Chapitre 5 : les rois de la Cabane
— Haha, si tu voyais ta gueule, Harlem !
Je soufflais lourdement, en fronçant les sourcils. Mohan. Des cheveux de surfeur, un regard de braise et un corps presque musclé. Le beau gosse de la bande. Celui qui emballait le plus de gonzesses. Pourtant, il était le plus petit du groupe. Mais même avec son petit mètre soixante-huit, il dégageait plus de charme que nous autres, avec nos mines défaites par une hygiène de vie douteuse.
Lèvres pincées de rage, mon regard le transperçait tandis qu’il se tordait de rire devant moi. Il me saoulait avec ses blagues de merde, à me faire paniquer, en jouant au keuf.
— Putain de merde, tu m’as foutu une trouille d’enfer, espèce de tocard ! gueulai-je avec une main sur le cœur, comme un petit vieux au bord de l’attaque.
— Ça va, c’était pour se marrer, pourquoi tu stresses comme une pucelle, là ?
— Ta mère la pucelle, Mohan !
Il arqua un sourcil, et je pouvais même deviner Taz qui secouait la tête derrière moi. Si même ce dernier me jugeait, c’est qu’il était vraiment temps que je revois ma répartie.
— Alors ça, c’est vraiment le fion le plus débilos que tu m’aies jamais envoyé…
Je baissai les yeux. J’me fatiguais tout seul, bordel. Je manquais d’énergie aujourd’hui ou quoi ? Ma data bank de grossièretés avait sérieusement besoin d’être mise à jour.
— Bon allez, rentre, toi ! On va pas zoner dans la rue toute la journée avec ça ! grognai-je à Taz en lui faisant signe d’entrer.
— Avec quoi ?
Sans répondre à Mohan, je posai mon index sur mes lèvres pour le sommer de la fermer et l’incitai à entrer lui aussi, en agitant la main nerveusement.
— Pourquoi tant de mystère ? Qu’est-ce que vous foutez, bande de neuneus ? insista-t-il.
Je les poussai tous les deux à l’intérieur et jetai un coup d’œil furtif derrière nous avant de refermer la porte dans un grincement du diable. Super la discrétion…
*
— Nom d’une capote trouée… lâcha Mohan en matant les briques de coke que j’avais étalées sur la table basse.
On était là, tous les trois affalés sur mon vieux canapé criblé de brûlures de cigarettes, à bader devant ce trésor immaculé, les yeux écarquillés par le choc -et par le bédo qu’on venait de fumer. L’œil hagard, la bouche à demi ouverte, je fixais notre butin presque tombé du ciel sans savoir quoi en faire. Ce que je m’imaginais bien par contre, c’était la vie de gangster pété d’oseille que je me voyais déjà mener. Moi, Harlem Dixon, baron de la drogue, enchanté. Ça claquait ça, non ?! Je me paierais une grande baraque de mégalo, avec un immense portrait de moi dans chaque pièce. Je roulerais dans une de ces vieilles caisses américaines de collection, du genre Chevy Impala, que je ferais directement importer par l’Oncle Sam et j’irais me pavaner au volant de ce petit bijou dans toute la ville. Honnêtement, j’aurais vite fait le tour, parce qu’on ne vivait pas dans une mégalopole, mais j’en mettrais plein la vue aux voisins ! On se la coulerait douce, peinards, tous ensemble dans une villa avec plein de piaules et tout ! On ne nous appellerait plus les Crapules, mais les Rois de la Cabane, putain ! J’installerais un jacuzzi sur ma grande terrasse et… Non non, pas une terrasse, une loggia gargantuesque ! Bref ! J’y mettrais un jacuzzi. Et peut-être même qu’Olivia viendrait m’y rejoindre.
Olivia. Ces gros paquets de cocaïne qui me vendaient du rêve, négligemment posés devant moi, représentaient mon aller simple pour conquérir le cœur de ma belle. Si je gérais ce coup-là, elle me tomberait dans les bras. Rassuré par un espoir plus que par une certitude, je voyais là ma seule chance de l’impressionner. Bon sang, il fallait que je trouve comment écouler la came !
