XXIII – ERREUR FATALE (23)

5 mins

SOMMAIRE :

PROLOGUE 

I- CHARITÉ FUNÈBRE

II- LA MORT RÔDE TOUJOURS

III- SUSPECTIONS COLLECTIVES

IV- JUGEMENT PARTIAL

V- OSTRACISME

VI- LA SÉPULTURE DE PIFANDA

VII- LE POINT DE NON-RETOUR

VIII- LE COURROUX DE BABAGNACK

IX- L’IMPRÉCATION

X- LE FAMLA

XI- CONJURATION MALÉFIQUE

XII- LE COMPTE À REBOURS

XIII- RÉVÉLATION INOPPORTUNE

XIV – DIABOLIQUES !

XV – LA CHASSE AUX SORCIÈRES

XVI – SÉPARATION ÉTERNELLE

XVII – L’ÉVEIL DE LA DESTINÉE

XVIII – PROVIDENCE

XIX – MELAL, L’INDESTRUCTIBLE

XX – L’ÉLIXIR DU SALUT

XXI – RÉDEMPTION


XXII – ÉVOLUTION




XXIII – ERREUR FATALE


            Ilick toute tremblante et haletante se leva fébrilement. Elle était abasourdie. Que m’arrive-t-il ? Ai-je bien entendu, ce que je viens d’entendre ? Se peut-il qu’il y ait une voix en moi que je ne contrôle pas ?

” s’il vous plait, arrêtez de penser, cela me fait atrocement mal ”

– QUOI ?

” si vous ne me croyez pas, avancez près du miroir ou d’un étang ”

Son cœur battait à la chamade. Elle était horrifiée, et pensait devenir folle. Et si je partait voir mon mari et lui en par…

Aie, arrêtez, c’est horrible, s’il vous plait, pitié ! ”

Remontée, la cheffe se précipita à sa luxueuse coiffeuse faite en bois verni. Là, elle tira nerveusement la toile blanche qui la couvrait pour la protéger des rayons du soleil et de l’humidité, et regarda dans la glace.

– AAAAAAAAHHHHHH !

Elle bascula violemment en arrière et tomba. Elle s’écorcha la cheville droite.

” n’ayez pas peur, je ne vous ferai aucun mal ”

– Qu’est-il en train de m’arriver ?

” je ne peux pas, en fait je ne sais pas comment le faire, et je pense que vous pouvez m’aider ”

– Ce n’est pas possible ! Je ne vois plus mon reflet au miroir. Dit-elle les yeux exorbités d’épouvante.

” je suis vraiment désolée, Majesté …”

– Tais-toi ! Que m’as-tu fait ?

” je ne sais pas ”

– Quoi ! Tu n’en sais rien ? Aie, ma cheville.

” j’étais affamée, et assoiffée, j’ai fini par m’endormir et …”

Ilick ne l’écoutait pas, et Melal le savait. Elle massait son pied énergétiquement. Heureusement, plus les minutes s’écoulaient, plus la douleur s’estompait. Bientôt, c’était juste un mauvais souvenir. Elle se leva et se mira une fois de plus. Elle ne croyait pas ses yeux. 

– Qu’est-ce que tu me veux, sorcière ?

” s’il vous plait, aidez-moi Majesté ”

Melal était face à elle, prisonnière dans le miroir.

– Comment est-ce possible ? Es-tu devenue moi ?

” je ne sais pas… ”

– Arrête avec tes, je ne sais pas ! Ne joue pas à l’innocente avec moi ! Tu sais tout ce qui se passe.

– Je ne sais rien, croyez-moi.

– AAAAAAAAAHHHHH !

Ilick retomba à la renverse. Le reflet de la petite fille dans la glace se mit brusquement à parler, les lèvres se mouvant.

” Relevez-vous Majesté ”

Mouf ! De quel droit oses-tu donner des ordres, à sa Majesté ?

” s’il vous plait, excusez mon impertinence. Loin de moi l’idée de vous irriter cheffe”

Elle se tint droite frénétiquement et frappa ses deux mains contre le miroir. Quelques légères fissures apparurent sur la surface lisse et froide.

– Ça suffit misérable ! Regarde-moi dans les yeux et dit moi ce que tu me veux ? Non mais c’est pas vrai, je dois être en train de rêver ? Pourquoi je ne vois plus mon reflet dans mon propre miroir ?

