Horizon

3 mins

La longue route s’étale devant moi, une terre battue qui se dirige vers l’horizon, un chemin dont je ne peux pas m’écarter, dont je ne veux pas m’écarter. Le soleil se couchant dans mon dos, mon ombre grandissant à vue d’œil, la température chutant tranquillement, j’avance pied nu et le sourire aux lèvres. D’un côté, une forêt remplie d’oiseaux chantant et d’écureuils territoriaux; de l’autre, une plage au sable blanchâtre et fin comme de la soie. D’autres pourraient employer mille mots pour décrire ce paradis, ce tableau peint par Dieu; moi, je dis simplement que je marche parmi le plus beau paysage au monde. L’air maritime et forestier se mélange pour créer un parfum des plus exquis, la combinaison des vagues frappant le sable et le chant des oiseaux est une douce mélodie à mes oreilles. Je sens la chaleur du soleil sur mon cou, la fraîcheur du vent maritime et l’humidité de la route sans fin que j’emprunte.

Les aiguilles de ma montre avancent lentement tandis que mes pieds frappent le sol, cette terre qui salit mes orteils et s’immisce sous mes ongles. Les secondes semblent être des minutes, les minutes des journées et les années une éternité. J’ai une vie complète devant moi, une éternité de plaisir et de supplice, mais pour l’instant je vis le moment présent, ce moment parfait de solitude, seulement moi et mes pensées, seulement moi et la nature. Pourquoi Descartes voulait-il devenir possesseur d’une si belle partie de la terre, celle dont l’homme n’a pas encore touché? Pourquoi voulait-il enlever l’inconnu et l’absurdité de ce magnifique univers? Je préfère être posséder par la nature que de vivre dans un monde où tout est connu, je préfère vivre réellement que de me changer pour vivre éternellement.

Hasard, coïncidence ou destin, une branche heurte le sol devant moi, je souris en voyant un écureuil s’éloigner de l’endroit d’où elle est tombée. Je la ramasse doucement et constate rapidement que la branche est assez longue et robuste pour que je l’utilise comme canne. Je continue donc ma marche avec ce nouvel ami et remarque que mon ombre s’étend longuement sur la terre mouillée qu’est ma vie. Un regard en arrière me montre que le soleil a presque disparu sous l’horizon, les étoiles vont bientôt prendre leur place dans le ciel. J’ai déjà hâte de voir la peinture que le ciel étoilé est et de sentir ce passage splendide dans la noirceur, les lieux ne sont jamais pareils la nuit.

Tic…

L’obscurité prend place et mes yeux prennent du temps à s’y habituer. La chaleur sur mon cou a disparu, ne me laissant qu’un coup de soleil. Le soleil est parti et sans lui, le froid s’est installé. Je décide d’augmenter ma vitesse, ne sachant pas exactement pourquoi. Peut-être à cause de la fraîcheur, peut-être parce que je me rends compte qu’il est tard. Chaque pas est souffrance, la terre mouillée est tellement froide qu’elle semble mordre ma chair.

Je pourrais quitter le chemin, choisir de marcher dans la forêt ou sur la plage. Pourtant, je reste sur cette route, acceptant la souffrance temporaire. Autrement, je pourrais me perdre. Je sais où je veux aller et rien ne m’en empêchera, surtout pas de l’eau gelée. L’horizon m’attend.

Ma tête se lève un instant vers le ciel et je souris en voyant que les étoiles ont enfin fait leur apparition. Ces boules de feux à des années lumières éclairant la noirceur qu’est l’espace sont si belles. J’ai envie de me coucher et de m’endormir en les regardant. J’hésite un instant, mais je ne m’arrête pas. De toute façon, ils sont déjà en train de disparaitre à cause du levé du soleil.

…tac.

Le soleil se lève à l’horizon. Combien de temps suis-je resté à marcher? Mon regard se tourne vers ma montre.

– Quoi?

L’aiguille des secondes a disparu, elle tourne trop vite pour que je la vois. Les autres semblent accélérer aussi. Que se passe-t-il?

Un regard autour de moi me montre les vagues frappant le large encore et encore en un instant.

– Un bateau bateau…

Mes yeux se retournent vers le soleil levant et je constate rapidement qu’il est déjà rendu à son zénith. Le temps m’échappe. Je commence à courir.

Tic…

Noirceur, lumière, noirceur, lumière…

– C’est impossible!

L’aiguille des minutes disparaît à son tour, suivie de celle des heures.

– J’ai toute ma vie devant moi…

Le soleil n’est plus qu’une ligne lumineuse dans le ciel. Les feuilles des arbres tombent, la neige envahit le chemin, les fleurs repoussent.

…tac.

La fatigue essaie de m’arrêter, mais j’accélère.

– J’arrive, horizon.

M’appuyant de plus en plus sur ma canne, je continue de courir.

Tic-tac.

– Je peux y arriver.

Mes mains se rident sous mon regard.

Tic-tac.

Je vois la fin.

Tic-tac.

Le vide.

Tic-tac.

Je…

Tic.

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3 Commentaires
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Mc Hado Curly
1 année il y a

Je ne sais pas si je m’y serais essayée mais tu as fait une très belle allégorie de la vie.

J’ai pris plaisir à la lire alors merci !

Mc Hado Curly
1 année il y a

Tellement compliqué de lever le voile sur ce qu’est la vie ! Chacun en fait une description très personnel et je trouve que, pouvoir en faire une si belle métaphore sans donner des exemples de sa propre vie est vraiment difficile.

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