La lettre

3 mins

Mes fils chéris,

Votre père vient de vous remettre une lettre. Il est assis là, devant vous, et moi, je ne suis pas là. Pourquoi ? Vous lui demandez, pourquoi ? Il ne vous répondra pas, vous devez la lire jusqu’au bout.

Comme vous le savez, mes chéris, il y a 18 mois maintenant, on m’a diagnostiqué la maladie de Charcot. Nous nous sommes réunis, nous avons pleuré, en avons parlé ensemble, en particulier de son évolution et de son issue.

Dès lors que les médecins ont posé leur diagnostic, je suis passée de la station debout à assise en fauteuil. Ces dernières semaines, mon état a empiré, je souffre chaque jour davantage de crampes dans les bras et les mains. Celles-ci vont bientôt s’arrêter de fonctionner aussi.

C’est pourquoi je profite du peu d’autonomie qu’il me reste pour vous écrire cette lettre. (Excusez-moi pour mon écriture tremblante, je fais de mon mieux.)

Vous avez fait connaissance avec Mylène, mon aide-soignante, qui vient pour ma toilette et tout ce que je ne suis plus capable de faire. Je commençais à être un fardeau pour votre père. (Oui, je sais.) Il ne se plaignait jamais, mais je voulais garder ma dignité. C’est pourquoi, il a fallu se résoudre à faire appel à elle.

Voici quelques petites explications de ma situation, qui je l’espère vous aideront à comprendre mon point de vue.

Mes fils chéris, vous vous demandez sans doute encore quel est l’objet de ma missive.

Je tiens tout d’abord à vous remercier pour tous les moments de joie et de bonheur que vous m’avez apportés dans ma vie, toi Benoît, mon premier enfant, l’enfant de l’amour comme on dit, avec ton caractère doux et charmeur et toi Maxime, le petit dernier, l’intrépide, le casse-cou.

Je ressens le besoin de vous exprimer ma gratitude et ma fierté de vous avoir mis au monde, élevés puis d’avoir fait entrer dans ma vie mes charmantes belles-filles, Vanessa et Angèle. Enfin, je suis la plus heureuse des grands-mères depuis que sont arrivés de merveilleux, petits-enfants : Léa, Baptiste et les jumeaux Théo et Lucas.

J’arrête là, je ne vais pas relater toute ma vie, ce serait trop long et mes douleurs me l’empêchent.

Mes fils chéris, en ce moment votre père doit commencer à se décomposer, je le vois là, assis face à vous, les yeux embués. Je vous demande, mes fils chéris, de le considérer comme le meilleur des pères et des maris, dont l’amour n’a eu de cesse toutes ces années et encore aujourd’hui. Il est là, devant vous, à attendre que vous ayez fini de lire cette lettre.

Voici donc l’objet de mon écrit ;

Mon état s’étant dégradé relativement vite, ces derniers temps, j’ai voulu, avant de ne plus pouvoir être capable d’écrire, monter un dossier d’aide au suicide assisté. Oui, je sais cette phrase est difficile à entendre, mais j’ai été entourée d’une équipe formidable de soutien qui m’a expliqué les différentes phases, les procédures, etc.

Non, ne posez pas de questions à votre père, pas maintenant, attendez la fin de mes explications.

Tout d’abord, je tiens à vous dire que c’est un choix entièrement libre et personnel, je l’ai fait en mon âme et conscience. Je vous demande de ne faire aucun reproche à votre père, il a tenté de m’en dissuader et après en avoir parlé ensemble pendant des jours et des nuits, j’ai décidé qu’il n’y avait pas d’autre issue pour moi. Je ne voulais pas devenir un fardeau pour lui, pour vous, pour toute la famille. Il a fini par accepter, pour moi.

J’ai donc monté un dossier, ensuite, j’ai été convoquée et examinée à plusieurs reprises par plusieurs experts, comme l’exige la procédure. C’est la raison pour laquelle, depuis quelques semaines, nous partions en Belgique votre père et moi. Bien sûr, il fallait que vous pensiez que c’était pour se changer les idées, s’aérer. Quoiqu’il en soit, ces visites me faisaient du bien et surtout me confortaient dans mon désir de pouvoir partir dignement. Oui, mes chéris, je veux pouvoir choisir le jour de mon départ.

Benoît, Maxime, nous y voilà ; Si je ne suis pas là aujourd’hui, cela voudra dire que j’ai effectué mon dernier voyage en compagnie de votre père, de mon mari chéri. Je ne suis plus de ce monde et je vous supplie de ne pas le blâmer, il voulait vous mettre au courant de nos intentions, mais je l’en ai dissuadé, pas question de vous voir souffrir, pleurer ou essayer de me faire changer d’avis, cela m’aurait fait trop de mal, trop de peine.

Je vous implore tous deux de ne lui faire aucun reproche mais de le serrer dans vos bras, il va avoir plus que jamais besoin de votre soutien, tout comme vous le sien vous sera nécessaire.

Mes Amours,

Toi mon merveilleux mari et vous mes fils chéris, ainsi s’achève ma lettre (à l’écriture de plus en plus tremblante, comme vous pouvez le constater) elle est en quelque sorte mon testament. Un testament d’amour.

Mes mots ne seront jamais assez forts pour exprimer tout l’amour que j’éprouve pour vous, alors je vous dis simplement : JE VOUS AIME. Je serai d’une manière ou d’une autre toujours à vos côtés, dans vos cœurs.

Maman 

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1 Commentaire
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Cora Line
1 année il y a

De votre plume à l’encre maternelle, vous mettez en chaque mot la plus belle déclaration d’amour d’un coeur qui offre ses derniers battements…

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