Chapitre 7

                « Ça fait un moment que nous avons quitté la forêt. Elle est encore loin, cette ville ? Pourtant, nous allons bien vers le sud-est, comme nous avait dit le vieil homme… Ah oui… C’est vrai… Mais c’est la seule indication que nous avons, donc autant voir quand même. J’aurais aimé pouvoir aller directement à Ystria, mais nous commençons à manquer de provisions, il faut faire des nouvelles réserves. Heureusement que Galras est proche, nous avons encore de quoi tenir le reste du trajet. Quel beau paysage, n’est-ce pas ? Ce n’est pas à l’Ouest qu’on verrait des choses comme ça ! Je plaisante, bien sûr, ne fais pas cette tête. Toutefois, ces structures ont quelque chose de spécial. Avec nos montagnes et les ruines, ça à un charme vraiment unique. Comment crois-tu qu’ils vivaient, dans le monde d’avant ? Nous avons des routes, des tunnels et plein d’autres choses, mais tout est délabré depuis si longtemps. Ça l’était déjà du temps de mes arrière-grands-parents, tu te rends compte ? Ils devaient être plutôt avancés, nos ancêtres. Mais alors, qu’est-ce qui a bien pu arriver entre temps ? Pourquoi devons-nous vivre comme ça ? La misère, les conflits, l’isolement… Pourquoi ne nous ont-ils pas légué leurs avancées, s’ils vivaient si bien ? Tu sais, comparée à Gaerwyn, la vie à Ystria est très difficile. Les ressources manquent cruellement, et tu dois être prêt à tout pour survivre. Entre les afélas et la dureté des gens, il faut s’accrocher à tout ce que tu peux. Avec les années, j’ai appris à apprécier tout ça, mais quand je me dis que j’aurais pu naître autre part, ou à une autre époque, et avoir une vie facile, insouciante et loin du besoin, une partie de moi ne peut s’empêcher de vouloir tout abandonner. Mes parents sont morts très tôt. Ils ont été tués par des bandits qu’ils avaient essayé de dévaliser. Plutôt ironique, quand on y pense. Il n’y avait plus que mon frère et moi. J’ai dû apprendre à me battre, à chasser et à ruser pour garder le droit de vivre et protéger la famille qu’il me restait. Pourquoi je te raconte tout ça, d’ailleurs ? Pratiquement tout le monde à Ystria a une histoire similaire. Je n’ai pas grand-chose de spécial. Je me demande quel genre de vie tu as eu. Ça ne devait pas être facile pour toi non plus. Mais je suis là, maintenant. Ensemble, les difficultés deviennent supportables. Je suis vraiment heureuse de t’avoir rencontré, ce jour-là. J’ai beau ne jamais t’avoir entendu parler, ni même connaître ton nom, tu es devenu important. Merci… Ah ! De la pluie ! Il y a une caverne juste devant nous, mettons-nous y a l’abri ! Ce serait fâcheux que l’un de nous tombe malade en pleine nature. Oh ! Regarde ça, c’est magnifique ! Je ne savais pas qu’il y avait des endroits comme ça dans la région. Les parois sont si belles… Toutes ces couleurs… On se croirait dans un autre monde. Et si on explorait en attendant que le temps se calme ? Suis-moi ! C’est plus profond que ce que je m’étais imaginé. Peut-être qu’il y a quelque chose de valeur au fond. Ça nous aidera à payer pour la nourriture. Hé ! Lâche-moi ! Il faut avancer ! Comment ça ? Les murs ? C’est vrai qu’ils sont étranges… Ils suintent une sorte de liquide. Et ils bougent ? Où avons-nous donc atterri ? L’entrée est en train de se fermer, sortons vite de là ! Nous avons failli y rester. Mais que pouvait bien être cette grotte ? Tu crois que la montagne est vivante, et a essayé de nous manger ? Ça me donne des frissons. Il ne pleut plus. Peut-être qu’elle était là juste pour nous attirer dans la montagne. Peu importe, nous pouvons continuer, maintenant. Allons-y ! D’ailleurs, ça me rappelle une mésaventure que j’avais vécue avec Vell. Nous avions été engagés pour chasser un fugitif qui avait réussi à quitter la ville. Le retrouver et s’en débarrasser avait été plutôt facile, mais nous étions allés tellement loin que nous ne savions pas comment rentrer. Puis le soir est venu, et il a fallu se reposer. Après un certain temps, je me suis réveillée. Vell avait été à moitié englouti par un animal que je n’avais jamais vu auparavant ! Je l’ai tué, bien sûr, et ai sorti mon frère de sa gueule gluante. Nous avions ensuite réussi à rentrer sans plus de problèmes, mais après ça, j’ai très rapidement appris à me repérer et à m’orienter. Ah ! Je crois que je vois la ville au loin. Nous y sommes presque. Le vieillard nous a menti une fois de plus, on dirait. L’endroit n’est pas beau du tout. C’est même plutôt l’inverse. De toute façon, il faut bien qu’on dorme et qu’on mange quelque part… Mais !.. Il y a des afélas dans toute la zone ! Nous sommes vraiment arrivés au pire moment ! Attends… Ils n’ont pas l’air de vouloir attaquer. Qu’est-ce qu’il peut bien leur passer par la tête ? Ils se tiennent juste là, immobiles… Est-ce qu’ils dorment ? Peu importe, ça ne change rien pour nous. Attention à la pente. Descends doucement si tu ne veux pas tomber. Voilà, comme ça. Une fois en bas, nous n’aurons plus qu’à passer à travers le bois et nous y serons. Juste à temps pour le dîner, même ! Ah ! Tu sens ça ? Quelle odeur nauséabonde ! Je ne sais pas si je réussirai à manger là-dedans… Dormir non plus. Nous sommes enfin arrivés aux remparts, la porte devrait être par ici. Tiens, elle n’est ni fermée, ni gardée. Avec tous ces afélas autour, ça pose problème… Bon ! Mettons-nous à la recherche d’une auberge. Désolée d’avoir autant parlé. Tu dois me trouver agaçante. Mais dès que quelqu’un est avec moi, je ne peux pas m’en empêcher. C’est peut-être pour ça que j’ai autant voyagé seule… Tous mes compagnons m’ont quitté au premier village. Ah ? Ça ne te gêne pas ? J’arrêterai de me retenir, alors ! »