Chapitre I – partie 2

7 mins

fin première partie :

À chaque fois qu’elle se rapprochait, Azilis était assaillie par une magie puissante qui émanait de l’endroit où les étrangers s’étaient rassemblés, confirmant ainsi son hypothèse. Ces hommes ne présageaient rien de bon.


    Alors qu’elle s’apprêtait à écarter une fronde de fougère, un message télépathique d’alerte s’insinua dans son esprit. « Ce sont des Faés ! Il faut partir d’ici et vite ! ». Azilis se retourna vers sa cadette qui commençait à reculer. Ne sachant pas communiquer par télépathie, la jeune fille implora Astrée du regard avant de désigner discrètement la clairière où se tenaient les faés. Il fallait absolument qu’elle sache pourquoi ces hommes se trouvaient ici, et quel était leur rôle dans le changement de l’équilibre magique de la forêt. Après quelques secondes d’hésitation, Astrée acquiesça, résignée, et elle s’allongea sur le sol pour mieux observer la scène qui se jouait devant elle. Azilis remercia sa cadette d’un hochement de tête et se plaça de la même façon, avant de reporter son attention sur les cinq hommes réunis dans la clairière.

    Le premier homme qui reprit la parole était le plus âgé et une grosse cicatrice lui barrait le front.

« Nous ferons donc ce que tu as proposé, cher ami, mais il ne nous faut pas attendre plus longtemps, sinon les chasseurs pourraient bien nous poser problème. Nous agiront d’ici quatre nuits, cela nous laissera le temps de rassembler suffisamment d’hommes, tout en gardant l’effet de surprise.

– Que ferons-nous donc, une fois sur place ? Est-il question de captifs ?

– Il est grand temps, mon cher ami, d’abolir le savoir-faire ancestral des Nephilys. Leur magie médicinale ne nous est d’aucune utilité, tandis qu’ils commercent librement avec nos ennemis. Nous allons donc simplement leurs rendre visite, mais nous ne ferons aucun prisonnier, ce n’est pas dans notre coutume. Avez-vous compris, général ? Les ordres ont été suffisamment clairs ?

– Oui monsieur, pas de captifs, mes hommes seront mis au courant.

– Bien. Nous nous retrouveront comme convenu au lieu de rendez-vous. … Ne soyez pas en retard général. »

    Le présumé général hocha respectueusement la tête avant de quitter la clairière au pas de course, suivit des trois hommes qui n’avaient pas pris la parole de l’entrevue. Un instant plus tard, le bruit de plusieurs chevaux au galop résonna dans la forêt avant de disparaître progressivement, informant Azilis que les quatre hommes s’étaient éloignés. Le faé à la cicatrice s’apprêta à quitter à son tour la clairière, quand son regard s’arrêta brusquement sur les fougères qui camouflaient les deux sœurs. Le cœur d’Azilis manqua de s’arrêter. Il les avait vu, ou du moins quelque chose avait attiré son attention dans leur direction. La conscience de la jeune fille lui hurlait de s’enfuir au plus vite, mais elle ne fit rien. Il ne fallait surtout pas qu’elle se laisse gagner par la panique. Les faés étant des mages de l’esprit et des sentiments, il leur est facile de repérer les êtres en proie à un esprit troublé.

    Azilis ne quittait pas des yeux l’homme balafré, qui était resté immobile, le regard perçant toujours tourné vers la cachette des deux sœurs. Son cœur battait dans ses tempes et, malgré tous ses efforts pour se contrôler, son souffle commençait à s’accélérer, risquant à chaque instant de la trahir. Une longueur plus loin, Astrée était tétanisée. Elle n’avait d’yeux que pour le faé devant elle, et ses tremblements incessant témoignaient du stress qui l’avait envahie. Azilis se sentait comme une proie, prise au piège, et cette situation ne l’enchantait guère. Il fallait qu’elle trouve un moyen de détourner l’attention de l’homme suffisamment longtemps pour que, elle et sa sœur, puissent repartir sans se faire voir.

