Le Dernier Brûleur d’Étoiles – La Voix du Mirage, chapitre 14

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Quelques révélations dans ce chapitre… Bonne lecture !

Jamais je n’appréciai autant un bain. Je restai longtemps dans l’eau chaude, que je renouvelais régulièrement, et pour la première fois depuis mon départ de l’orphelinat, je me sentis bien. J’oubliai Galahad, j’oubliai mes soucis, je ne pensai à rien. Lorsque la fatigue menaça de m’emporter pour de bon, je me séchai, et me glissai dans le grand lit de la chambre. Et, bien qu’il fît grand jour dehors, je m’endormis aussitôt.

Des coups frappés à ma porte me réveillèrent. Alors que j’émer­geais à peine, Galahad entra dans la chambre.

– Le dîner va être servi et Yuma aimerait que tu y prennes part, m’informa-t-il.

– O.K., j’arrive, répondis-je en bâillant.

J’attendis que Galahad sorte, mais il ne bougea pas.

– Il faudrait peut-être que je m’habille, lui lançai-je. Je ne vais pas descendre comme ça. Remarquez, ça pourrait faire sensation.

Au moment où je finissais ma phrase, je pris conscience de deux choses : la première, que Galahad semblait décidé à m’attendre ; la seconde, qu’il n’avait aucun humour. Le regard froid qu’il me jeta m’arracha un soupir de lassitude. Je repoussai ma couverture et en­filai les vêtements qui avaient été préparés à mon intention. Ils res­semblaient à ceux de Galahad.

– Gwenvael, me demanda soudain celui-ci, d’où viennent ces bleus que tu as sur le corps ?

– Je vous ai déjà répondu, rétorquai-je.

– Je voulais être certain que tu n’aies pas changé de version.

Une fois encore, il avait parlé très calmement, mais le gris péné­trant de ses yeux qui me fixaient me faisait clairement comprendre que mes mensonges lui déplaisaient. Je choisis de ne pas répondre.

– Je suis prêt, dis-je simplement.

Le repas fut beaucoup moins impressionnant et formel que ce à quoi je m’étais attendu. Nous n’étions que cinq à table : le prince Yuma, Galahad, deux hommes qui devaient être des nobles, et moi. Yuma me posa deux ou trois questions, auxquelles je répondis sans donner de détails. Les réponses furent les seules phrases que je pro­nonçai ce soir. Yuma, après m’avoir demandé mon nom et mon âge, se désintéressa de moi, tout comme les trois autres, et ils discutèrent de tout et de rien comme si je n’avais pas été là. Je pensais qu’ils parleraient d’éléments importants qui au­raient pu expliquer mon arrivée à Jawahar, mais ils se contentèrent d’évoquer des évènements sans intérêt survenus dans la cité ou aux alentours.

Après le dîner, Galahad m’ordonna de monter me coucher. Je lui obéis de mauvaise grâce, mais, comme il n’avait en moi qu’une confiance limitée, il m’accompagna jusqu’à la porte de ma chambre. Cependant, dès qu’il se fut éloigné, je décidai de le suivre. Comme je m’en étais douté, il ne regagna pas directement sa chambre. Il se dirigea dans un minuscule salon au fond d’un long couloir où l’at­tendait le prince. Il ferma la porte et, prudemment, je jetai un coup d’œil dans la pièce à côté de laquelle se trouvaient les deux hommes. À première vue, il s’agissait d’un débarras où s’entassaient de vieux objets, cadres et statues, et je m’y engouffrai, prenant soin de ne faire aucun bruit.

De ma cachette, j’entendais assez distinctement les voix de Yuma et Galahad, et je retenais mon souffle, certain qu’ils n’étaient pas descendus dans ce salon par hasard, alors qu’ils auraient pu profiter d’appartements plus luxueux à l’étage.

– Es-tu sûr que personne ne peut nous entendre ? demanda Galahad.

– Absolument, répondit Yuma. Je pense avoir pris suffisamment de précautions.

– Très bien. Il est important que nous soyons seuls. Par les temps qui courent, j’avoue avoir tendance à voir des traîtres et des espions un peu partout.

– Nous sommes pourtant éloignés des Terres Maudites. Gurwan ne peut tout de même pas avoir étendu son emprise jusque chez nous…

– Détrompe-toi. Il ne faut pas le sous-estimer. Je suis pratique­ment certain qu’il a des alliés partout, même ici, dans les Wildlands.

– Il est vrai que j’ai entendu quelques rumeurs. Ainsi, des voya­geurs disent avoir aperçu des Arzuhls rôder aux abords de Syma. Mais ce ne sont que des rumeurs…

Galahad soupira.

– Effectivement, nous avons été attaqués par un groupe d’Arzuhls il y a quelques jours.

Je regrettai de ne pouvoir observer les réactions des deux hommes, mais je me doutais que Yuma devait être stupéfait.

– Je… je l’ignorais, bafouilla-t-il d’une voix qui trahissait sa peur. Comment est-ce possible ? Ils se déplacent rarement si loin de leurs terres, et… et pourquoi l’auraient-ils fait ?

