu me blâmes. »
C’est un drôle de choix de mots.
Oui, je le blâme. C’est lui qui rugit et qui crache des flammes. C’est lui qui n’accepte pas d’être dérangé dans ses habitudes. C’est à cause de lui que c’est fini avec elle. C’est lui qui surgit quand elle montre les griffes. Il me protège en semant la peur.
C’est aussi simplement le dragon qui habite mon miroir.
« Tu vas rester seul ? »
Je ne suis pas vraiment seul. Je souffre seulement de solitude. Elle savait me faire rêver.
« Oui. »
« Hmm. »
Nos regards se croisent à nouveau.
« Je suis là pour rester. »
« Je sais. »
Ça ne me sert à rien de prétendre autrement. Il est né il y a très longtemps et je vais probablement mourir avant lui.
« Que vas-tu faire ? »
« Rester dans le moment. Profiter de ce que j’ai. Carpe diem, etc. »
« Arrêter de rêver ? »
« Arrêter de rêver. »
« Hmm. »