Le jour du grand départ arriva bientôt et avec lui les entraînements s’enchaînaient. Leszeck me méprisait de plus en plus. Il me rabaissait, me faisait mordre la poussière, me donnait la chasse pour maintenir ma rage à son plus haut niveau.
Je voyais dans ses yeux le plaisir malsain qu’il prenait à me voir couverte de sang. Ca le faisait rire de me voir torturée par les soins douloureux de Maya. Même elle détournait parfois le regard ou interrogeait avec insistance son Alpha pour me laisser respirer de temps à autre.
D’après certains loups, le voyage ne durerait que deux à trois jours s’ils se déplaçaient en meute et rapidement. Mais vu mon état j’étais convaincue du contraire. Je ne pourrais pas les suivre, j’allais mourir d’épuisement ou succomber à des blessures qui se seront rouvertes. A choisir c’était peut-être préférable à l’arène. Tout le monde avait l’air convaincu de ma réussite mais si Leszeck m’épuisait autant à la tâche ce n’était pas pour rien. Il ne pouvait pas faire ça juste pour le plaisir, voyons !
Ou si ?
Actuellement j’étais à la rivière, je me lavais en même temps que l’autre changé qui avait réussi à échapper aux loups le premier jour avec moi. Nous étions sous la surveillance accrue du jeune loup qui, d’ailleurs, avait failli me bouffer ce jour-là. L’Alpha avait parfois un humour tordu. Le changé ne se gênait pas pour me lancer de temps à autre des regards à la dérobée et cela ne me dérangeait pas. Une part de moi, devenue sombre, se languissait de ces regards-là.
Les mâles nous courront après, se battront pour nous avoir près d’eux. Ils ont le rêve de nous posséder sans jamais réaliser qu’au final, ce serait nous qui les auront. Tous sans exception. Nous les dévorerons tous. Seul le mâle plus puissant que nous pourra éventuellement nous prendre comme compagne.
—Calme ta louve, Max. Tu vas pousser tous les loups à s’entretuer bientôt, murmura le jeune.
—Quoi ?
Je me tournais vers lui en cachant ma poitrine et m’enfonçant dans l’eau. Pendant un instant le froid brûla mes blessures mais après il engourdit assez mes muscles pour que je ne sente plus la douleur pulser au travers de mes membres. Ses cheveux noirs aux mèches mi-longues lui cachaient le visage. Mais vu l’inclinaison de celui-ci, je devinais sans mal qu’il gardait les yeux baissés. Le changé ricana alors qu’il sortait de l’eau sans aucune pudeur pour récupérer son pantalon.
— Ne fais pas semblant de ne pas savoir.
— Savoir quoi, le jeune ?
— Il s’appelle Kendrick, Maxime, dit le changé.
— Et je suis adulte !
Kendrick, le jeune donc, bomba le torse et se le frappa du poing.
— En tout cas assez adulte pour sentir les phéromones que tu envoies par vagues, se moqua encore le changé avec une insolence sans nom.
Je grimaçais.
—Kendrick, c’est faux, n’est-ce pas ?
Il redressa la tête et son regard me fit reculer d’un pas. Ses narines frémissaient, son corps entier se mit à trembler et ses yeux montraient le loup en lui. Il montra les dents et se leva brusquement pour me tourner le dos.
— Tu es puissante pour une changée et tu nous appelles. En gros tu as l’air d’être en pleine période de chaleur et c’est vraiment… fort. Essaies de maitriser, s’il te plait sinon je… Je vais me contrôler.
Je devins aussi rouge qu’il m’était possible de l’être. J’avais entendu parler des chaleurs vaguement, mais je n’avais pas un seul instant songé au fait que cela aurait pu se caler sur mes règles en tant qu’humaine. Puisque ce n’était que tous les trois mois… Logique non ?
