La porte entre-ouverte

4 mins

Myriam et Jack habitaient une petite maison qu’ils louaient pour une somme modique. Leurs enfants, devenus grands, étaient partis faire leurs vies, ils avaient alors décidé de déménager pour un plein pied, plus petit et plus facile d’entretien. Les plafonds étaient assez bas et il y faisait un peu sombre. Jack s’y sentait un peu à l‘étroit mais tant que Myriam était à ses côtés, il était satisfait. Myriam aurait bien vécu ailleurs s’il n’avait pas fallu tout redémménager, ce qui la décourageait un peu. 

Le jour de l’état des lieux de rentrée, ils avaient tous les deux remarqué, dans la cuisine, une porte du genre « porte de secours » avec une barre rouge au milieu et qui ne s’ouvrait que dans un sens.

Le propriétaire leur avait dit qu’il ne fallait jamais l’ouvrir. Ils se demandaient où elle pouvait bien mener car elle se trouvait encastrée dans un mur mitoyen, peut-être donnait-elle accès chez les voisins. Au début intrigués, ils finirent par s’habituer et après un certain temps ils ne la remarquaient plus.

Un dimanche après avoir mangé, Jack était allongé dans le divan et s’ endormait en ronflant assez fort ce qui énervait toujours Myriam qui pendant ce temps- là faisait la vaisselle. En rangeant les plats dans une armoire qui se situait juste à coté de la fameuse porte, elle remarqua un rayon de lumière qui rentrait dans la maison, s’approcha et vit que la porte était entrouverte, les mots du propriétaire résonnèrent dans sa tête : « Cette porte ne doit jamais être ouverte ». Sa curiosité plus forte que tout lui fît pousser la porte un peu plus afin de jeter un œil vers l’extérieur. Quelle ne fût sa surprise d’entrevoir un paysage qui semblait luxuriant. N’y tenant plus elle franchit le pas et n’en crut pas ses yeux, le décor était majestueux, elle n’avait jamais vu un tableau si somptueux. Il y avait là des collines, des prairies, des arbres aux formes harmonieuses, des couleurs à couper le souffle, des ruisseaux qui chantaient, des animaux plus beaux les uns que les autres qui avaient l’air de vivre en harmonie. Le soleil brillait de tous ses feux et un petit vent frais détendait l’atmosphère.

Attirée comme un aimant elle décida d’avancer un peu plus afin d’en avoir le cœur net, une rafale de vent un peu plus forte referma la porte dans un claquement sec. De suite, elle revint pour essayer de la rouvrir mais en vain, elle était prisonnière de cette beauté qui l’entourait. Tant qu’à faire et un peu insouciante, elle voulut explorer d’avantage et se promena en admirant la diversité des lieux.

Au gré de sa marche, elle s’étonnait sans cesse de nouvelles surprises, un faon l’approcha sans avoir peur, peut-être sentait-il qu’il n’avait rien à craindre et elle put même le caresser. Un peu plus loin le son d’une cascade d’eau sous laquelle jouaient de petits singes attira son regard.

Encouragée par ce spectacle, elle continua d’avancer et levant la tête elle aperçut un groupe de flamands roses qui passait juste au-dessus d’elle, ils avaient l’air de migrer. Soudain elle sentit quelque chose lui tomber sur la tête et comprit vite qu’il s’agissait d’une déjection d’un de ces oiseaux. Cela la fit rire et voyant un petit ruisseau tout proche, elle entreprit d’aller y nettoyer ses cheveux.

Myriam se rinça mais l’eau était si froide qu’elle lui donna mal à la tête néanmoins elle poursuivit sa route et fut intriguée par la vision d’une plante qui produisait des fleurs magnifiques aux couleurs vives, elle voulut en cueillir une mais la plante était urticante et dès qu’elle la toucha, une sensation de brûlure traversa sa main qui commença à gonfler en devenant rouge vif.

Trop absorbée par sa main, elle ne vit pas le trou d’un terrier de lapin et trébucha. Quand elle se releva, elle boitait, c’était une grosse entorse. Le jour commençait à décliner et elle ne savait plus très bien le chemin pour retourner vers sa maison et de toute façon la porte était fermée, elle se demanda ce qu’allait penser Jack de son absence inexpliquée et espérait qu’il ne se ferait pas trop de mauvais sang.

Commençant à avoir faim mais n’osant plus rien toucher de peur de s’empoisonner, elle s’installa sous un arbre pour se reposer et admirant toujours le paysage elle se dit que c’était magnifique mais qu’il fallait être adapté à ce milieu et en connaître les dangers pour y vivre. Elle n’était qu’au début de ses peines. La nuit tombante, les couleurs disparaissaient les unes après les autres et la chaleur s’estompait, seuls restaient les étoiles et un fin croissant de lune, elle commençait à avoir froid.

Couchée dans l’herbe, de petits insectes commencèrent à la titiller et à la piquer, elle se grattait sans cesse et décida alors de reprendre sa route mais dans le noir elle avançait à tâtons et se dit qu’il était plus prudent de s’asseoir sur une branche en attendant le lever du jour. Elle somnolait quand des hurlements la firent sursauter. Etaient-ce des chiens, des loups, étaient-ils pacifiques ou affamés ?

La peur et le froid la faisait grelotter et elle repensa aux paroles du propriétaire. Elle s’en voulait d’avoir été si peu prudente. Ce qu’elle avait pris pour le paradis commençait à ressembler à l’enfer et elle pensa que :
 « Toute médaille avait un revers, le bel iceberg cachait sa partie immergée, la forêt ses racines, l’océan ses abysses, la lune avait une face cachée et chaque personnalité ses secrets. » 

Si elle ne pouvait pas rentrer il faudrait qu’elle se débrouille et apprenne à survivre dans ce milieu plus hostile qu’il n’en avait l’air.

D’un coup elle sentit quelque chose l’agripper ce qui la fit tressaillir et sortir de sa torpeur, en ouvrant les yeux elle vit Jack qui lui tendait une tasse de café et comprit que tout cela n’était en fait qu’un mauvais rêve.

Elle le serra dans ses bras, l’embrassa et lui jura qu’elle ne le quitterait jamais.

                                                     FIN. 

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