– Valentine – (nda : Le texte entre crochets ne m’appartient pas – (c)copyright @YuiVal )
[ A un moment, il ne sait plus lequel, une silhouette a fini par s’intercaler dans sa vue entre les plusieurs plans de paysage qu’il fixe. Illusion, désillusion ? Combien de fois rendra-t-il matériel ce qui ne l’a jamais été. Le temps que ses yeux s’habituent aux tons sombres de cette silhouette qui se découpe à la lumière grisée extérieure, Valentine a fini par se lever pour rompre le fil de ses pensées. Une illusion, à chaque fois qu’on essaye d’y passer les doigts dessus, ça finit par s’estomper. Elle disparaît. Peut être qu’en se réveillant, il serait de retour dans son fauteuil ou alors dans son lit à cligner bêtement des yeux. Le nombre de fois où sa méprise l’aura mené aussi loin ne se compte plus sur les doigts d’une main. Une méprise supplémentaire n’a jamais tué personne.
Perceptions décalées, illusions lucides.
Il irait consulter Fatalys si cette fois se reproduisait. Valentine était peut être fou mais n’avait pas dans l’optique de développer une bizarrerie maladive, -une contradiction tout aussi étrange que son être. Il a scruté la jeune fille, un pli soucieux creusant ses traits.
– Ne bougez surtout pas. Je vais juste vérifier quelque chose et ensuite je vous laisserai à vos affaires.
Il l’a déjà vue quelque part.
Elle n’est ni une de ses patientes, ni quelqu’un de son entourage quotidien mais il l’a déjà vue quelque part. A quelques pas de l’élève, il a retenu d’un mouvement, la main qui s’apprête à aller détruire l’illusion; illusion comme elle n’est pas. Il recule au dernier moment, surpris par l’absurdité de sa propre sottise. En même temps, fuse l’autre pensée: les histoires avec les jeunes sont faciles à faire éclater au sein de cette académie. Il n’en veut pas.
Elle est trempée.
En s’écartant encore -hébété par sa propre bêtise, il se demande ce qu’elle fait, pour finalement préférer une place plus près de la baie vitrée, moins acculée au fond de cette pièce.
– Vous attraperez froid mademoiselle. ]
~ ~ Cammy ~~
Une forme qui se dessine sur la vitre donnant sur l’extérieur. Un reflet longiligne, pâle, une chevelure longue à l’apparence chaste. La rouquine en attrape un frisson. Elle l’a déjà vu, elle sait qui il est. Quelques secondes plus tôt, elle songeait à lui. Alors forcément, elle s’imagine une fois de plus, que ce n’était là que le fruit de son imagination. Mais elle n’est pas endormie. Elle n’est pas au creux d’un nid douillet, ni dans l’atmosphère chaude de la serre où elle avait pour la première fois réalisé les sentiments qui l’animaient pour l’adonis que représentait Narcisse. Lui, la lumière, la beauté, l’élégance ne pouvait pas ressentir la même chose. Elle lui était opposée. Si éloignée, recherchant l’ombre de chaque instant, dans des abris de papiers, de musées, et au milieu de forêts prêtes à la dévorer toute crue.
Elle ferme les yeux, ses cheveux éparpillant diverses gouttelettes sur ses épaules, sur ses fins vêtements. Elle porte une longue robe marron qui épouse ses formes jusqu’aux genoux. Des bottines à lacets noirs, rehaussés de petits talons étroits lui serrent les chevilles. Son châle crème aux mailles larges qu’elle avait posé sur sa tête n’a bien évidemment pas pu la protéger de l’averse, mais peu lui chaut, l’Australienne a toujours aimé la pluie. La chaleur de ces derniers jours devenait presque étouffante. Il était temps que la parade remplisse son office. Et ainsi cette belle ondée, telle une bénédiction. Juste ce qu’il faut. Un petit miracle en ces prémices caniculaires.
Elle est bien. Et c’est toujours dans cet état que vogue son esprit vers ses rêves. Un bref moment, elle imagine ses fleurs danser, l’instant d’après elle aperçoit l’image fantomatique de Yui Valentine sur le reflet de la baie vitrée. Elle pense même l’entendre d’ailleurs, l’approcher… Et lorsqu’elle pense que le mirage qu’il représente se matérialise, prêt à la frôler, elle…ferme les yeux. Elle ne l’a pas aperçu depuis des semaines, elle ne veut pas que cette image de lui s’échappe à l’instant où ses doigts la frôleront. Contact qui ne se fait point. Une fois de plus il s’agit bel et bien d’une chimère. Elle ouvre les yeux, du moins, elle imagine ouvrir les paupières et c’est ainsi que le rêve perdure. L’apparition est encore là, et lui adresse la parole ; elle lui sourit puis porte sa tasse aux lèvres. L’ayant terminée, elle la dépose sur une table haute, non loin d’elle.
– ” Si nous, les ombres que nous sommes,
Vous avons un peu outragé,
Dites-vous pour tout arranger
Que vous venez de faire un somme
Avec des rêves partagés.
Ce thème faible et qui s’allonge
N’a d’autre rendement qu’un songe. “
Ces mots lui échappent naturellement des lèvres, cependant elle n’a pas l’impression de les avoir prononcées, bien que ce soit bel et bien le cas. Comme accrochée à un monde différent elle relève la tête et se tourne vers l’apparition que représente le psychologue, débridée par l’onde abstraite de cette rêverie dans laquelle elle s’imagine enchaînée de son propre chef. Elle s’en approche doucement, penchant la tête sur le côté. Cette pâleur…
De lui, ne se dégage pas la même aura que Narcisse.
– ” Pensez-vous vraiment que je vais attraper la Mort ? “
Double-sens ou jeu de mots. En cet instant, la demoiselle voit dans les traits de Valentine, ceux d’une divinité. Pas de celles dont on s’éprend de part leur beauté légendaire ; mais des psychopompes, appelé Shinigamis au Japon, chargés de conduire les âmes des défunts dans le Royaume des Morts. Par ses apparitions furtives et cette allure fantomatique, Yui est devenu aux yeux de l’Australienne, cette forme de représentation. Pourtant, elle n’en est pas troublée dans le sens “effroi”.
A ses côtés, et se tournant à nouveau vers la cloison de verre en direction des jardins, elle ponctue sa phrase.
– ” Les Champs-Elyséens doivent être magnifiques à voir. Les Silene Tomentosa doivent y fleurir à foison. Je n’en ai encore jamais vu. “