Les Crapules de la Cabane – Chapitre 22

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                                 Chapitre 22 : Dommage collatéral

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— Où est la dope ?! demanda l’étranger qui écrasait son flingue contre mon visage, m’arrachant une grimace de douleur, tandis que l’autre me fixait sans bouger.

— Je l’ai pas sur moi, répondis-je bêtement, trop préoccupé par l’arme pointée sur ma tempe pour être capable de réfléchir.

— J’me doute bien, que tu l’as pas sur toi, abruti ! Je veux savoir où elle est !

Le deuxième, toujours stoïque, ouvrit la bouche à son tour.

— Vous croyez pouvoir braquer des mecs comme nous et vous en tirer comme ça ? Vous savez qui on est ?

Non. Je n’en savais rien, et je n’étais pas assez curieux pour avoir envie d’apprendre à les connaître. Ce dont j’étais certain, c’est qu’il ne s’agissait pas de simples touristes venus passer un petit séjour loin de la métropole. J’avais affaire à de vrais trafiquants, des mafieux peut-être. Et j’étais convaincu qu’ils n’hésiteraient pas à m’envoyer dans l’autre monde si je n’accédais pas à leur requête.

— Rejoins-nous au pub dans une heure, avec la came. Sinon, on te bute, et on bute tes amis.

Mon regard oscillant vers l’un, puis vers l’autre, je cherchais un moyen de me sortir de ce bourbier, en vain. Je n’avais pas le choix, je devais récupérer les briques. C’était la seule option.

— Et si tu crois pouvoir nous échapper, dis-toi que vous n’avez pas été difficiles à trouver la première fois. On vous retrouvera encore, me menaça le premier en rangeant son arme.

— Personne ne sera en sécurité dans cette ville tant qu’on n’aura pas récupéré ce qui est à nous, affirma son acolyte. Et ta fameuse cabane, il en restera que des cendres.

Ce dernier me frappa d’un coup de poing dans l’abdomen, qui me coupa la respiration un instant. Les bras croisés sur l’estomac, je me tordais de douleur.

— Une heure, insista-t-il.

Je me redressai en haletant, pour les regarder s’éloigner. Je pouvais toujours fuir, mais je condamnais mes potes à une mort certaine. La rancœur que je leur portais me sembla tout à coup bien dérisoire, face l’éventualité de leur disparition. Je leur en voulais toujours, mais pas au point de leur faire courir le moindre risque. Et la Cabane. C’était chez nous. Hors de question de la voir partir en fumée. Je me retrouvais en charge d’une bien lourde responsabilité. Mais je ne pouvais pas foirer. Pas cette fois.

Sous une pluie battante, je me précipitai chez Madame Peterson. Je n’avais pas le temps de réfléchir, pas le temps de me poser des questions. Il fallait que je récupère la cocaïne, coûte que coûte. Je ne savais pas ce que j’allais pouvoir dire à Dory, ni même si elle accepterait ce changement d’avis, sans broncher. Mais tant pis ! Je devais agir immédiatement !

Je ne pris même pas la peine de sonner et entrai en poussant vivement la porte. Par chance, elle n’était pas verrouillée.

— Dory ?! Vous êtes là ?!

Pas de réponse. J’avançai jusqu’à la cuisine. Personne. D’un pas tout aussi pressé, je déboulai dans le living room et aperçu la tignasse désordonnée de la vieille dame qui dépassait du canapé.

— Dory ! Réveillez-vous ! On a un problème !

Je fis le tour du divan et m’arrêtai, bouche bée.

— Madame Peterson… soupirai-je. Merde.

La vieille dame était étendue sur son canapé, immobile, les yeux encore ouverts. Je m’approchai d’elle et posai deux doigts sur sa carotide. Pas de pouls. Il était peu probable qu’elle soit simplement endormie, de toute façon. Paupières ouvertes, bouche tombante. Elle était raide morte. Je culpabilisais de ne pas lui avoir apporté ses médicaments. Elle avait sûrement fait un arrêt cardiaque, faute d’avoir pris son traitement. Moi qui croyais ne pas pouvoir merder davantage ce soir, je m’étais fourvoyé. Les bourdes s’enchainaient, comme si je subissais un karma de merde. Et j’avais maintenant un mort sur la conscience. Je me sentais merdique. Je détruisais tout ce que je touchais. Olivia était bien mieux avec Mohan.

J’aurais voulu prendre le temps de faire ce qu’il fallait pour Madame Peterson, prévenir quelqu’un pour signaler son décès et emporter son corps. Mais je n’avais pas le temps pour ça. A contrecœur, je devais me résoudre à l’abandonner là.

Sa dernière tasse de thé était renversée sur la moquette. Elle avait entrainé un napperon dans sa chute. Je me baissai pour les ramasser et pris la peine de tout reposer sur la table basse, proprement. Délicatement, je fis glisser ses paupières, pour donner à son corps un aspect plus décent.