Amorphes, planant dans un silence de mort, aucun de nous n’avait encore évoqué le moindre plan. Je me tournai vers Taz qui releva le nez vers moi. On se fixa comme ça pendant quelques longues secondes, muets, communiquant en un seul regard. Cet échange indicible était clair, le premier n’avait rien à proposer. Alors il se tourna à son tour vers Mohan qui se mit lui aussi à nous regarder sans un mot.
— Bon alors ? interrompis-je ce calme sinistre. On fait quoi, putain ?
Taz haussa les épaules, Mohan ouvrit la bouche mais la referma avant qu’un seul son n’en sorte. Quelle bande de péquenauds on faisait ! On avait de l’or en barre sous le nez et aucune idée pour parvenir à le convertir en cash !
Le regard perdu sur eux, clignant des yeux frénétiquement, je cherchais désespérément à provoquer chez eux un élan d’inspiration.
— Quelqu’un y connait quelque chose en trafic de drogues ? Taz ?
— Me demande pas à moi, j’ai juste un pied de beuh sur mon balcon, je suis pas Pablo Escobar !
— J’crois que ça s’coupe d’abord, la cocaïne. Avant de la vendre, supposa Mohan. Dans les films, ils font toujours ça.
— Qui ça, ils ? demanda Taz.
— Ben les dealers, trou du cul !
— Ouais d’accord, mais on la coupe avec quoi ? le questionnai-je à mon tour.
— Ben avec un truc poudreux et blanc, pareil que ça.
Je grimaçais, pas vraiment convaincu par la combine de notre anarchiste. Un air sceptique échangé avec Taz, et ce dernier se mit enfin à chercher une solution.
— Genre quoi, de la farine ?
— Dis pas n’importe quoi Taz, on va pas couper ça avec de la farine ! l’arrêtai-je dans son délire.
— Et pourquoi pas ?
— Mais… Mais parce que ! C’est débile ! Personne fait ça !
Le silence s’installa à nouveau. En fait, je n’en savais rien. Est-ce qu’on pouvait utiliser de la farine ? J’en doutais sérieusement, ça me paraissait trop facile.
— Pourquoi on cherche à inventer des trucs comme des abrutis alors qu’on connait tous quelqu’un qui sait ?
Taz et moi, on fixait Mohan d’un air interrogateur. Nous ? On connaissait quelqu’un qui pouvait nous aider à trouver un moyen de couper de la cocaïne ? Il y en avait une flopée de zonards, dans notre entourage, mais des dealers qui revendaient autre chose que du shit, non.
— Qui ça ? demandai-je, ahuri.
— Son nom commence par un G.
Le sourire aux lèvres, visiblement très fier de sa trouvaille, Mohan sortit son téléphone de sa poche. M’impatientant, je me pinçais les lèvres en agitant les mains d’un geste circulaire, mais ce con faisait durer le suspense.
— Mais merde, t’as pas bientôt fini avec tes devinettes ?! Balance, crétin !
Mohan esquissa une moue vexée et me balança son téléphone que je saisis maladroitement, manquant de le faire tomber.
— Google, connard !
Donc nous sommes sur la réaction immédiate à l’élément déclencheur. C’est bien. Les dialogues rebondissent , la tension est là, le protagoniste rêve de ce qu’il fera de son argent, totalement inconscient des dangers auxquelles il devra faire face. C’est parfait !
En principe, nous nous attendons à ce qu’il sente le besoin de s’organiser et qu’il prenne une décision importante. Je crois que tu as jeté les bases des éléments qui vont dans ce sens.
Vraiment bien !
Continuons !
Merci infiniment pour ce nouveau retour ! J’apprécie ! C’est très difficile d’en avoir, surtout sur Wattpad. Difficile d’être objectif avec son propre travail, impossible même ! J’espère que la suite continuera de te convaincre, je m’attaque déjà au prochain chapitre. Merci encore. Au plaisir de découvrir tes prochaines critiques.