Les Crapules de la Cabane – Chapitre 6

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                                            Chapitre 6 : l’autre con

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Quelques insultes et divergences d’opinion plus tard, on tombait enfin d’accord. On avait besoin d’Angus. Il n’y connaissait rien en dope, mais c’était le cerveau de la bande. Je tournais en rond dans mon salon pendant que Mohan et Taz se disputaient au sujet de leurs maigres connaissances en matière de drogues, évoquant des passages de films de gangsters. Ignorant la gueulante de mes deux acolytes, j’envoyai un message à Angus, en essayant d’utiliser les mots qu’il fallait pour qu’il pige bien le caractère urgent de ma requête. « Ramène ton cul chez moi, genre tout de suite, on est sur un gros truc là, ça va tout déboîter ! ». Je n’étais pas certain qu’il se radine, parce que j’avais tendance à envoyer des messages du même genre assez souvent. A chaque fois que je flairais une opportunité pour se faire du fric, je m’emballais et me persuadais que cette fois c’était la bonne ! Sauf que cette fois, c’était vraiment la bonne !

                                                                                  *   

— Nom d’une capote trouée… souffla Angus en observant les paquets de drogues.

— C’est exactement ce que j’ai dit ! s’emballa Mohan.

Un petit « chut » lancé à son encontre, j’agitais les mains pour faire signe à tout le monde de la fermer.

— Ok ! Vos gueules, les débiles ! On a de quoi se faire un max de fric là, mais faut qu’on fasse marcher nos cervelles pour trouver un moyen d’refourguer tout ça ! Angus ?

Ses lèvres se tordirent, ses yeux se plissèrent, et il caressait sa barbiche mal entretenue. Angus réfléchissait. On ne voyait jamais de fumée sortir de ses oreilles, mais je savais que ça bouillonnait grave là-dedans. Ou alors on le trouvait juste intelligent parce que nous, on n’était pas très futé et parce qu’il avait des faux airs de prof dépressif. Ou peut-être que c’était juste ses lunettes qui faisaient cet effet-là.

Tous les trois assis sur le canapé, on le fixait, attendant impatiemment qu’il trouve la solution ultime dans ses méninges. Tous nos espoirs reposaient sur lui.

— Pourquoi on demanderait pas à… Comment il s’appelle déjà ? L’autre con qui traine toute la journée à la Cabane ? commença Angus en claquant des doigts.

— Lequel ? demandai-je

— Celui qui a du bide, avec le crâne déplumé, et qui est vraiment très très con.

— Lequel ? insistai-je

— Celui qui s’est fait sortir l’autre jour parce qu’il avait cogné sur un autre mec !

— Lequel, putain ?! T’as conscience que t’aies en train de décrire la moitié de la clientèle de Walter ?!

Taz, affalé sur mon vieux divan comme une baleine échouée sur une plage, se redressa vivement. Du moins, aussi vivement qu’il en était capable. Nous autres, on avait l’impression de regarder une vidéo tournée en slow motion.

— Heu… Tu parles de celui que sa mère avait fait cinq ans de placard pour trafic de stup’ ?

— Dont. Dont la mère avait fait cinq ans de placard ! le corrigea Angus.

— Mais merde, on s’en cogne de tes règles de synapse !

— Syntaxe. Règles de syntaxe. Mais oui, c’est lui. Harry ? Benny ?

— Lenny ! gueula Mohan.

— Lenny, putain ! C’est ça !

— Non, mais c’est des conneries ça. Sa mère, la prison, tout ça, grognai-je en levant les yeux au ciel.

— Ouais, tout le monde a toujours dit que c’était du flan son histoire. En plus, Lenny il passe son temps à cracher des mythos, m’appuya Taz. C’est comme la fois où il avait raconté à tout le monde qu’il allait se marier avec une nana qui était mannequin et actrice. En vrai, c’était juste une vieille pute mal foutue qui tapait le pavé à Manchester.

Hochement de tête collectif, parce qu’on avait tous déjà entendu les histoires délirantes que Lenny débitait à la Cabane, à chaque fois qu’il avait un coup dans le nez. Seul Angus restait dubitatif.

— Et si c’était pas du flan pour sa mère ? Et si parmi ce flot d’inepties, il y avait du vrai ?

— Ce flot de quoi ? murmura Taz.

— Vous avez vu sa gueule à la rombière ? Elle aurait fait de la prison pour de vrai que ça m’étonnerait pas.

J’échangeai un regard perplexe avec mes deux acolytes squatteurs de canapé. On ne risquait rien à demander à Lenny, et pour le moment, on n’avait pas d’autres pistes. De plus, s’il y avait une part de vérité dans cette histoire, alors sa daronne elle en connaissait un rayon sur la dope !

— Allez, tous à la Cabane ! On va causer à Lenny ! ordonnai-je en me levant.

