“`Personnages principaux : IG, IN, et JY“`
« Voilà, ceci est mon dernier message. »
Saisi soigneusement, réfléchi mûrement, et avoué sincèrement, tel est le contenu d’une notification Instagram qui tombe droit sur l’écran de Jean-Yves, qui d’ailleurs n’en semble pas très surpris.
Il ferme ses notes, interrompt sa révision, et dessine le schéma de son smartphone en vitesse pour affronter cette nouvelle annonce « furieuse » lancée par sa nouvelle cible.
Curieusement, il est arrêté par un message d’erreur qui lui semble inconnu sur l’instant. Il essaie et réessaie sans succès d’affronter ce message d’erreur, puis il finit par prendre alors la décision de redémarrer l’application. Et c’est là que : « Zut ! Elle a supprimé son compte ! »
Irène Nuru est une fille issue d’une famille noble et agréable. Ses parents ne se lassent jamais de la combler ou même l’inonder de sages conseils motivés par le chiffre considérable des risques que court l’âge auquel elle fait face en ce moment.
Loin de se décourager, Jean-Yves se met à planifier une nouvelle stratégie pour rattraper la fugueuse d’Instagram, tout en évitant un rapprochement physique.
Assez prétentieux, il l’est. Mais affronter la réalité en face, il n’en a souvent pas le courage. Il a souvent l’apparence d’un étudiant timide. Cette apparence qui pourtant voile la casquette d’un gentleman influenceur qu’il s’attribue prétentieusement.
Il n’est pas totalement nul en ce qui concerne les études. Mais pour l’évaluation du lendemain, il n’y a aucun doute. C’est sûr qu’il va la faucher ; car toute cette soirée, il l’a passée à réfléchir à une nouvelle façon de rapprocher la « sublime » étudiante sur laquelle il a porté son choix.
Lassée des avances des « gros aventuriers » de son entourage, et plus précisément de sa faculté, Irène décide de suspendre momentanément son compte Instagram dans le but de se concentrer un peu plus aux épreuves successives qu’elle va devoir présenter ces semaines suivantes.
Brillante, sereine et radieuse aux yeux étincelants, Irène est le genre de personnage qui remplit un profil assez bien concocté pour attirer ou même séduire plus de la moitié des étudiants de sa promotion. Mais vu son apparence trop sérieuse et ses réactions radicalement figées sur ses déterminations et en particulier celle de toujours se distinguer dans les résultats des épreuves académiques, bon nombre de ses admirateurs se sent souvent démoralisé et préfère courir vers les « facile à persuader ».
Son compte Facebook, elle l’a bloqué définitivement le mois passé. Sa boîte vocale est presque saturée ; son portable sonne « littéralement » toutes les millisecondes une fois qu’elle est en ligne, et la dernière nouvelle est qu’elle a carrément suspendu son Instagram jusqu’à nouvel ordre.
Elle n’est pas trop du genre à laisser des « vues non répondues » sur les messages reçus. Elle ne procède à de telles conclusions que lorsque la situation la gêne particulièrement. Du moins, chez elle, le cas particulier est régulier.
Ce matin, Jean-Yves a finalement abouti à un « plan final ». Pas aussi simple à aborder, mais assez élaboré. Après avoir perdu une centaine de minutes de sa nuit dernière à faire le tour des réseaux sociaux « populaires » de la ville, à la recherche d’Irène Nuru, sa décision est prise : « Je finirai bien par trouver son numéro portable ».
– Débarrassez-vous de tout ce qui peut vous distraire, l’épreuve est à livre(s) fermé(s) !
– Advienne que pourra. Se dit Jean-Yves intérieurement, haussant les épaules.
Le début du travail a sonné, tout le monde est figé chacun sur son exemplaire. Le surveillant ne voit pas trop sa raison d’être dans cette salle. Les questions semblent abordables pour tous. Il aperçoit cependant une tête redressée singulièrement vers l’autre extrémité de la salle.
Il s’approche et aperçoit un étudiant qui semble « seul dans son monde ». Sa copie est telle qu’elle lui a été remise et pourtant, il ne reste plus qu’un quart d’heure avant la fin de l’évaluation.
