PROLOGUE

4 mins

BRETT

Comme chaque soir depuis le début de la semaine, je prends mon service à 21 h. Je suis officier de police depuis quelques années et j’aimerais intégrer l’ESU (Emergency Service Unit), le SWAT de New-York prochainement. La nuit s’annonce calme, lorsqu’elle fait son entrée. Debout, face au comptoir de l’accueil, une jeune femme d’une vingtaine d’années, se tient là. Ses cheveux mouillés par la pluie battante lui mangent une partie du visage, mais rien ne peut cacher qu’il est tuméfié. Ses lèvres fines sont fendues, rougies par la plaie. Son nez est cassé, quelques gouttes de sang qu’elle a dû nettoyer sont encore visibles. Elle tremble. Une veste de survêtement d’homme sur ses épaules, lui donne l’impression qu’elle se noie dans cet amas de tissus. Les mains ensanglantées, elle dépose délicatement un couteau sur le bord du comptoir, comme s’il était fait de porcelaine. D’une voix tremblante, ses yeux verts fixant l’arme : 

— Bonsoir, je m’appelle Billy Wilder… et … je… viens de… commettre un meurtre. 

Tout s’enchaine très vite. Ladite meurtrière est conduite en salle d’interrogatoire. Vu son état physique et ses mains, tout le poste se retourne sur son passage.  Après plusieurs minutes, laisser seule pour l’observer, je rejoins Billy. Elle fait les cent pas, la peur ayant pris possession de tout son corps.  Une fois la porte refermée derrière moi, je l’invite à s’asseoir. Elle refuse par un signe de tête.  Je m’installe donc face à elle, qui s’appuie dos au mur, les bras autour du corps, elle me demande d’une toute petite voix : 

— Est-ce que je l’ai vraiment tué ?

— Non Mlle Wilder. Votre compagnon a été emmené aux urgences. Des contusions, des griffures, mais surtout une plaie à l’abdomen. Il est vivant. Et son pronostic vital n’est pas engagé.  Que s’est-il passé ? 

Instantanément ses bras se relâchent le long de ses hanches et ses épaules s’affaissent. Un long souffle de soulagement se fait entendre, Billy finit par s’assoir.  Son corps ne la porte plus, comme épuiser. 

Restant muette et pensive, la peur l’avait dominée. La potentielle crainte d’avoir commis un acte irréparable. En quelques minutes, elle sembla se briser petit à petit. Je lui reposai la même question. 

La voix paniquée, elle me tendit ses poignets fins, recouverts d’ecchymoses.  

 — Je ne peux pas rester là ! … il faut que… que… Allez-y, passez-moi les menottes et condamnez-moi pour tentative de meurtre. 

— Je pourrais. Mais je ne comprends pas bien pourquoi vous préférez aller en prison plutôt que de m’expliquer ce qui s’est déroulé. 

Elle prend un temps, respire, puis expose les faits : 

— Il est rentré, quand il a commencé à s’excuser à m’assurer qu’il fallait que je puisse le comprendre aussi, que je ne suis pas du genre facile à vivre avec mon caractère, etc. Puis.

Elle marque une pause, prend une nouvelle respiration avant de balbutier :

— Il m’a posé une question et je ne sais pas… Pour une fois, j’ai, j’ai dit non ! Il est devenu fou, il m’a attrapée les cheveux et m’a trainée jusqu’au comptoir de la cuisine pour m’écraser le crâne dessus. Je hurlais stop, arrête ! Mais rien à faire, j’ai essayé de me défendre, j’ai essayé de lui donner quelques coups. Son emprise était trop forte. J’ai donc essayé de le raisonner, quand j’ai aperçu le couteau. Je l’ai pris. Il n’arrêtait pas de m’insulter, de hurler… Que j’étais une incapable, mais je n’entendais plus vraiment ce qu’il me disait. Je n’avais que sa question… que cette foutue question en tête… et si je revenais sur ma décision ? … C’était impossible ! Je refuse que ma vie soit ça. J’ai pris conscience qu’il fallait que je mette un terme à tout ça. Définitivement. Sachant que j’avais prononcé le mot interdit sur la mauvaise question. Il allait me tuer si je ne faisais rien.  C’était lui ou moi. Alors, j’ai pris le couteau et je l’ai poignardé. 

Elle revit la scène, comme si, elle y était encore. Son histoire est claire, empreint d’émotion. Je suis touché par son histoire. 

Après un long moment à l’écouter et à la questionner, la constatation est la suivante : Billy est sous l’emprise de son compagnon, depuis trois ans et la question qu’il lui a posée, fut un électrochoc. Elle reprend sa vie en mains. Elle ne veut plus subir les coups et sa colère. C’est le déclic. Cependant, elle est seule. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle préfère aller en prison. Une façon, sûrement de se protéger, de le fuir lui. D’être à l’abri. 

Billy me raconte comment cela a commencé, comment leurs histoires d’amour, car c’était ça au début avant d’en arriver là.  Elle est tombée sous son charme, c’était quelques mois avant le décès de ses parents. Ce “Bad-boy “prêt à tout pour réussir avait réussie à la séduire et finalement, il est devenu son seul repère durant trois ans. Mais à quel prix ? 

Cela me rappelle trop ce que ma sœur a vécu. J’étais trop jeune et impuissant à l’époque.  Mais là, je peux agir. À l’époque, je devais avoir douze ans. Ma sœur ainée avec dix ans de plus que moi.  Son compagnon était violent avec elle. Je me souviens d’un soir, chez elle, il s’est emporté et il l’a giflée devant moi. Je suis resté tétanisé. Bloqué par le choc de la violence et surtout les excuses qu’elle avait pu lui faire après. C’est elle qui prend le coup, mais qui s’excuse. J’étais allé la consoler comme je pouvais, et forcément, elle m’a fait promettre de ne rien dire à personne, notamment aux parents.  J’avais gardé le silence, comme elle me l’a demandé, cependant le dimanche suivant, elle n’est jamais venue. Je m’en suis toujours voulu de n’avoir rien dit. Cela a été de grandes discussions sans fin entre mon père et moi. Qui était le plus fautif de nous deux ? Lui pour n’avoir rien vu sur sa propre fille ou moi,  d’avoir gardé le silence ? C’est la première raison pour laquelle je suis rentré dans la police, protéger.

Je finis par la convaincre de porter plainte pour violence conjugale. Je ne peux pas la laisser, tant qu’elle n’est pas en sécurité.  N’ayant nulle part où aller, sans emploi et refusant d’être dans un foyer, je dois l’aider et cette fois-ci, je peux agir.  

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1 Commentaire
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bbbbbbb ccccccccccccc
bbbbbbb ccccccccccccc
2 années il y a

J’aime beaucoup l’intervention d’un narrateur inattendu dans ce contexte.
Même s’il a fallu que ça arrive à sa sœur pour s’impliquer. On devrait tous se sentir solidaire, mais on choisit ses causes comme les dons aux associations. Combien mourront encore?
On ne peut faire justice soi-même, c’est bien là le problème, un peu comme si on ajoutait des dérogations à la peine de mort.
La justice est aveugle par définition.

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