ALPHA

8 mins

Cette nouvelle est dédiée à l’une des meilleurs éditeurs de texte en ligne nouvelle génération, Zoho Writer. Et bien évidement au quartier qui m’a vu grandir, à mes fréquentations qui m’ont quelquefois traîné hors de chez moi, et avec qui j’ai pu voir et réaliser à quoi ressemblait la réalité dehors, là-bas au grand air, une réalité qui m’était inévitable, la rue. Et en fin, à mes parents pour les valeurs morales et spirituelles qu’ils m’ont toujours transmis.

C’est avec un petit pincement au cœur que j’ai écris pendant un nombre considérable de jours et de nuits ces mots ¨ Maux ¨ sur le parcours moins rayonnant d’Alpha, et je n’oublie pas toutes les belles chansons diffusées en ligne par Lofi Hip Hop Radio. Cette station m’a accompagné avec des mélodies Hip Hop sélectionnées avec goût, avec des atmosphères texturées et des rythmes décontractés, et enfin avec une touche de Chillhop parfaitement conçu pour rafraîchir la mémoire.

Alpha n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Il a 22 ans et il est diplômé en sciences et technologies industrielles. Il habite dans le 9em arrondissement de Brazzaville, quartier 904 Nkombo.
Un quartier qui compte plusieurs domiciles d’hommes de hautes personnalités mais de qui près ne s’avère être une Olympe. A quelques mètres près de la Télévision Nationale un marché est actif toute la semaine et ce, à l’exception du dimanche et des journées fériées. Et l’on n’oublie pas le renommé Collège public aux bâtiments jaunes mars portant le nom de : Bernadette Bayonne. Ce collège accueille des élèves venant de tous les coins de l’arrondissement. Dans ce collège, on peut malheureusement compter un nombre considérable d’ados qui jamais ne revoient leurs leçons, qui préfèrent errer dans les couloirs de l’établissement que d’apprendre sur les bancs, qui défient la surveillance, et qui enfin prennent refuge derrière les bâtiments en misant sur les jeux d’argent. 
C’est donc sous un climat chaud à long terme que le quartier est animé par l’ambiance journalière du marché. A côté de celle-ci, se rajoute le tapage du collège d’à côté quelquefois ravivé par les violences policières exercées dans l’enceinte même de ce collège, et sur une jeunesse rongé jusqu’à l’os par le système.
Alors que le pays est déstabilisé économiquement par la baisse des prix du pétrole, ALPHA parvient à obtenir son  BAC en sciences et technologie industrielle et ce, après deux ans d’échecs.
En cette période :
– Un grand nombre de chantiers est à l’arrêt dans  la capitale. « Les seuls qui continuent de tourner sont ceux financés par les acteurs chinois ».
– Les employés de l’Etat assistent à un large écoulement de temps pour pouvoir toucher à leurs parts. « Et ce retard vient causer le doute, et la panique au sein du collectif des agents ».
– Le taux de chômage ne cesse de cesse de se multiplier, le nombre de demandeurs d’emploi ne cesse d’augmenter, et c’est l’effet file d’attente.  «  Plus il y’a des diplômés, plus il y’a des sans emplois qui viennent s’ajouter à la queue ».
Dans ce même processus :
–  Le taux de délinquance s’élève à des pourcentages importants dans plusieurs Zones  données. « Les jeunes sont influencés par le langage des signes ».  – Ici je ne fais pas référence aux sourds, ni aux muets, mais plutôt à des types de salutations de la main qui définissent l’appartenance à un clan, et aussi à un vulgaire vocabulaire de rue développé par les caïds des quartiers.
Silencieux et moins bavard, Alpha c’est l’enfant seul. A l’exception de quelques copains et connaissances de la famille il ne se montre pas très amical avec les autres. D’un côté plutôt réservé et d’un autre assez sage, on la comparerait à l’arbre du Ténéré. Cet arbre qui fut autrefois  considéré comme le plus isolé de la Terre, à 235 km au Nord-est de la ville d’Agadez  reflète typiquement  la personnalité d’Alpha.
Amoureux de la culture hip hop, il s’exile dans l’art pour oublier les maux qui rongent la société, pour oublier une routine de tous les jours dont il n’est sûr de sortir de suite, et pour oublier qu’il est déscolarisé avec un père à la retraite.

Bienvenue dans cette société où 9 jeunes sur 10 croient que  le soleil et la lune ont été privés.