– Monsieur, vous êtes sûr que tout va bien ?
Jean-Yves sursaute légèrement, sortant de son monde imaginaire et donne une réponse sans trop réfléchir.
– Oui. Oui m’sieur, je m’y mets.
Se penchant sur l’épreuve, il soumet des réponses de manière déconcentrée pour ne serait-ce que finir avant les quelques minutes qui lui restent. Je suppose que vous n’aurez pas du mal à deviner que Jean-Yves va sûrement compter parmi le(s) rare(s) étudiant(s) n’ayant pas franchi ne serait-ce que la moitié de la note maximale de cette épreuve.
– Alors, comment vous avez trouvé l’interrogation ? Demande Pierrot, – un type remarquablement brillant de l’auditoire, – à ses quelques camarades présents sur le lieu.
– Enfantin ! Avance Luc. Ce serait pratiquement insensé d’échouer à un tel exercice !
Jean-Yves qui trouve cette discussion si fastidieuse, se tire de là et va rencontrer le promotionnel. Il le trouve affairé à ordonner les listes des présences des étudiants.
– Salut Eric.
– Bonjour Jean-Yves, ça roule ?
– Oui ça va, et toi même ?
– Juste un peu trop pris par cette charge que vous m’avez infligée.
– Qui ça, tu me fais rire, personne ne t’a obligé de pointer ta candidature.
– Bein, c’est ça. La raison est partagée.
– Qu’à cela ne tienne, j’ai une petite préoccupation à te soumettre mon cher ami.
Notre cher prétentieux a l’habitude de flatter ses interlocuteurs quand il veut obtenir une quelconque ressource ! Que ce soit physiquement ou même virtuellement, il ne manque jamais une occasion de glisser quelques mots flatteurs ou des paroles qui fleurettent. Je me demande même si le promotionnel est vraiment son ami… Ils ont fait connaissance il y a à peine un mois, et ne parlent que rarement.
– Vas-y je t’écoute.
– Est-ce que tu connais cette étudiante intelligente-là qui répond au nom d’Irène ?
– Irène Nuru tu dis ?
– Oui oui, c’est bien elle.
– Comment ne la saurai-je ! …
– Justement, interrompt joyeusement Jean-Yves. Tu peux avoir son numéro ?
– Ooooh, mon cher, il y a quoi encore ?
– Bon, j’aimerais juste l’avoir.
– Je ne pense pas que tu aies choisi la bonne personne.
– Oh mais, s’il te plaît, tu plaisantes j’espère.
– J’ai beaucoup à faire comme ça hein, pour me mettre à plaisanter. Donc tu peux aller voir ailleurs.
Le ton ferme d’Eric a pénétré les oreilles de Jean-Yves, puis le cerveau, ensuite le cœur… et enfin, c’est juste les membres inférieurs qui réagissent. Demi-tour et ouverture à de nouveaux horizons. « D’accord » était le dernier mot soufflé de sa bouche, de manière désintéressée, et sa démarche est un peu déséquilibrée.
« Chouette ! S’écrie-t-il. Je pourrai approcher Laurène sa meilleure amie… » Une lueur d’espoir jaillit sur son visage. Mais quand il pense à la réaction du promotionnel, réalisant qu’ « une meilleure amie » peut faire pire en allant même tout raconter à la concernée, il éloigne cette idée et prend sa route, extrêmement pensif.
Maureen est la promotionnelle adjointe d’Eric. Elle n’a pas eu du mal à arracher le tiers des suffrages de la promotion, vu son apparence à la fois influenceuse, à la fois convaincante. La ferme qualification de « loquace » peut lui être attribuée à première vue. Mais au fond, elle est trouvée « cool » pour la plupart et « sympa » pour la grande part.
Ce soir, elle a une communication importante à passer sur le groupe WhatsApp de la promotion au travers d’un voice solennel. Tout le monde l’attend avec impatience. Il s’agit de la date officielle prévue pour la sortie de toute la promotion afin d’effectuer une visite guidée vers un laboratoire minier ; comme cela cadre avec leur domaine : « La Géologie » ou plutôt « Géomine » plus précisément.
