De ma fenêtre
De ma fenêtre, je vois des barbelés
De ma fenêtre, je vois un bout de ciel étoilé
De ma fenêtre, je vois les clans se former
De ma fenêtre, je vois quatre murs installés
Sur lesquels de nombreux crânes se sont cognés
De ma fenêtre, je vois les silhouettes se promener
De ma fenêtre, je vois les corps finement taillés
Sur les bancs en train de pousser
De ma fenêtre , je vois un petit nouveau SEUL
En train de chercher et de se chercher
Je pense qu’il se fera violer dans la journée
Un cutter sous la gorge, il sera obligé de sucer
De ma fenêtre, je vois les matons en train de surveiller
Depuis le début de l’année, il y en a six qui se sont fait agresser
Deux sont en arrêt et trois ont démissionné
De ma fenêtre, j’ai une vue imprenable sur tous les trafics
Cannabis, couteaux, téléphones, lames de rasoir sont plébiscités
De ma fenêtre, je vois le petit match de foot de la journée
Interrompu par le quatrième homicide de l’année
Une dizaine de coups de cutter qui l’ont bien fait saigner
Le sac à cadavres est de suite déplié
Et est transporté sous les acclamations et les olé
De ma fenêtre, je revois le petit nouveau qui a du mal à marcher
Tout hébété, il vient de se faire sodomiser
Les traces de sang sur son pantalon blanc peuvent en attester
De ma fenêtre, je vois les barbus en train de prier
En Syrie, certains rêvent ouvertement de se barrer
Tout cela sous le regard haineux des crânes rasés
Et le regard amusé des Antillais
De ma fenêtre, on ne prône pas le vivre-ensemble ou la paix
Chacun lutte pour survivre en restant ancré dans sa communauté
De ma fenêtre, je vois la solitude, l’ennui, le désespoir, la sodomie
De ma fenêtre, je vois la réinsertion s’amenuiser petit à petit
De ma fenêtre, j’entends les chants des oiseaux nous narguer
Car eux, au moins, sont en liberté
De ma fenêtre, je vois le nouveau et une lame qu’il s’est procuré
Le suicide n’est pas loin d’arriver
De ma fenêtre, j’entends très peu de vocabulaire
De ma fenêtre, j’entends les masturbations à heures régulières
De ma fenêtre, j’entends la fierté et l’exaltation lors d’OM-PSG
De ma fenêtre, j’entends les parloirs en train d’être débriefer
Les femmes et les avocats se font copieusement insulter
Les enfants sont regrettés, chouchoutés ou ignorés
On leur fait des promesses qu’on ne tiendra jamais
De ma fenêtre, j’entends parler du neuvième suicide de l’année
Qui n’aurait pas accepté d’être la petite pute du bâtiment C
De ma fenêtre, je n’ai plus jamais revu le petit nouveau hébété.
De ma fenêtre du bâtiment B, étage 3, cellule 347, numéro d’écrou 82548.