Les Crapules de la Cabane – Chapitre 26

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                                            Chapitre 26 : Adieu

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Surpris, j’observai alors la plaie pour la première fois et réalisai que la balle avait seulement éraflé ma peau. Profondément éraflé, mais la blessure restait superficielle. Si j’avais appuyé dessus dés le départ, je n’aurais pas saigné autant. D’ailleurs, l’hémorragie s’était arrêtée.

— Ben merde… J’me sentais vraiment partir, pourtant, affirmai-je. Si j’suis pas à l’agonie, pourquoi j’me sens aussi faiblard, hein ?!

— Probablement parce que t’as passé la nuit dans le froid, trempé jusqu’aux os, abruti… me répondit Mohan. Si vraiment tu dois crever ce soir, ce sera d’une pneumonie, pas de ton égratignure !

Je grimaçai, vexé de l’entendre parler de ma blessure comme d’une simple égratignure. C’était très douloureux, malgré tout. Et j’aurais apprécié un peu de compassion. Soit. Je m’en passerais. J’avais déjà de la chance que mes amis m’aient pardonné pour toute cette pagaille et les paroles blessantes que je leur avais crachées au visage.

— Au fait, comment vous m’avez retrouvé ?

— Fred t’a cherché toute la journée pour te casser la gueule. Mais quand il a vu que t’étais pourchassé par les deux connards, il est venu nous trouver.

— Fred ? Sérieux ? m’étonnai-je. Il est pas si méchant, le neuneu.

— Il est pas neuneu, je te l’ai déjà dit ! s’énerva Mohan.

— Oui, ça va, je sais, excuse-moi. J’voulais dire le muet.

— Mais… soupir-t-il. Il est pas muet non plus, bordel !

— Mais, comment vous saviez que j’étais planqué ici ?

— On a deviné ! Parce que les vrais potes, ça sent ce genre de truc ! affirma Taz, tout fier, en tapotant le bout de son nez avec son index.

— Ouais, si on veut, rectifia Angus. En vrai, on a d’abord été voir chez toi, puis à la Cabane, à l’épicerie, chez moi, chez Mohan, chez Taz… Et puis on a pensé à cette cave en tout dernier, parce qu’il y avait vraiment plus que là qu’on n’avait pas regardé.

J’éclatai de rire quand Taz haussa les épaules d’un air désolé. Notre intuition n’était pas très efficace, mais on restait tout de même de vrais potes, comme des frères, unis dans l’adversité, quoi qu’il arrive. À la vie, à la mort. Rien ne pouvait changer ça, pas même une histoire de nana.

— Bon, on s’casse d’ici ? J’me les gèle ! J’vais vraiment finir par crever, j’vous jure !

                                                                                 *  

C’était une belle journée. Une belle journée pour mourir. Sous un doux soleil de printemps, dans une légère brise au parfum floral, ils étaient tous là, réunis autour du cercueil qu’on s’apprêtait à mettre en terre. Ils avaient même fait un effort vestimentaire, pour l’occasion. Mes amis s’étaient vêtus de costumes sombres, et Olivia d’une robe noire toute simple, mais très élégante. La veste d’Angus était mitée par endroits, et Taz avait gardé ses horribles baskets jaunes. Mais ce n’était pas très important. C’est l’intention qui comptait. La mine basse, émus, tous gardèrent le silence pendant que le prêtre récitait l’éloge funèbre. C’était beau, et triste à la fois. Taz regardait ses pieds, cherchant à masquer son émoi. Angus hochait légèrement la tête, comme pour confirmer les jolies paroles du prêtre. Et Mohan serrait Olivia contre lui, un bras autour de ses épaules, tandis qu’elle versait une larme. Alors que l’émotion venait d’atteindre son paroxysme, le discours de l’homme d’Église fut interrompu par un violent éternuement. Non, pas un, mais trois. D’affilée. Et quelques reniflements de gorge, un brin écœurants. Mohan secoua la tête, Angus soupira et Taz pouffa de rire.

— Quoi ? Désolé, je sors tout juste d’une sale pneumonie ! m’excusai-je maladroitement, attirant tous les regards vers moi.

— Un peu de respect pour les funérailles de Madame Peterson, je vous prie, me sermonna le prêtre.

Embarrassé, je me tus et l’aumônier reprit son éloge. Je parvins à ne plus éternuer jusqu’à ce que la tombe ne soit refermée. La foule endeuillée se dispersa, et je m’éloignai, clope au bec, en compagnie du reste de la bande. On était à nouveau soudé, comme avant, même plus qu’avant. Malgré toutes les emmerdes que nous avions vécues ce jour-là, nous avions réussi à en ressortir plus forts, plus solidaires. On s’en sortait pas si mal. Mohan et Olivia fermaient la marche. Seul détail auquel j’allais devoir m’habituer. On avait un couple dans la bande, un vrai couple, amoureux et tout. Mais ils étaient mignons ensemble, et je les aimais. Alors je m’y ferais.

