Le voyage fut long et périlleux. Plusieurs fois je manquai de me faire bouffer les fesses par un loup alors que j’étais trop longue à me relever des pauses ou à faire mes besoins. La honte avait été dépassée depuis longtemps. Je ne possédais plus aucune intimité parmi tous ces mâles. J’avais eu le malheur de vouloir me laver, un soir. Certains s’étaient battus pour être au premier rang. Même si d’apparence je n’avais montré que mon mépris, au fond de moi, la louve se dandinait et paradait. Elle était fière de susciter de l’intérêt mais seul un mâle la méritait à ses yeux. Et elle lui était déjà soumise. J’avais essayé de la brider au mieux afin d’empêcher le sujet de ses désirs de deviner ce qu’il se tramait dans mon esprit. Son regard suffisant et orgueilleux m’avait montré à quel point j’avais échoué.
Je n’avais pas gardé ma chemise puisqu’elle était blanche et à part attraper la mort, elle ne me cacherait pas aux yeux des autres. Leszeck avait fait le ménage lorsque je le regardais d’un air suppliant au moment où je voulais rejoindre la rive. J’avais des limites et ce, même si elles semblaient s’amenuiser au fur et à mesure que je passais du temps avec la meute.
Il s’était rincé l’œil. Et alors que je me penchais pour ramasser mes affaires sur un rocher, il les jeta par terre, plus loin. Je restai sans bouger face à lui, complètement nue. Il abordait son air de prédateur. Bien qu’il l’ait toujours eu, ce regard-là me faisait trembler. Et pas de froid. J’étais comme tapie au fond de moi-même oscillant entre peur profonde et curiosité. Il me tourna autour comme durant les premières minutes. Je ne le suivis pas des yeux, presque sûre que si je lui donnais en plus mon attention, il ne chercherait plus à se contrôler. Car il se contrôlait bel et bien.
— Tu sais ce que j’ai envie de faire petite louve ?
Il ronronnait presque. Je me tendis imperceptiblement et je coupais ma réaction. Son souffle effleurait mon épiderme et déclenchait des frissons dans tout mon corps.
— Te dévorer dès maintenant. Marquer ta si jolie peau. Qu’en dis-tu ?
Je regardai avec un air absent les cicatrices des crocs que Leszeck m’avait laissés lorsque le lien de meute s’était tissé entre nous. Il m’avait déjà marqué. Mais ça ne lui suffisait pas. Il se colla de tout son long dans mon dos. Son érection se plaça entre mes fesses, ses mains me saisirent les hanches et il me lécha la nuque.
Ma louve coula dans mes membres et me suppliait presque de réclamer ce qui nous était dû. Cependant elle ne me forçait pas encore.
— Tu avais dit après l’Arène, murmurais-je.
Il émit un son de mécontentement pur et raclait ses crocs contre la peau fragile de ma nuque.
— Tu as malheureusement raison. Mais n’oublies pas, ton âme réclame la mienne autant que mon loup désire ta louve. Essaies de ne pas trop m’appeler dans tes rêves, Petite Ombre. Tu joues sur un terrain que tu ne maitrises pas.
Il me laissa ensuite tranquille. Je l’observai, le corps froid et humide. Je profitai qu’il ait le dos tourné pour lui faire un bon gros geste injurieux. C’était puéril mais cela me rassura sur ma soi-disant capacité à rester libre de mes mouvements. Je savais que je pouvais m’enfuir loin de lui mais pas maintenant encore, les loups avec Leszeck me rattraperaient trop rapidement, mon corps était trop faible. Je m’enfuirais dès qu’il y aura trop à gérer pour eux.
Après être habillée, bien qu’encore mouillée de mon bain, je rejoignis le reste de la troupe. Les loups se redressèrent à mon passage. Ils me reniflaient puis baissaient la nuque et grognaient parfois vers l’Alpha. Celui-ci les ignorait complètement. Il dépeçait une biche, sélectionnait les meilleurs morceaux et donnait le reste à un autre loup.
