Le monde vu d’en haut. Ce long voyage dont l’issu est le monde vu d’en haut. Je peux m’en rappeler comme si c’était hier. Ce grand arbre au fond du jardin, derrière la balançoire, là où l’ombre des branches se fait si sombre qu’elle en est presque terrifiante. Là où les odeurs du compost s’emparent de l’air, où les vieilles épluchures de légumes morts s’entassent sur la terre, qui de part son emplacement ombragé ne cesse d’être boueuse et humide. J’avais un peu peur de cet endroit toujours froid et inconnu au soleil. Le grand arbre au fond du jardin en était le maitre, le roi de la pénombre et de la peur infantile. Malgré tout cela, ou peut être même grâce à tout cela, cet endroit m’attirait énormément, il avait quelque chose de mystérieux, de secret. J’y allais assez souvent, mais n’osais pas y rester longtemps, par peur de ce qui pouvait se trouver sous cette montagne de compost, cet endroit invisible au reste du jardin. Un jour que je m’y aventurais, je levais les yeux au ciel. Il n’y avait pas de ciel, mais une infinité de branches et de feuilles menaçantes qui me regardaient avec leurs grands yeux verts. Une envie folle de grimper sur l’arbre s’était emparée de moi. La branche qui se trouvait à la hauteur de mon bras semblait crier mon nom. Et si elle l’avait vraiment fait, cela ne m’aurait même pas étonnée tant l’endroit était magiquement ténébreux. De part mon bas age, je ne réfléchissais pas longtemps: un instant après je me trouvais déjà perchée à un mètre du sol. Soit à une hauteur vertigineuse pour mon petit corps d’enfant. Mais les odeurs de compost et l’obscurité ombrageuse persistaient et perturbaient mes sens. Je levais la tête mais le ciel n’était toujours pas là. Le monde n’avait pas vraiment changé. Alors, je continuais de grimper. Aveugle à ce qui m’entourais je ne faisais attention qu’aux branches que j’agrippais et à l’appui sur lequel mes pieds reposaient. Je ne ressentais ni le vertige, ni l’envie de m’arrêter ou de descendre. Après quelques minutes, mon bras qui s’étendait pour chercher de quoi se tenir, ne trouvait que le vide. Un courant d’air faisait voler mes cheveux. Je levais la tête. J’étais à la cime de l’arbre. Au dessus il y avait le ciel: vaste, lumineux, bleu. Au dessous il y avait l’arbre qui ne semblait plus du tout menaçant. Et devant moi, je voyais tout mon jardin. Il y avait ma mère, minuscule, qui arrosait des plantes encore plus minuscules. Un peu plus loin il y avait mon père qui dormait dans le hamac et mes frères qui jouaient au ballon. Tous les trois semblaient si petits, comme des fourmis. Les pâquerettes qui parsemaient le jardin ressemblaient à des points blancs, presque invisibles. Si je tournais la tête, je pouvais voir toute la ville. Tous les toits, tous les jardins. Je me sentais si grande, si puissante. Et ce que je voyais étais infiniment grand et infiniment petit à la fois, et si insignifiant. J’aurai pu rester perchée la haut une éternité.
Voyage
3 mins
Parfois, quand je vais dans mon jardin, je revois cet arbre. Il n’a pas changé, ni bougé. Et pourtant, il est si différent, il n’est plus terrifiant, ou infiniment grand. L’endroit au fond du jardin derrière les balançoire n’est plus qu’un simple compost à l’ombre d’un arbre des plus normaux. Rien n’a changé et pourtant tout a changé. Mais parfois, je me promène dans mes souvenirs et je retrouve cette sensation, et je retrouve ce grand voyage que j’avais fais à l’époque de mes dents de lait et des soupes faites à base de terre et de cailloux. Je me promène dans mes souvenirs, et je réalise qu’aucun voyage ne m’a jamais autant marquée. Cette aventure sur cet arbre, reflet d’un courage nouveau et d’une vision nouvelle de ce monde que je n’avais jamais vu d’aussi haut. Cette aventure qui fut mère de découvertes sur mes sensations, mes impressions. Fruit du sourire d’un visage radieux, qui descendant de l’arbre court raconter ses exploits à l’univers tout entier. Le genre de visage… Le genre de visage qui n’appartient qu’aux plus grands aventuriers et aux enfantsgrimpeurs d’arbre.
Avec vous, j’ai voyagé. Avec vous, je suis redevenu enfant. Avec vous, j’ai retrouvé mon arbre. Merci.