Irène, qui ne prend jamais les affaires de l’école à la légère, – qu’il s’agisse d’un exposé prévu pour le lendemain ou une dictée à passer dans trois jours, – est constamment connectée et pertinemment scotchée sur WhatsApp. Ses deux frères : Alfred l’aîné et Liam le cadet sont surpris de remarquer leur sœur ainsi occupée par son smartphone, sur les réseaux en plus. Elle qui est souvent intéressée et même très préoccupée par la lecture et les calculs complexes.
Il est vingt-et-une heure et demi, et la notification la plus attendue de la soirée sonne enfin. Chacun se précipite de l’ouvrir. Jean-Yves qui était toujours préoccupé par sa question d’obtention du numéro d’Irène émet quand même un léger sourire après l’écoute du message vocal si « artistique » et à la fois « inutile ».
– Camarades et camarades, passez une soirée équilibrée, calmez vos émotions. Ne stressez surtout pas à cause de l’épreuve de ce matin, j’ai aussi remarqué qu’il n’y avait pas de quoi paniquer. De toute façon, elle a déjà eu lieu. Je me demande même pourquoi je croyais que vous stressiez ; ou plutôt je crois que vous croyez que je suis en train de croire que vous stressez à cause de ça. Bref, il n’y a pas de quoi stresser. Merci, je vous embrasse tous, bye.
– Mais c’est quoi cette blague ! S’écrie Luc et il glisse accidentellement un emoji heureux sur le groupe, sans s’en apercevoir.
Pierrot sourit et écrit : « Enfin Luc, qu’est-ce qui te rend heureux ? »
J’avais oublié de dire que Luc est l’un des étudiants au charisme le plus extrême de l’université, à tel point que même les feuilles tombent littéralement de leurs arbres à son passage. Donc tout le groupe, toute la promotion, qui d’ailleurs s’attendait à une réaction tendue est drôlement surpris(e).
Luc lit la réponse de Pierrot et se rend compte de son erreur. Maladroitement, au lieu de supprimer le message pour tout le groupe, il clique sur « Supprimer pour moi » et hop ! Le message a disparu.
Des messages de provocation surgissent en cascade de la part de Laurène et Pierrot principalement :
– Cette fois, elle a frappé fort hein, notre vice-promo, bravo à elle ! (Laurène)
– Ooh, calmez-vous… Attendons le prochain emoji… (Pierrot)
– Oui, intervient Laurène. Ça peut être un icône amoureux cette fois ! Qui sait ! Mdr
…
Saturé de cette ironie, Luc s’exprime enfin dans un voice :
« Écoutez les gas, vous n’êtes pas sérieux ! La vice promotionnelle est entrain de gaffer là. Vous ne vous en rendez pas compte ! Nous attendons des choses importantes. Mais elle, elle ! Elle nous soumet sa comédie. Et vous croyez que ça m’amuse moi ! Mais franchement !!! C’était juste un accident ! Ou plutôt dirai-je deux : car je l’ai ensuite supprimé pour moi seul au lieu de le faire pour tout le groupe ! Chère Maureen, dis-nous l’information essentielle s’il te plaît hein, on sait tous que le travail d’aujourd’hui a réjoui quasiment tout le monde. »
Cette dernière phrase a fait réaliser à Jean-Yves la gravité de sa négligence. Cette négligence qui va lui coûter un échec à l’épreuve « la plus facile » de la saison. Qu’à cela ne tienne, à la suite de cette voix rauque de Luc, aucun étudiant n’a pu garder un air tendu. Chacun a émis ne serait-ce qu’un sourire, ou même un peu plus, un vrai rire.
Irène suit ce voice à partir de ses AirPods tout neufs, et regarde ses frères curieux assis l’un à sa gauche, et l’autre à sa droite, munis d’un air confus. Elle sourit, rit, (et) éclate…
© Majoie Miji, Juillet 2023