Je finis ma toilette rapidement et après avoir enfilé une énième tenue noire, nous reprîmes la route vers le village. Et en effet, les gens me regardaient bizarrement, certain s’ébrouèrent, d’autres furent subitement reliés à une pompe à air car leurs muscles semblaient avoir le double de volume. Seules les femmes me regardaient avec compassion, nous étions toutes passées par là mais elles au moins avaient appris à le gérer.
L’Alpha sortit de sa hutte. Son regard se porta sur moi immédiatement. Je baissais les yeux tant sa fureur frappait aux portes de mon esprit. Les épaules crispées et la nuque dévoilée en signe de soumission, je le laissais se saisir de moi et m’enfermer avec lui. Je disais quoi déjà ? Que c’était le plus puissant qui m’aurait ? Leszeck était bien parti pour l’être. La louve gronda en moi et je frissonnais. Pour le moment dans notre entourage, il n’y avait que lui qui était à la hauteur mais pour elle, il y en aurait d’autres, près de l’Arène.
— Alpha ?
— Ca ne devait pas arriver maintenant.
Il se colla à moi pour sentir mon odeur. Je me tendis quand il passa une main dans mon dos pour me rapprocher encore plus. Je vis son ombre s’enrouler autour de moi et je criais un peu quand je la sentis rentrer sous ma peau. Lui, avait les traits crispés et le regard sombre.
— Retire tes habits tout de suite.
Il me lâcha alors qu’il allait dans le fond de sa maison, fouiller derrière un rideau. Je retirais à la hâte ce que j’avais sur le dos. J’avais chaud et mon ventre me tiraillait. Je serrais les cuisses alors que l’odeur de Leszeck me rendait subitement nerveuse ou tout à fait autre chose… Nue au milieu de son salon, je me tortillais sur place.
Quand il réapparut, il portait quelques vêtements à lui qu’il s’empressa de me faire enfiler sans même poser un regard sur moi. Je me mordillais les lèvres quand ses doigts effleurèrent mes cuisses.
— Tu ne dis pas un mot sur ce qui t’arrive. Nous allons te chercher des suppresseurs et nous partirons tout de suite.
— Pourquoi ne dois-je rien dire ?
— Les femelles sont rares. Trop de mâles naissent. Chaque loup qui se voit accorder une louve se voit plus que chanceux. Retiens bien que si Irvan n’a pas de compagne attitrée, c’est qu’il a un harem. Il adorerait t’avoir et te posséder.
— Pourquoi ? Qu’est-ce que je représente ?
— Ce que tu représentes importe peu. Tout ce que tu dois retenir c’est que ton ombre est la mienne. Tu es une louve de ma meute et peu importe ce que tu vivras dans l’Arène, tu devras t’en souvenir.
Sur ces mots il me fit signe de sortir. Ces vêtements semblaient m’apaiser puisque je ne ressentais plus cette chaleur intense au fond de mes entrailles. Elle était plus diffuse. Le pantalon était large de même que la chemise, j’avais plus l’air d’une pirate ratée que d’une véritable combattante.
— Maya ! Des suppresseurs, vite !
Elle fit rapidement aller ses yeux entre nous avant de se diriger vers sa hutte. Elle revint avec des plantes séchées, de l’eau et une sorte de poudre. Tout en retirant les feuilles sèches, elle me demanda de verser la moitié de la poudre dans l’eau. Elle me fit mâchouiller les feuilles en une pâte puis me fit avaler le tout avec l’eau.
— Dans quelques minutes tu devrais te sentir mieux, dit Maya.
— Bien. Nous nous mettons en route ! Les guerriers avec moi ! Les chasseurs et défenseurs restent ici, ordonna Leszeck.
Les désignés se transformèrent. Je vis Trom me sourire froidement en mimant le geste d’un égorgement. Une sueur froide me prit le dos. Était-ce la baisse de température ou son mauvais présage ? Je ne voulais pas savoir.
Les loups m’interdirent de me transformer et l’un d’entre eux me prit sur son dos. Le voyage vers l’Arène commença.