Les Éternels 1/2

Selon les bouddhistes, la mort n’est pas une fin.

Après celle-ci, on se réincarne dans un autre être vivant. La plupart du temps, on ne s’en souvient pas ou seulement instinctivement. Il y a certaines personnes qui dérogent à la règle. Ces personnes qui se souviennent plus ou moins de leurs vies intérieures, deviennent à leur vie suivante des génies dans leur domaines. On appelle ces personnes, les Éternels. Ils ne se souviennent que rarement de toute leur vie et il oublie au bout de quelques morts leur vraie nature.

C’est une triste vérité. 

Entre les réincarnations, il peut se passer quelques semaines à plusieurs années. Chaque vie est unique à sa façon.

Moi, je suis le plus vieille Éternel de mémoire éveillée. J’ai souvenir de ce qu’on appelle maintenant le Crétacé, des premiers hominidés, de l’âge d’or des rives du Nil ou encore de cette pseudo découverte d’un nouveau continent. 

Lors de ma dernière vie, il y a eu une chose étrange.

J’étais une colombe, je suis née dans ce qui semblait être la capitale d’une ville européenne. Les tours hautes, qui portaient le nom pompeux de “grattes-ciel”. Le sol autre fois de bitume était meurtri de cratères se trouvant à intervalle irrégulière. 

Il n’y avait que du sang, des bruits d’armes futuristes (par rapport à la dernière dans laquelle j’avais vécu ou la dernière fois que j’en avait vu une…). Des êtres bipédiques recouverts de goudrons sillonnaient les rues. Il m’était impossible de savoir à quels espèces ils appartenaient, les vitres sombres qui devaient donner sur leur yeux étaient trop opaques. 

Dans cette vie, j’ai à peine atteint l’âge adulte, les poumons brulés dès la sortie de l’oeuf par des gaz divers sortant des entrailles de la terre. Dès que j’ai pu, j’ai volé, volé à la rechercher d’un repaire temporel. 

Les glaciers avaient disparu. Le golf Stream ne réchauffait plus l’est de l’Europe, la vie avait quasiment quitté les océans. Les humains se battaient pour un peu d’air ou de verdure. Voir que la vie avait perdu, me brisa le coeur, qui depuis tant de mort répété, avait fini par se murer dans l’indifférence. Dans cette vie, je n’ai vu que trois fois le soleil, en 1 an, seulement trois fois.

Entend qu’Éternel, je sais quand la Mort s’apprête à la porte. J’ai cherché des indications, des signes qui me diraient à quelle époque je me trouvais mais rien… Les forêts n’étaient que des vestiges noirs qui partaient en poussière à la première bourrasque un peu trop forte.

Mon périple n’a pas duré beaucoup plus longtemps, j’ai du arriver dans ce qui doit être le Nord de l’Europe. La mer avait envahi une grande partie des terres. C’est seul au milieu de terre désolé que je rendis cette dernière vie. Au moment où les prunelles de l’oiseau que j’étais, allaient se fermer, ce qui ressemblait à une page de calendrier qui volait portée par des bouffes d’air acide de ce lieu passant devant moi. Dessus, malgré les déchirures et l’encre à moitié effacés, on voyait marquer en gros

5 années, mois de Germinal.

Sans plus de réponse, je replonge une nouvelle fois dans le néant avant une nouvelle renaissance. Avec comme simple indice, une page de calendrier révolutionnaire…

Il faut que j’empêche cela ou que je l’arrête, quoi que cela en coûte. Je ne sais pas mais, il faut que cela change, avenir ou passé.