– Calmez-vous votre Majesté…

– Silence ! Je ne veux plus t’écouter et je ne veux plus te voir d’ailleurs. Disparais de ma vue, immédiatement !

– Je suis désolée, mais pour l’instant, je ne sais pas, je ne comprends pas…

– Je pars à la rencontre de mon époux.

– Non Majesté, ne faites pas ça, ils vous accuseront de sorcellerie. Ils vous tueront …

– Qui, moi ? Sans déconner. C’est toi la sorcière.

Agacée, la cheffe Ilick dévala les escaliers du palais médiéval comme si chaque seconde était vitale. Arrivée au grand hall, elle trouva Yingui et Penyin en train de rire aux éclats.

YINGUI ! Cria-t-elle.

Ce dernier sursauta.

– En voilà des manières de m’appeler, qu’est-ce donc Madame ?

– J’ai perdu mon reflet.

Les deux protagonistes s’esclaffèrent de plus belle.

– Ma chérie va te coucher. J’avais prévu dormir avec Bibia, mais au final, je vais te rejoindre un peu plus tard.

Ne lui prêtant aucune attention, comme si elle était possédée par le diable, elle se mettait à maugréer des paroles incompréhensibles au point de se tirer les cheveux et frapper les pieds fortement au sol. Le père et le fils la regardaient interdits. Elle se rendit près d’une petite fontaine coulante, non loin d’où ils s’étaient attablés la veille et regarda l’eau stagnante au sol.

– Ô Ciel ! Approchez et regardez… mais faites vite !

Yingui et son fils se regardèrent de façon à ne rien comprendre de la scène, que lui offrait sa dernière épouse.

– Je ne vois rien.

– Mais non, tu dois voir quelque chose, mon chéri… Ah oui, c’est vrai, je n’ai plus de reflets, mais continue, tu verras autre chose.

– Moi de même, je ne distingue rien. Va te coucher ma belle-mère …

– Ferme-la Penyin !

– Ilick assez ! Laisse mon fils en dehors de nos querelles !

– Elle a raison chef Yingui, dit Melal.

–  Qui va là ?

Le Maître et son héritier se retournèrent rapidement, puis se rapprochèrent de plus près, la vue tournée vers le liquide.

– Vous voyez, qu’est-ce que je vous disais ?

– Chef Yingui, je vous prie de ne pas vous mettre en colère. Je ne sais pas ce qui m’arrive et je ne peux l’expliquer. Je suis dans sa tête, je peux lire ses pensées et ressentir ses émotions, mais lorsque toutes les deux…

Les deux hommes n’en croyaient pas leurs yeux et leurs oreilles. Effectivement, un reflet s’agitait, mais ce n’était pas celui de la cheffe Ilick. C’était bien Melal, la troisième fille de Babagnack et Dadama.

– Alors depuis le début, c’était toi, Ilick.*

– Oui, c’était bien moi.**

– Pourquoi ?

– Parce que tu ne voulais pas m’écouter.

– Tu n’aurais pas dû faire, ce que tu viens de faire. Je t’aimais bon sang !

– C’était le seul moyen pour que tu comprennes, que cette situation est vraie et sérieuse.

– Un dirigeant ne doit jamais se laisser dicter par ses sentiments. C’est hélas, notre malédiction. Retiens bien ceci, mon fils. Termine-t-il, les larmes coulant sur ses joues sèches et aplaties par le poids de l’âge.

– Et toi… Laisse-moi tranquille… Petite sorcière… Sors de ma tête !… J’en ai assez… Arrête… Parle plus dans ma tête… Mais fiche moi la paix… Tu me fatigues… J’ai déjà des céphalées… Dégage de là… Quitte de moi… Parasite… Vilaine sorcière.

Pendant qu’ils croyaient être témoins d’une aliénation, Melal tentait de sauver la cheffe Ilick. Elle tortillait ses cheveux coiffés en nattes jusqu’à les arracher, se frappait le visage contre les murs de pierres et se vautrait au sol en secouant la tête.

Penyin était ahuri, abasourdi, mais ravie. Yingui était fortement accablé.

Il devait prendre une terrible décision, même s’il aimait son sujet à la folie, c’était sa responsabilité.

– Penyin mon fils, dit à Tamack, de nous apprêter le bûcher demain aux aurores, pour la sorcière.



À SUIVRE…





* Ilick ne se rend pas compte que son époux est en train de l’accuser à tord.

** Elle pense que son mari a enfin compris sa possession par Melal.

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