— Désolé, Dory…

Elle allait me manquer, la vieille bique.

Pas le temps de lambiner ! Je fis le tour de la table de la salle à manger et ouvrit le placard du bas du vaisselier. Je restai accroupi devant, quelques secondes, et me mis à paniquer. La brique n’était plus là. Je sortis toutes les babioles et les paperasses entassées dans le placard, vidant les étagères, affolé. Mais rien. Est-ce qu’Ozzie était déjà passé ? Est-ce que la vieille l’avait planquée ailleurs ? Je sentais mon cœur tambouriner méchamment dans ma poitrine. Je paniquais.

Voilà bien dix minutes que je ratissais les lieux au peigne fin, retournant tout l’appartement. Rien sous le lit, rien dans l’armoire. Je perdais du temps inutilement, la dope n’était plus là. Les mains agrippées à mes cheveux, je grognai de rage. Je devais trouver une solution. Si toutefois j’avais pu mettre la main sur cette brique, il m’en aurait manqué une quand même, après avoir récupéré la dernière auprès de Tony. Nul doute que les deux gangsters ne se contenteraient pas de la moitié, ni même des deux tiers de leur butin. Je devais improviser de faux paquets.

Les mains tremblantes, en proie à une trouille pétrifiante, je fouillai dans les placards de la cuisine. J’en sortis du film étirable, du ruban adhésif et de la farine. Par chance, Madame Peterson avait chez elle, de quoi faire des crêpes pour tout le quartier. Je bricolais avec maladresse, deux briques de farine, faute de mieux. Je priais déjà pour que les trafiquants ne goûtent pas un échantillon de la fausse drogue avant de quitter la ville.

Ni une ni deux, je planquai les paquets dans mon pantalon, mon t-shirt par-dessus pour les couvrir, et jetai un dernier coup d’œil à la vieille dame.

— On s’recroisera en enfer, Madame Pet… J’veux dire, Dory.
            
                                                                                         *   

J’avais mis moins de dix minutes pour arriver à la Cabane. J’avais galopé comme une gazelle poursuivie par un lion ! Je poussai la porte du pub, violemment, et m’avançai aussitôt au milieu de la salle, à la recherche de Tony. Merde. Il n’était plus là. Et je n’avais pas son numéro, lui seul avait le mien.

— Hé, Harlem ! gueula Walter, depuis le comptoir. Ces messieurs voudraient te parler !

Je me tournai vers lui, encore essoufflé et me figeai. Trois hommes en uniforme.

— Bordel de merde… soufflai-je en observant les policiers qui s’approchaient de moi.

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O. DeJavel
1 année il y a

Nous sommes sur les conséquences du tournant qui a eu lieu aux chapitres 20 et 21.

Le 20 a créé un état émotionnel sur lequel nous sommes encore et le 21 nous a apporté une menace bien réelle, une menace qui est tombée pile en créant un sentiment d’urgence et un top chrono "au mauvais moment" (émotionnel). Il est donc crédible que Harlem réagisse à ce « plot twist » en improvisant une solution, en réagissant avec ses tripes. Il est blessé dans son cœur, dans son âme, mais il ne trahit pas ceux qu’il aime, ce qui le rend encore plus sympathique. Il est quelqu’un que, comme lecteur, nous avons envie "d’habiter".

Et puis il y’a cette chute : les policiers.

Là, ça replace les choses. Ça re cadre une réalité, elle aussi, très crédible. Et surtout, cela va causer un temps d’arrêt, replacer le pacing de l’action qui avait monté en tension et qui a culminé aux chapitres 20 et 21.

Mais cet arrêt de l’action se fait sur un palier, sur une rencontre de la force antagoniste dont Harlem ne veut pas. Et comme nous habitons maintenant la tête et le cœur d’Harlem, nous faisons issshhhhh ! …avec lui.

C’est trop bon !

O. DeJavel
1 année il y a

Petit commentaire opérationnel :

Ce qui serait bien c’est que tu crée une « Rubrique » qui s’appellerait "La cabane" ou "Les crapules".

Une fois que la rubrique est créée, tu revisites chacun de tes 22 chapitres et tu choisis en bas complètement l’item "Intégrer à une rubrique existante".

Ensuite, tu cliques "Mes rubriques" et Boum ! Tu y retrouves tous tes chapitres mis ensembles comme dans une bibliothèque.

Ce qu’il y’a de bien, c’est que nous aussi, les lecteurs, nous pouvons visiter ta rubrique. Ce sera utile quand ceux que je vais appeler viendront pour lire ton récit.

Là, maintenant, ils sont en vacances. Mais quand ils reviendront, si tu n’as pas regroupé tes textes, ils seront introuvables, perdus dans les kilomètres du texte principal. Tu vois ?

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