    Alors que la situation devenait de plus en plus critique, une idée folle traversa l’esprit d’Azilis. C’était risqué, très risqué, mais il fallait essayer. C’était la seule solution qu’elle avait trouvé, et cela paraissait être la meilleure. La jeune fille connaissait mal l’étendue de ses capacités magiques, mais certaines lui étaient familières et avaient démontré leur utilités dans le passé malgré les lourdes répercussions qui avaient suivi. Azilis avait le pouvoir de donner vie à ses créations, peu importe leur nature, y compris celles de ses pensées. Seulement, elle n’arrivait pas à les contrôler. Et c’était ça, le problème. Mais le temps commençait à lui manquer, et la jeune fille devait agir au plus vite. Azilis pris une profonde inspiration et essaya de faire le vide dans son esprit, chose qu’elle n’avait jamais réussit à faire à cause de son tempérament instable. Mais libérer son esprit ne suffisait pas, encore fallait-il avoir une idée de création concrète et simple pour que la jeune fille puisse aisément lui donner vie.

    Des cailloux. Elle sourit à cette idée puis se concentra. Il fallait penser à ces cailloux tellement fort pour qu’ils lui paraissent réels. Des billes de roche informe. Azilis n’avait pas besoin de plus précis. Alors que l’image de ces cailloux s’imprimait nettement dans son esprit, la jeune fille fut parcourue de frissons très doux qui lui parcouraient le corps avant de remonter dans son cou, à l’endroit même où se trouvait son pendentif. Elle appréciait de sentir la magie affluer en elle, gonflant sa poitrine d’une énergie nouvelle. La pierre rosâtre scintillait plus fort, à mesure que cette énergie s’accumulait, grésillante, créant de petite étincelles rosées. Le faé fronça les sourcils comme si un détails venait de l’interpeller. Azilis se tendit et retint sa respiration. Il fallait agir. Maintenant.

    Au moment où la jeune fille concentra tout son esprit sur les billes de roches, son pendentif diffusa une lumière éblouissante avant de s’éteindre brutalement. Au fond de la clairière, une dizaine de cailloux s’écrasèrent sur le sol dans un bruit étouffé, détournant instantanément le regard de l’homme. Azilis n’attendit pas une seconde de plus et, bondissant en arrière, elle attrapa à la hâte le bras de sa cadette pour l’entraîner avec elle. L’homme n’allait pas être dupe bien longtemps. Astrée regarda son aînée d’un air ahuri qui se transforma bientôt en mécontentement.

« C’est tout ce que tu as trouvé de mieux !? »

Azilis ne prit même pas la peine de répondre à la question et accéléra l’allure pour atteindre les chevaux qui patientaient, attachés près de la crique.

« Des cailloux ! Des cailloux Azilis !! Tu te rends compte ?! »

La jeune fille se stoppa net, inspirant profondément pour contenir la colère noire qui enflait en elle.

« Oui Astrée, des cailloux. En quoi cela te pose t-il un problème ?!

– Cela aurait pu nous tuer, Azilis ! Voilà le problème ! Ton plan aurait pu nous tuer toute les deux !

– Sauf erreur de ma part, tu es toujours en vie !

– Oui mais pour combien de temps ! »

    Azilis ne pu retenir un juron avant de lâcher sa cadette pour poursuivre son chemin en courant. Elle venait de lui sauver la vie et c’est tout ce qu’elle avait en retour ? Elles n’avaient pas le temps de se battre pour cela. Le faé les avait sûrement vu partir, et il n’allait pas tarder à les rattraper. Derrière la jeune fille, Astrée avait changé de discours pour formuler tout un tas d’excuses, alors que la distance qui séparait les deux sœurs grandissait à vu d’œil. La cadette, malgré tous ses efforts pour tenir le rythme, ne pouvait pas rivaliser avec son aînée à la course. Azilis accéléra soudainement l’allure pour atteindre les montures, laissant sa sœur loin derrière elle. La jeune fille avait senti la présence inquiétante de leur poursuivant. Et le seul moyen de fuite efficace qu’elles possédaient était les chevaux.

    Azilis déboula gauchement dans la crique et se précipita vers son étalon, qui piaffait d’impatience, les muscles tendus. Elle attrapa à la hâte la bride de son cheval qu’elle décrocha avant de le pousser vers le cœur de la forêt.