— T’es soulagé ?

Taz surgit derrière moi et me fit sursauter. Certaines choses n’étaient pas près de changer. Avec sa manie de débarquer comme un ninja, tôt ou tard, je ferais une crise cardiaque ! Et c’est moi qui finirais dans le cercueil !

— De quoi ? demandai-je en essayant de retrouver une respiration normale.

— Ben, de savoir que c’est pas de ta faute si Dory est morte.

— M’en parle pas, j’ai culpabilisé à mort de pas lui avoir apporté ses médocs.

— Tu m’étonnes. Qui aurait cru que son neveu était zinzin au point de la buter ! Tout ça pour de la coke, en plus. Juste pour pas avoir à partager les profits avec sa vieille tante. C’est vraiment triste.

— Ouais, je suis bien d’accord. J’ai hâte que les flics le retrouvent, je suis pas tranquille de savoir que ce mec traine peut-être encore dans le coin, m’inquiétai-je.

— Surtout que ça nous en fait deux, de malades mentaux dans la nature. Ils ont toujours pas mis la main sur Tony non plus. Avec un peu de chance, il s’est tiré loin d’ici.

Deux psychopathes rôdaient encore, et Dory était morte. Mais le bilan du foutoir qui avait agité notre petite ville, par ma faute, aurait pu être beaucoup plus lourd. Tout compte fait, ça se terminait bien. J’avais survécu à une légère blessure par balle, mes amis s’en étaient sortis indemnes, et personne n’était allé en prison. On était loin du but qu’on s’était fixé, mais je m’en contentais volontiers.

— Bon, alors ! m’exclamai-je en me tournant vers mes amis qui marchaient derrière moi. On va s’en jeter un à la Cabane ? En l’honneur de la vieille bique ?

J’avais crié si fort que le prêtre m’avait entendu. Il me jugea en un seul regard et partit en levant les yeux au ciel, serrant sa bible contre son cœur. Tous se pincèrent les lèvres pour s’empêcher de rire. Taz sortit les clés de sa bagnole pourrie de sa poche, prêt à embarquer toutes les Crapules jusqu’à la Cabane. Alors que je m’apprêtai à monter côté passager, je m’arrêtai un instant pour épier avec amusement, la conversation de deux dames âgées qui quittaient, elles aussi, le cimetière.

— Tu as entendu parler de cette histoire délirante ? demanda la première à son amie.

— Quoi donc ?

— Il paraîtrait que la police a trouvé une grosse quantité de drogues dans une poubelle !

— Tu plaisantes ?

— Non, je t’assure ! Et tu sais, le plus étrange là-dedans ? Ce n’était même pas de la drogue. Ils l’ont fait analyser et en réalité, ce n’était que de la farine. Emballée comme de la cocaïne. Bizarre, n’est-ce pas ?

La deuxième secoua la tête, d’un air dépité.

— Il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette ville…

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DeJavel O.
2 années il y a

Et voilà ! Nos crapules terminent leur aventure comme ils ont vécus leurs vies, en allant prendre un pot à la Cabane.

Un récit qui nous a fait découvrir ton talent pour nous émouvoir.

Le thème de l’amitié y est traité de fort belle façon.

On dit souvent que lorsque le protagoniste obtient ce qu’il désire, c’est un drame, alors que quand il obtient ce dont il a vraiment besoin, c’est une fin heureuse.

Harlem désirait être riche pour impressionner Olivia, ça n’aurait évidemment pas fonctionné. La très réussie construction du personnage Olivia nous le montre avec éloquence.

Le réel besoin de Harlem était de se sentir entouré par ses amis. En faisant ce sacrifice, celui d’affronter les gangsters pour les protéger, il s’est mis en danger, ce qui l’a emmené dans une situation d’effroi, une situation où il a contemplé sa propre mort.

Ce moment de vie lui a permis de remettre les choses en perspective. Il a grandi, il est plus serein. Il connaît maintenant la valeur de ses amitiés.

Il demeure toujours un paumé, bien entendu ! Mdr
(mais il est maintenant un être humain auquel nous pouvons si bien nous identifier)

Bravo Shi Loh – Ton récit est pour moi un des bons moments de lecture sur ce site, car nous sommes tous des apprentis, et ton texte demeure pour moi un modèle à suivre, particulièrement pour la création d’un personnage attachant.

O. de Javel.
(Appelez-moi O.) mdr

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