– Je l’ignore, répondit Galahad. Mais je pense que tout est lié au retour de Gwenvael.

Je retins de justesse une exclamation de surprise, et tendis en­core plus l’oreille.

– Oui, parce que vous croyez que c’est l’Orenda… Mais comment pouvez-vous en être si sûr ?

– Je l’ai trouvé au milieu de Syma, à un endroit où les voyageurs avertis évitent de s’aventurer seuls. Il ne fait partie d’aucune tribu de la forêt, et je pense que seul un Passage a pu l’amener à se re­trouver là. Tu as vu toi-même ses vêtements. Il a séjourné dans l’autre univers, ça ne fait aucun doute.

– Peut-être, admit Yuma, mais n’est-ce pas seulement un hu­main ordinaire d’Eden qui a pu passer par hasard dans Jawahar ?

– Non.

La réponse de Galahad était définitive, et Yuma sembla le com­prendre comme moi.

– Alors, reprit le prince, si ce jeune homme est bien un habitant de Jawahar, qu’est-ce qui vous fait croire que c’est l’Orenda en per­sonne ? Ne croyez pas que je doute de ce que vous avancez, ajouta-t-il précipitamment, j’essaie seulement de comprendre…

Le ton sceptique du prince démentait ses propos. Il n’était pas du tout convaincu par ce qu’il venait d’entendre.

– Et si tu me parlais un peu de ce que tu sais, toi ? répondit calme­ment Galahad. Tu dois bien être au courant de ce qui se passe dans les Wildlands. Nous pourrions peut-être trouver quelques explications…

– Oui, vous avez raison. J’ai appris des nouvelles… boulever­santes.

Sa voix tremblait.

– Vous vous souvenez du jeune garçon que Gurwan avait captu­ré, il y a six étés de cela ?

– Celui qu’il a torturé pendant des lunes ?

– Oui. Eh bien, il s’est échappé.

Un silence accueillit ces paroles, et j’aurais donné cher pour voir la réaction de Galahad. Cependant, la phrase que prononça le prince contredit ce que je pensais.

– Vous ne semblez pas surpris, s’étonna Yuma.

– En effet, cela ne me surprend pas, répondit Galahad. Car c’est ce jeune homme que Weids a envoyé dans les mondes d’Eden. Son corps véritable est bel et bien resté à Jawahar dans les cellules de Gurwan, mais son esprit n’était plus là. Et cela correspondrait à ce que je pense, à savoir que ce jeune homme n’est autre que Gwenvael. Le Passage lui aura permis de réunir ses deux corps en un seul, loin des cellules de Gurwan.

– Seigneur Galahad, sans vouloir vous offenser, comment pouvez-vous être si sûr de vous ?

– Parce que j’ai vu le corps de Gwenvael. Il est couvert d’héma­tomes, de contusions, de marques de torture. Il m’a dit qu’il s’était blessé lorsqu’il était au cœur de Syma, mais il ne m’a pas trompé. Ses blessures n’ont pas pu être causées par des armes, ni même des instruments barbares dont raffolent les serviteurs de Gurwan. Elles ont été faites par l’utilisation du Pouvoir Ultime. Je l’ai vu, Yuma. Je sais distinguer les marques de tortures prolongées des simples blessures d’un voyageur. Il a souffert, crois-moi, et s’il est encore en vie, c’est uniquement parce que son âme était loin quand il a été torturé.

– Pourquoi vous a-t-il menti ? Se méfie-t-il de vous ?

– Je ne pense pas. Je crois qu’il ne com­prend pas lui-même com­ment il a pu se blesser. Il était complète­ment perdu lorsque je l’ai récupéré au village de Kellian.

– Il s’est retrouvé entre les mains de Kellian ? Pauvre gamin, cet imbécile a dû s’amuser à ses dépens et lui faire subir des expé­riences désagréables.

– Oui, il est vrai que Kellian est un idiot. Enfin, tant qu’il arrive à tenir les barbares que sont ses hommes… Les voyageurs avertis savent qu’il ne fait pas bon s’aventurer dans cette partie de Syma. Quant à Gwenvael, il n’a malheureusement pas choisi le lieu de son retour. Toujours est-il que Kellian lui a fait com­battre deux de ses hommes, et il s’en est plutôt mal sorti. D’ailleurs, Kellian est certain que Gwenvael ne peut pas être l’Orenda. Il pense qu’il n’est pas as­sez fort.

– D’après ce que vous m’avez raconté cet après-midi, c’est égale­ment votre opinion, non ? Il ne sait pas se battre et n’est même pas capable de chasser.

– Pas exactement. Pour l’instant, il a peur et il est perdu, mais ça ne nous donne pas le droit de le juger. Je pense qu’il lui manque une partie de lui-même. Certains signes ne trompent pas.

Yuma laissa passer un moment avant de répondre :

– Alors pour vous…

Il s’arrêta, et j’imaginais facilement qu’il était incrédule.

– Oui, répondit Galahad. En dépit des apparences, ce jeune homme que je t’ai ramené est bel et bien un Brûleur d’Étoiles.


La suite des révélations mardi prochain !

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