Du haut de ses 21 ans, Hélène Pitfall était une jeune et brillante journaliste. Mis à part quelques papiers qui lui avaient fait découvrir des personnalités singulières, elle menait une vie d’une banalité sans nom. Comme tous les jeudis, elle devait rendre son article à onze heures. Il était déjà 8 h et pas le début du moindre sujet. La situation semblait mal engagée. De plus en plus agacée par son manque total d’organisation, un désagréable sentiment de culpabilité commençait à se manifester. Avec la motivation d’un lézard sous un soleil de plomb, elle commença à rédiger :
« Je ne crois plus à la magie !
Je ne sais pas vous, mais ces derniers jours j’ai remarqué un grand nombre d’excentriques que l’oncle Vernon (d’Harry Potter) aurait pu croiser dans le premier tome de la saga. Voir en plein cœur de Londres des gens vêtus de capes et parlant à voix basse me fait réaliser que nous sommes sans nouvelles du plus célèbre des magiciens depuis quelques années maintenant.
Au début, la sensation de manque est épouvantable. Puis, le temps passe et un jour vous vous rendez compte que le monde a changé et que quelqu’un manque à l’appel.
Malgré toutes les raisons légitimes de notre trésor national : J.K Rowling, il me semble que son choix d’arrêter cette saga est douteux et contestable.
Comment peut-on abandonner sa famille et ses amis aussi longtemps ?
Comment Ron va-t-il ?
Que devient Hermione ?
Harry a-t-il été promu directeur de Poudlard ?
Pourquoi avons-nous tant de questions et si peu de réponse ?
Pour toutes ces raisons, et afin d’en avoir le cœur net. Ai-je décidé d’écrire une lettre ouverte à madame Rowling :
Madame,
Vous qui nous avez fait rêver plus que quiconque, avez-vous conscience d’avoir frustré toute une génération de lecteurs ?
Que vous arrive-t-il ?
Vous avez beau être une légende, peut-être n’êtes-vous plus à la hauteur de votre œuvre tout simplement.
Etes-vous en panne d’inspiration ou êtes-vous épuisée par le monde que vous avez créé ?
Comme vous le dites très justement dans la “chambre des secrets” : “Ce sont nos choix qui montrent ce que nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes”.
Que vous inspire votre propre citation ?
Nous espérons mériter mieux qu’un tweet de 140 caractères.
H.P.
»
Elle n’en revenait pas de ce qu’elle venait d’écrire. Tremblante, elle alla se servir un café corsé pour délaisser ce sentiment d’avoir fait quelque chose de mal. Sans raison, elle repensait à ce que son père lui avait dit un jour : « tu dois choisir un métier qui ne t’enlise pas dans une routine mortelle ». Il avait oublié de préciser qu’une passion ne payait pas toujours les factures.
Même si cet article lui faisait peur, c’était peut-être la chance qu’elle attendait depuis longtemps. La ligne éditoriale qu’elle devait suivre se résumait à ne jamais faire de vague. Or, avec une certaine appréhension, elle envoya son mail à l’assistant de rédaction. En à peine dix minutes, elle reçut un appel téléphonique. La matinée s’annonçait mal, c’était son rédacteur en chef.
– Bonjour Hélène, je viens de recevoir votre billet. Pardonnez ma curiosité, mais connaissez-vous personnellement J.K Rowling ? Car à vous lire, on sent que vous avez un compte à régler avec elle. Je me trompe ?
Malgré son style direct, elle l’appréciait sincèrement. Elle prit donc ce qu’il restait de son courage et risqua :
– Non, je ne la connais pas et oui vous avez raison, son attitude m’exaspère. Aussi ai-je pensé que nous pourrions, pour une fois, tenter quelque chose de différent. Au mieux, vous gagnez des tirages, au pire, vous me licenciez.
Après un long silence, William répondit :
– Doucement Hélène, je ne veux pas en arriver là, mais vous comprendrez que votre papier n’est pas approprié à votre rubrique « Loisirs et détentes ». Bon, je vais peut-être le regretter, mais je vous offre un petit encart à la une. En revanche, c’est vous qui assumerez les conséquences. Sommes-nous d’accord ?
– Oui
– Très bien, votre article paraîtra demain conclu-t-il.
Elle sentit alors son estomac se nouer. C’était la première fois qu’elle tenait tête à son employeur. Son lit n’étant pas loin, elle s’y jeta et cria de toutes ses forces. Les larmes vinrent assez vite et la tension accumulée commença à s’évacuer tout doucement.
La journée et la soirée furent digne du journal de Bridget Jones : Pop-corn, chamallow et comédies romantiques.
Vidée par tant d’émotions, elle sombra dans un sommeil sans rêves.
Le lendemain, tout Londres serait au courant.