— Hé oh ! Une minute ! nous interrompit Angus dans notre élan. Juste un petit détail dont on n’a pas parlé.

Il se racla la gorge et nous observa d’un air interrogateur, visiblement persuadé qu’on pouvait faire preuve de suffisamment de perspicacité pour piger de quoi il voulait parler.

— J’peux savoir où vous avez trouvé une si grande quantité de cocaïne ? Elle est quand même pas tombée du ciel ?

— Ah, ça ? m’étonnai-je. Bah, c’est Taz qui l’a trouvée à son taf, dans une piaule qu’il nettoyait.

Le binoclard arqua un sourcil et se gratta la barbiche à nouveau.

— Et tu l’as juste embarquée, comme ça ? Sans savoir d’où ça sortait ?

Taz hocha la tête sans un mot, comme s’il n’y avait rien de plus normal à piller les effets personnels des clients pendant qu’il faisait le ménage dans leurs chambres. Angus le dévisagea en soupirant.

— T’as conscience que les mecs qui louaient cette piaule, c’était sûrement des trafiquants ? Le genre de types à qui on évite de chercher la merde quand on n’est pas suicidaire, tu vois ?

Merde. Je n’avais pas pensé à ça. Taz non plus. Mais ces mecs n’étaient sûrement pas des dealers de weed à la petite semaine. C’était des mafieux, à coup sûr !

— Ouais mais on s’en tape de ça, ils étaient pas là. Ils savent pas que c’est moi qui ai piqué la dope.

Taz haussa les épaules, tout comme Mohan et moi. Angus, c’était le genre à faire gaffe à tout, à être prudent et à réfléchir. Mais pour une fois qu’on n’avait pas de soucis à se faire et qu’on tenait enfin un gros coup, je n’avais pas l’intention de le laisser me mettre le doute.

— Arrête un peu de flipper et de chercher des raisons pour que ça capote ! Tu vas t’faire une crampe au cerveau !

— C’est sûr que ça risque pas de t’arriver à toi, des crampes au cerveau, se vexa-t-il. Surtout pas quand il y a Olivia dans le coin. Dans ces cas-là, c’est comme si tu débranchais carrément ta matière grise !

— Pourquoi tu m’parles d’Olivia, putain ?! m’offusquai-je moi aussi.

— J’dis juste…

— Ta gueule, Angus ! Me parle pas d’Olivia !

— Bon allez, détendez-vous, merde ! s’interposa Mohan. Harlem, laisse tomber. Et toi Angus, on a déjà dit qu’on causait pas d’Olivia ! Tu sais que ça l’énerve ! Et puis on a autre chose à faire là !

Je lâchai un grognement et avançai vers la porte d’un pas agacé, flanqué d’Angus, Mohan et… Taz ? Putain, il était où, ce con ? Je revins sur mes pas et le trouvai dans mon salon en train de remettre les briques de cocaïnes dans le sac de chez Tesco.

— Mais qu’est-ce que tu fabriques, l’idiot du village ?!

— Ben, j’emporte la dope… avoua-t-il en se tournant vers moi.

— Pourquoi faire, dégénéré de la carafe ?!

— Heu… Pour faire voir à Lenny.

— Ok, donc on a réussi à rapporter tout ça ici sans se faire gauler, comme par miracle, et toi tu veux de nouveau te balader dans la rue, aller jusqu’au pub avec six livres de coke et poser ça sur le comptoir pour le faire voir à Lenny, Walter et tous les poivrots de la Cabane ? J’ai bien résumé ?

La bouche ouverte, il me fixa, réalisant de lui-même l’absurdité de son initiative.

— Ouais, non, t’as raison, on va laisser ça ici.

Il me passa devant pour rejoindre les autres dans l’entrée, m’arrachant un soupir d’exaspération.

— Et au fait, l’interpelai-je en lui emboitant le pas. Si ça marche et qu’on devient riche, tu m’feras le plaisir de t’acheter des nouvelles pompes ! Qu’on arrête de passer pour des guignols !

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DeJavel O.
2 années il y a

Nous allons donc faire connaissance avec Lenny !

– Angus est le cerveau
– Mohammed et Taz, les sbires
– Harlem, le narrateur amoureux d’Olivia

Ce qui est bien c’est qu’on est en action. On sait clairement que la bande veux vendre la dope pour se faire un max. Y’a du focus, de l’action, les dialogues sont crus, ça ne tourne pas en rond.

On a donc un texte qui avance bien et qui n’est pas pénible à lire !

La pinaille :

Le tiret cadratin est utilisé pour les dialogues. Il est plus large que le tiret ordinaire :
Tiret ordinaire : –
Tiret cadratin : —

http://www.astuceshebdo.com/2011/03/word-inserer-un-tiret-long-pour-ecrire.html

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