Alpha aime venir se poser  les soirs sur ce muret, le dos face au terrain de foot du quartier. À quelques mètres en face du muret, les lampadaires éclairent mal l’avenue bitumée. Celle-ci sépare le terrain public des propriétés privées.
L’endroit est calme la nuit, sombre et moins fréquenté et l’on court un risque assez important de se faire racketter par les voyous du coin, ou de se faire interpeller par la patrouille de nuit. L’on peut contempler l’émetteur métallique de la radio nationale, avec la petite lumière rouge clignotante au bout qui sert de radar.
Alpha y va surtout pour passer du temps avec quelques potes, pour discuter et oublier les maux de la société. Une routine qui malgré tout lui permet de garder les pieds sur terre, d’espérer que tout ira mieux et surtout de croire qu’abandonner cette mauvaise habitude de trainer dehors tard la nuit reste bien une possibilité.
Ça fait plus de dix ans qu’Alpha connaît Sam. Ils ont fait la primaire ensemble, ils habitent dans le même coin et les deux marchent au même pas et se dirigent dans un même sens. Ce sont deux bons amis avec de bonnes valeurs morales.
C’est pendant un soir humide après la pluie qu’Alpha et Sam se donnent rendez-vous sur le fameux muret. Accompagnés de deux autres copains, ils s’installent et se font des passes avec une cigarette comme un cercle de joueurs avec un ballon de foot. Ils rêvent grand et discutent autour d’un sujet quotidien : « La conquête de l’univers ».
Dans une heure un peu plus avancée vers 21 heures environs, ils décident de s’éloigner de la lumière pour se rapprocher de l’obscurité, et la principale raison de ce mouvement discret se repose sur une substance illicite. Les quatre finissent donc par s’éloigner du muret et sillonnent le terrain de foot dans le noir.
N’ayant pas connaissance du mal qui les guètes dans cette atmosphère feutrée, ils continuent leurs balade en plein extase quand soudain, débarquent deux hommes, l’un armé d’une kalachnikov avec un air pas sympa du tout.
Les deux hommes font partie de l’unité militaire qui assure la protection de la radio nationale contre tout intrus.
C’est alors en possession du chanvre indien que l’entourage se fait interpelé. L’homme armé les menace avec son arme chargée et ajustée sur eux : « Je mettrai une balle dans le dos de celui qui tentera de fuir !
L’air soucieux, ils palpèrent et chuchotent. Le terrain de foot avec toutes ses dimensions s’est rapidement transformé en une impasse, et ils se retrouvent trempés dans une situation qui n’est pas du tout à leur avantage, ni à leur âges.
–    Je compte jusqu’à trois, à mon signale on court jusqu’à l’extérieur du terrain, il n’osera pas tirer, murmure Alpha sous un ton rassurant, ensuite il écrase le mégot de joint dont il avait entre le pouce et l’index de sa main gauche.
–    Bien que tu l’aies éteint, tu empeste la fumée et le chef de service le sentira, déclame le soldat armé sur un ton autoritaire. »
Celui-ci ne veut aucune explication, Alpha et les autres s’imaginent déjà en détention pour causes de consommation de produits  illicites en lieu public.
C’est à ce moment là que le soldat ordonne aux jeunes de le suivre en se dirigeant vers le poste d’observation, à quelques mètres derrière le terrain de foot.
Une fois en chemin sans trop tarder, c’est le soldat armé qui interpelle Sam en privé, le menaçant de lui donner son téléphone pour masquer cette affaire afin de le laisser filer, lui et les autres.
En réalité, Alpha, Sam et les autres avaient en face d’eux  deux agents ripoux (corruptibles) qui chaque soir abandonnent leur poste pour venir sillonner le terrain et fumer du chanvre indien comme Alpha ce soir là avec sa petite bande.
Ces agents là viennent examiner cet endroit la nuit pour arnaquer tous ceux qui s’y aventurent, y compris certains taximans qui viennent stationner quelques minutes avec les filles de nuit.
Aucun choix dans une situation qui n’en laisse, ils coopérèrent avec le soldat, et celui-ci leur impose une condition en ce qui concerne la récupération du téléphone.
Le Soldat propose donc aux jeunes gens de lui donner de l’argent, de cette façon ils ne seront pas conduits au poste et le téléphone de leur ami sera rendu à l’immédiat. Malheureusement, Alpha et ses copains n’ont aucun sou en poche, ils et arrivent à s’entendre pour tout régler le lendemain dans l’après midi.
C’est ainsi que le soldat communique son numéro de mobile à Alpha, il confisque le téléphone de Sam pour clôturer avec le deal et leur laisse partir.

