Pourquoi entamer un récit de voyage ? C’est une question première que je me dois de poser avant tout emportement littéraire.
Car comment pourrais-je décrire cet équateur, lui qui est si loin de nos lignes septentrionales, lui qui est si tropical, autant Cancer que Capricorne, lui qu’un vaste désert d’incompréhension nous suppose dans la séparation. Je ne peux que décrire l’instinctif et strict choc de multiples cultures.
Sûrement je ne pourrais écrire rien d’autre que ce qu’un œil occidental perçoit, et déjà son discernement s’achève trop près de ce qu’il est capable de comprendre. Mais la page est bien là, blanche, et s’étale. Alors je n’aurais que des images gribouillées de quelques mots cherchant justesse, et là encore ces mots seront empreints de mon occident, et ce faisant aucun d’eux ne sera placé justement, et rien de tout ce qui fait l’écriture ne sera juste. Tout ce que je décrirais ne sera toujours qu’un amoncellement d’émotions fautives.
Alors afin de faire au mieux, je ferais cela : j’écrirais, mais je n’écrirais que des fracas d’images, que des visions des jours et des nuits, que des scènes réelles où les délires des mots seront encore pervertis.
Je chercherais à me défaire du je et les empreintes de mes sandales ne paraîtront plus sur le sable de ces lignes. Du moins le je ne sera plus qu’un mouvement, une posture, une position dans l’espace, non plus une identité du jugement, un culte d’opinions. Il n’y aura que des effusions de lettres informes, des inflorescences écrites propres aux brousses et savanes des latitudes équatoriales, qui resteront encore et toujours les effervescences et les fourmillements d’un esprit que l’on a disposé face à la différence.
Il n’y aura de percutant que le parfum si singulier de la vapeur humide qui passe et les brillances des étoiles qui clament, mais voilées, depuis leur hémisphère central, des romances indéchiffrables.
Jolie plume, et l’appel du voyage me donne envie d’en savoir plus sur ces Lettres Gabonaises 🙂