Bien qu’étant près du feu, j’eus froid. Un loup tenta sa chance et me souleva le menton. Il était grand et baraqué. Mais ce n’était plus une surprise pour un loup. Il avait un visage androgyne mais dur aussi, avec des yeux bleus saisissant. Sa bouche était barrée de trois cicatrices épaisses qui lui boursoufflaient le bas de son visage. Me fixant droit dans les yeux, il me tourna mon visage rougis par la fraicheur de la nuit. Il se pencha ensuite dans mon cou et inspira à petit coup. Il se releva, se courba devant moi et s’inclina plus encore devant Leszeck. Il reprit sa place dans un lourd silence.
C’est là que je compris réellement la petite crise de l’Alpha tout à l’heure. Il avait déposé son aura sur moi et me permettait d’être un minimum tranquille. Parfois, je ne le comprenais pas. Sa logique m’échappait totalement. Ne pouvait-il pas être simple ?
Nous mangeâmes tous à la hâte. Leszeck faisait à peine retourner ses morceaux de viande favoris sur le feu avant d’y plonger les crocs. Les éclaireurs avaient parlé et l’Arène semblait bien plus proche que ce que j’avais imaginé.
Personne ne voulait s’attarder alors l’Alpha avait décidé que dès le repas terminé, nous continuerons la route sans dormir. La meute d’Irvan possédait des couches bien plus agréables que le sol recouvert d’une simple couverture. Et cela en motivait plus d’un. Ils s’élancèrent tous avec un surplus de motivation. J’étais toujours trainée sur le dos d’un loup, un autre pour changer au poil gris et plutôt rugueux.
Rapidement les arbres se firent de plus en plus rares et laissèrent place à une immense clairière, on aurait dit qu’une météorite s’était écrasée là et n’avait détruit que la végétation et le sol. En son centre une énorme cavité prenait place, à l’égale d’une carrière de grande taille.
— Stoppez-vous.
La voix de l’Alpha tonna. Le loup sur lequel j’étais pila net et je passais par-dessus son encolure. Je me mangeais le sol de plein fouet et atterri aux pieds d’un autre loup qui bondit en me donnant un coup de crocs sur le bras.
Leszeck s’approcha et me souleva par les cheveux. Je hurlais mais ne pouvais même pas tenter de me maintenir à son bras, j’avais les poings liés.
— Loups ! hurla mon assaillant. Nous voilà face à l’Arène ! Nous participons aux jeux et donnons en offrande Maxime !
Il me maintint au-dessus de la fosse. J’avais les pieds dans le vide et en baissant les yeux je vis que c’était l’Arène en elle-même avec une centaine de mètres de profondeur. Tout autour il y avait des estrades. Et entre la zone de combat et les places, des pics en bois et en métal pointant vers l’intérieur. Les combattants étaient la menace ? Alors qu’ils étaient humains et qu’une horde de loups-garous les observaient avec une soif de de sang inassouvissable ? C’était purement ironique.
Je fermais les yeux quand une brise m’apporta les odeurs de sang et de mort qui regnait au fin fond de cet enfer. J’entendis les loups japper, piétiner d’excitation et d’envie. Mon estomac se retourna et j’eus envie de vomir. Je sentis de l’eau s’infiltrer entre mes lèvres et ma langue perçu un goût salé. Je devais être en train de pleurer.
Leszeck me déplaça dans l’air et je le sentis coller sa bouche à mon oreille.
— Bienvenue chez moi, Petite Ombre.
Il planta ses incisives dans mon lobe d’oreille. Je hurlais lorsque la douleur m’atteignit de plein fouet. Mais ce n’était rien comparé à la souffrance qui me fit rouler des yeux lorsqu’il l’arracha.
Je sentis le sang couler dans mon coup, dévaler la courbure de mon épaule et tremper d’une texture poisseuse mon haut blanc.
Leszeck me força à ouvrir les yeux avec ses doigts. Je vis mon lobe coincé entre ses dents, son menton était plein de sang. Mon sang.
Sous mon regard horrifié, je le vis mâcher puis déglutir le morceau de l’oreille.