Quelques jours après la récupération du téléphone suite à l’incident de l’autre soir au terrain de foot, Alpha et Sam se retrouvent un matin inquiets des conséquences et rumeurs qui courent le quartier.
Alpha raconte à Sam qu’il venait d’apprendre par son frère que le voisinage les considérait comme étant deux jeunes marginaux.
Toutefois, Alpha et Sam se font remarquer au quartier, trainant avec deux trois jeunes qui sont eux considérés comme des mauvais sujets par le même voisinage, et certains amis et connaissances de la famille. Seulement Alpha et Sam n’ont jamais défié la loi, à l’exception de fumer un joint  pour oublier la société avec tous ses maux. La rumeur elle, en rajoute beaucoup plus et accentue surtout sur la consommation du cannabis.
Marre du regard des gens, de tout ce qu’ils racontent et de toute cette pression, pour tout oublier Alpha et Sam trouvent une idée positive, celle d’abandonner le quartier pour quelques heures, et d’aller explorer la mythique montagne du défunt Cardinal Emile Biayenda. Et bien-sûr de rouler quelques joints. La montagne se trouve sur la route qui va vers le Nord en quittant le quartier 904 Nkombo, dépassant le quartier dit Massengo, du nom du sculpteur sur bois habitant cet endroit.
Prêts pour l’aventure, Alpha et Sam s’apprêtent et empruntent un transport en commun. La journée commence bien, le ciel est dégagé et la montre indique qu’il est 10 heures dans une lueur matinale à bord du bus. Le vent soufflant apporte un peu de fraîcheur, Alpha et Sam prennent le plaisir d’apprécier à travers les vitres le paysage tropical qui défile.
Une fois arrivés sur les lieux, ils font un signe au receveur et le bus les dépose sur un trottoir à quelques dizaines de mètres de l’éminence.
Juste là à l’arrêt,  se trouve quelques vendeuses d’eau. Cela permet aux communautés religieuses protestantes, et catholiques qui viennent passer des moments de prière sur la montagne de se décompresser après la descente.
Il est une heure passée, Alpha et Sam ont déjà atteint la montagne. Ils trouvent sur le grand espace vert de celle-ci, un petit abri  fait de longues herbes et quelques petites branches, à l’opposé du sentier sur lequel ils se trouvent.
Sans crainte de ce que peut bien abriter cet endroit, ils veillent à ce que personne sur les lieux ne les remarque avant de s’y installer. Alpha met la musique avec son téléphone, allume un joint et se met à fumer. Ils roulent et fument encore et encore, ils rêvent grand et discutent autour de ce même sujet quotidien, la conquête de l’univers.
L’heure passe et il commence à faire chaud, la fraîcheur de la matinée se fait chasser par les rayons d’un soleil brillant et brûlant quand soudain, débarque de loin un homme adulte, grand et mince : « Sam ! Tu vois cet homme là-bas ? Questionne Alpha.
–    Oui, je me demande si ce n’est pas l’un de ces hommes qui viennent cultiver la terre, répond Sam.
–    Ou peut-être l’un de ces brigands qui tournent dans le coin, tu le vois il a un instrument posé sur son épaule, reprend Alpha

L’inconnu continue d’avancer sur le sentier, Alpha et Sam arrivent à le voir à travers les herbes vertes depuis leur petite cachette. Plus il s’approche, plus il devient de mieux en mieux identifiable. C’est un homme grand et mince avec un fichu chapeau en paille sur la tête. Il a mit un large débardeur qui montre son physique d’agriculteur avec un short de Foot, et il a posé sur son épaule gauche une houe.

Arrivé à côté de la petite cachette, il repère Alpha et Sam. Il emploie les bonnes manières en disant bonjour, une salutation qui crée un partage et un échange entre lui et les deux jeunes gens.

–    Vous revenez d’où ? Interroge l’inconnu.
–    On est de Nkombo, répondent Alpha et Sam
–    Moi c’est Barabbas, je viens ici souvent pour travailler la terre. L’on me paie pour arracher les herbes  et tenir propres certaines propriétés privées qui se trouvent sur cette montagne, poursuit l’inconnu.
Et je ne vous recommande pas de fumer ici car ce n’est pas sûr, des hommes avides et sans scrupules visitent ce lieu. Je peux vous inviter chez moi si vous voulez vous mettre bien. Le coin est calme et je vis en milieu naturel dans un ensemble d’habitat de maisons traditionnelles  construites par moi à quelques mètres après la montagne. Et toutefois si vous avez besoin de lutter contre la canicule, rassurez vous, je ne suis pas loin d’une réserve naturel qui abrite une rivière. »

Sur le coup, Alpha et Sam lui font confiance, ensemble ils se partagent le dernier joint qui restait, ensuite l’homme inconnu dit Barabbas continue sa route avec son chapeau en paille, son physique d’agriculteur et sa houe sur l’épaule.

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