Les Crapules de la Cabane – Chapitre 4

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        Chapitre 4 : Quand Dieu envoie la farine, le diable enlève le sac


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— Putain Taz, d’où tu sors comme ça ?! m’exclamai-je en posant une main sur mon cœur.

Ce crétin avait surgi de nulle part comme un foutu ninja ! Il débarquait tout le temps sans que je ne le voie arriver ! Ses éternelles sneakers jaunes aux pieds, les cheveux en bataille tombant devant les yeux, on pouvait pourtant le distinguer de très loin, Taz. Ça devait faire dix piges qu’il avait ces godasses aux panards ! Les outrages du temps avaient bien abîmé leur couleur. Elle n’était plus éclatante comme au premier jour, mais encore bien voyante sous la crasse et l’usure. La semelle s’ouvrait par endroits et je n’arrivais pas à piger pourquoi il persistait à les porter. A chaque fois qu’on en parlait, il me reprochait d’être hypocrite, parce que j’avais mes fidèles rangers aux pieds tous les jours. Mais moi, je les changeais quand elles étaient foutues ! Toutes les semaines, on lui faisait au moins une remarque là-dessus, mais c’était comme pisser dans un violon de merde !

— Quand est-ce que tu lui dis ? insista-t-il.

— Mais bordel, de quoi tu parles ? grognai-je en tirant une dernière taffe de ma clope avant de l’écraser sur la tronche de Boris Johnson qui souriait bêtement sur une affiche collée au mur, à côté d’une poubelle.

— A ton avis, crétin ?

— Ferme-la…

Tout le monde le savait, que j’en pinçais pour Olivia. Mais je n’aimais pas en parler. C’était d’ailleurs le sujet à ne pas aborder avec moi, et que mes potes n’hésitaient pas à aborder justement quand il s’agissait de me casser les couilles ! A chaque fois qu’on se chicanait entre nous, il y en avait toujours un pour me sortir une remarque bien déplacée sur mon incapacité à me déclarer à l’élue de mon cœur. Et ça me gonflait tellement, que ça partait toujours à la marave. Aucun de nous ne pouvait se vanter d’être taillé pour la bagarre, mais ça ne nous empêchait pas de nous dérouiller sévère ! J’avais même perdu un chicot une fois, en m’embrouillant avec Mohan. Mais le dentiste avait fait du beau boulot. Alors oui, on se tapait sur la gueule parfois, mais on finissait toujours par ramener nos gueules cassées à la Cabane pour se taper un godet, bras dessus, bras dessous, du sang sur les fringues et des histoires à raconter aux copains.

— Y a quoi dans ton sac ? demandai-je en désignant le contenant en plastique que Taz trimballait.

— Quoi, ça ? Je crois que c’est de la cocaïne.

Je le fixai de mes yeux grands ouverts. Puis je regardai le sac, et à nouveau Taz. Bordel de merde, qu’est-ce qu’il me racontait cet abruti ? Il plaisantait ? Ce n’était pas son genre pourtant, de faire dans le sarcasme. Il avait dit ça tellement calmement, comme s’il n’y avait rien de chelou à se balader avec de la dope dans la rue.

— Attends, quoi ? demandai-je une nouvelle fois, abasourdi.

— Je te dis…

— J’ai entendu, Taz ! C’que je veux savoir c’est si tu te fous de ma gueule ou si t’es sérieux !

Il m’observa quelques secondes, ne comprenant visiblement pas pourquoi je m’emballais. Il avait son air apathique habituel, l’attitude typique du gros fumeur de bédo. Nous étions tous des fumeurs de joints, dans la bande. Mais Taz, c’était comme s’il était tombé dedans quand il était petit, parce qu’il semblait toujours avoir deux de tension. Il me tendit le sac et, jetant d’abord un coup d’œil autour de moi pour m’assurer que personne ne nous matait, je glissai un doigt dedans pour voir ce qu’il y avait à l’intérieur. L’air de rien, je relevai le nez vers Taz, glissant mes mains dans mes poches.

— Ouais, on dirait bien que c’est de la coke.

Je hochai la tête en fixant mon ami dans les yeux, éberlué. Dans le sac, trois briques blanches fermées par du scotch, du style de celles qu’on voyait au cinoche dans les films de trafiquants de drogues. Je ne voyais pas bien ce que ça pouvait être d’autre. D’un pas sur la gauche, je glissai pour m’approcher de lui.

— Mais merde, où t’as eu ça, espèce de taré ? chuchotai-je.

— Dans une chambre d’hôtel.

Taz, il faisait le ménage dans un hôtel. C’était son job. Et il vendait un peu de weed en extra, pour arrondir ses fins de mois. Son calme olympien habituel avait le don de me foutre en boule ! Il n’avait pas l’air de réaliser une seule seconde qu’il se baladait tranquillement dans la rue avec de quoi le faire plonger en prison pour des décennies !

— Quoi ? Et tu l’as ramassée, comme ça, tranquille ? C’est à qui ? murmurai-je à nouveau, désireux de comprendre enfin quelque chose à cette histoire délirante.

— Pourquoi tu chuchotes ?

— Parce que t’as au moins six livres de cocaïne dans ton sac, là ! grognai-je entre mes dents en modérant toujours mes décibels.

— Mais il y a personne, t’inquiètes.

Je plongeai ma tête entre mes mains tatouées en soufflant d’exaspération, épuisé par l’inconscience de mon ami. J’approchai mon visage du sien pour marmonner à nouveau.

— Bordel, t’es dehors en plein jour, à te trimballer de la dope dans un putain de sac de chez Tesco*, enfoiré d’abruti dégénéré !

— Ben ouais, et alors ? Qui irait se douter qu’il y a de la drogue dans un sac de chez Tesco ?

Sur ce coup-là, il n’avait pas tort. Ça restait tout de même sacrément risqué ! Et je ne me sentais pas tranquille à l’idée de trainer dehors avec un truc pareil en notre possession. J’avais hâte que Taz m’explique comment il avait réussi à mettre la main sur un pareil butin, mais pas ici. Mon appartement se trouvait quelques rues plus loin. Je lui fis un signe de tête et il m’emboîta le pas. Inquiet, je descendis mes lunettes de soleil sur mon nez. Geste idiot, parce que ça ne me rendait pas invisible, mais ainsi, j’avais l’impression d’être incognito. On rasa les murs jusqu’à chez moi, regardant sans cesse de tous les côtés. Nouvelle erreur. Notre attitude paraissait d’autant plus louche ! Je décidai alors d’adopter une démarche plus naturelle quand je remarquai que des gens se retournaient sur notre passage, intrigués par notre comportement suspect. Je m’apprêtais à pousser la porte d’entrée délabrée de mon immeuble, toujours flanqué de Taz, quand je me raidis de trouille !

— Haut les mains !

*Tesco : enseigne de grande distribution au Royaume-Uni

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