« Va Aalto ! Va chercher Astrée, mon grand ! Va ! »

    A peine avait-elle prononcé ces paroles qui le destrier s’élançait déjà vers le sentier d’où sa cavalière était apparue quelques secondes plus tôt. Azilis ne s’attarda pas sur son étalon et reporta son attention sur la vieille jument qui patientait, l’œil inquiet. La jeune fille détacha la bride et amena la jument à l’orée de la clairière.

« Rentres chez toi ma belle ! »

    D’une rapide caresse elle rassura la jument, puis elle asséna une grande claque sur la croupe de celle-ci qui démarra sans se faire prier. Azilis poussa un soupir de soulagement avant de se retourner pour faire face à la crique. Ils n’allaient pas tarder. Tous les sens en alerte, la jeune fille fixait le sentier où son étalon avait disparu. Elle attendit. Le doute commença à s’immiscer dans son esprit. Et si Aalto n’avait pas réussi à récupérer Astrée avant que le faé ne la rattrape ? Tous les muscles de la jeune fille se crispèrent. L’étalon n’a jamais failli à son devoir, il ne pouvait pas avoir échoué.

    Azilis chassa rapidement ses idées noires lorsque le bel étalon chocolat surgit dans la crique avec, sur son dos, une Astrée toute essoufflée. Le cheval s’arrêta une seconde avant de bondir vers sa cavalière qui, saisissant sa crinière au passage, se hissa avec légèreté sur son dos juste devant sa sœur, qui s’agrippa solidement à elle. La jeune fille ne prit pas le temps de regarder derrière elle et talonna son destrier en se penchant sur son encolure.

« Ramènes nous à la maison mon grand ! »

    L’étalon reparti de plus belle, et il s’enfonça dans les bois à toute vitesse, évitant soigneusement les obstacles qui entravaient sa course. Il galopait sans se soucier de son environnement, obéissant à son instinct pour retrouver “la maison”. Azilis porta toute son attention sur la magie du faé qui les poursuivait pour évaluer leurs chances de fuites. Au bout de quelques instants, la jeune fille du redoubler d’efforts pour trouver la trace de leur poursuivant, signe qu’il avait cessé de les suivre.

    L’étalon ralentit l’allure à l’approche d’un vieux sentier de pierres et s’y engagea au trot, en prenant soin d’éviter les trous et les pierres brisées. Il bifurqua soudainement pour s’enfoncer vers le cœur de la forêt et après quelques puissantes foulées, il s’immobilisa devant un immense arbre à sept troncs. L’arbre était tel, que les troncs et les branches formaient une sorte d’arche ovale et irrégulière. Azilis vérifia qu’ils étaient bien seuls puis, d’un coup de talon, encouragea sa monture qui bondit dans l’arche.

    Les cavalières atterrirent sur une place pavées grouillante d’activité. Des groupes de villageois s’activaient autour de chariots pleins de vivres, tandis que des enfants jouaient à se pourchasser devant une écurie. Tout autour, des petites maison de bois cernaient la place, avec leurs toits de branchages et leurs murs de pierres rouges.  Astrée descendit précipitamment d’Aalto et se mit à courir vers une maisonnette que se trouvait de l’autre côté de l’esplanade.

« Astrée, où vas-tu ? »

La cadette ne se retourna pas et répondit d’une voix saccadée :

« Il faut prévenir mon père, et tout le village ! Il faut tous les mettre au courant ! »

    Azilis se laissa glisser au sol et entraîna sa monture vers l’écurie. Elle lui retira rapidement son harnachement et examina les blessures qui recouvraient ses jambes. Cela pouvait encore attendre un peu. Une fillette s’approcha timidement, tenant la vieille jument d’Astrée par la bride. Azilis héla la jeune palefrenière et lui demanda de s’occuper des deux chevaux le temps qu’elle revienne, puis elle s’élança à la suite de sa sœur.
Il n‘était pas encore midi, et la jeune fille avait déjà de gros ennuis.


Voici la suite du premier chapitre.

J’informe ici que les chapitre seront en deux parties seulement (une dizaine de minutes de lectures par chapitre) et que je publierai ces parties tous les lundis. En espérant qu’en posant un tel cadre, j’arriverai à tenir le rythme tout en donnant du bon contenu.

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2 Commentaires
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Gaëlle Galindo
3 années il y a

Toujours aussi prenant.

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