Chapitre 7 : Destinée

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La destinée est un fin fil de soie qui nous relie les uns aux autres. Ce fil nous tire ou nous retient à certaines personnes ou certains lieux sans que nous nous en rendions compte. Et parfois la destinée est aussi subtile qu’une charge de cavalerie au milieu d’une plaine par une belle journée ensoleillée.
-Auteur inconnu

* * *

Iad 41 de l’ère impériale, vingt-septième dan de Lonayo

Dernière borne kilometrost de la voie impériale Nord-Est avant Pavan, mille deux cent trente-cinquième depuis Ledan.

Ce qui restait de la caravane avançait bon gré mal gré en territoire elfe, Oronay et Steshin en tête de colonne. Le mage-guerrier grignotait un morceau de viande grillée. L’humeur générale semblait s’améliorer au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient de leur destination mais pas pour tout le monde.

-Tu fais une sale tête depuis l’attaque des autres sacs à purin il y a presque un monas.
-Depuis quand t’inquiètes-tu pour moi, Oronay ?

Steshin avait répondu avec le plus grand sérieux mais cela ne sembla pas toucher son interlocuteur.

-Tu m’as promis une armure.
-Oh, si c’est que ça… C’est seulement la fatigue. J’ai du mal à dormir.

Steshin avait répondu machinalement sans vraiment faire preuve de considération pour son interlocuteur.

-Si c’est pour la fille, tu devrais tourner la page. Elle nourrit les vers maintenant.
-Je sais ! Ce n’était pas la peine de me le rappeler ! J’ai fini mon deuil au moment où nous sommes repartis.
-Alors qu’est-ce qui t’empêche de fermer l’œil ? Ce n’est tout de même pas le grand méchant loup ! Si ?

Le varvarish termina cette phrase sur une pointe d’ironie qui n’amusa pas vraiment l’espion.

-Pas vraiment. C’est plutôt que cette escarmouche m’a rappelé des souvenirs que j’avais enfouis.
-Oh ! Des souvenirs du genre moche ? Je me demande bien ce qu’un type aux mains si douces peut avoir comme souvenirs si douloureux.

Cette fois-ci, le varvarish termina sa phrase avec une pointe de mépris ce qui décrocha un sourire en coin à Steshin.

-Le genre que tu ne peux imaginer. Tu n’as jamais vécu quelque chose de semblable.

Cette réponse instaura un lourd silence qui dura de longues minuto, de nombreuses et longues minuto. Les remparts de Pavan devinrent visibles de loin, ce qui réchauffa quelque peu l’atmosphère morose et excita tout le groupe.

-Et sinon, ce loup géant rôti ?
-Il m’a assommé par derrière en me tombant dessus. Maintenant je le mange. Plutôt pas mal.

Les deux ne purent s’empêcher d’en rire. Cette mésaventure avait eu au moins le mérite d’avoir apporté quelque chose de positif.

* * *

Après s’être installés dans une auberge, les deux compagnons de route décidèrent de profiter comme il se doit de la fête de Vima et de couler quelques dano tranquilles. Steshin partit se promener de son côté malgré la fatigue du voyage et se perdit rapidement dans les rues.

La ville toute entière était en ébullition afin que les deux dano de fête soient féeriques et enivrants. Des tables, bancs, étals, banderoles et cuisines improvisées étaient disposés de-ci de-là avec tout le nécessaire pour cuire de bien beaux bestiaux. Au programme des festivités, il y avait nourriture, boissons, spectacles et musiques à volonté. Par ailleurs, les troubadours s’entraînaient d’ores et déjà dans les rues, participant à leur manière aux préparatifs. Steshin entendit même au détour de quelques conversations écoutées avec indiscrétion que deux tournois martiaux se préparaient pour ouvrir les festivités, un pour les archers en herbe et un second pour les pugilistes de taverne. Pour finir, de nombreux étals proposeront des jeux, d’argent notamment, ou des activités plus artistiques et parfois même ésotériques.

C’est en se baladant parmi tous ces étals que Steshin arriva en plein cœur de la ville, sur la place Konoshuba. Au vu du soin apporté à la décoration du lieu, tout particulièrement de l’attention portée au grand chêne se tenant au milieu de la place, il était évident que c’est ici que le cœur des festivités battra son plein. Chez les elfes, il est de coutume de planter un arbre à la naissance d’un enfant. Cette tradition est d’autant plus respectée par la noblesse et les gens importants, comme peut l’attester ce chêne qui est celui planté en l’honneur de l’actuel roi ce que Steshin apprit lorsqu’il demanda à un badaud où il se situait. De plus, une légende veut que si l’enfant ou l’arbre meurt, l’autre le suivra dans la tombe peu après. Bien qu’il s’agisse davantage d’une histoire sans fondement, cette légende témoigne du lien que les elfes entretiennent avec la nature environnante.

Steshin s’était perdu en contemplation parmi tous ces préparatifs et ces elfes s’afférant telle une armée sur le pied de guerre. Son regard passa successivement des étals aux travailleurs, puis sur un troubadour s’essayant au lyrisme mais en chantant faux, ironique. Ensuite, il aperçut un oiseau au pied du troubadour que ce dernier effaroucha en frappant le sol du pied. L’animal décolla presque aussi sec et manqua d’esquinter le visage d’une jeune elfe passant par là, les bras chargés de sacs de toile. Le regard de Steshin fut capturé par ce visage enchanteur digne d’un conte. Cette elfe avait un visage particulièrement féminin, digne d’une déesse même, peut-être Lodura. Elle avait des traits fins, même pour une elfe, des yeux clairs et un sourire plein de charme et d’assurance. Le bas n’était pas en reste, le buste et les hanches étaient élégamment dessinés d’après ce que sa robe laissait voir. Ses séduisantes formes rappelaient celles tout en douceur et en courbes d’un sablier. Elle avait tout de la jeune citadine mais la façon dont elle portait ses sacs trahissait le fait qu’elle avait l’habitude des tâches physiques sans que cela ne porte atteinte à sa grâce.

Steshin était hypnotisé par cette jeune elfe et il la suivie à pas lent sans même s’en rendre compte. Il esquivait mécaniquement les gens, il ne voulait la perdre de vue sous aucun prétexte. L’air était comme compressé, le temps ralentissait à l’extrême au point de se figer. Il se sentit comme dans une bulle…

-Hé toi !

…Qui éclata. Sans crier gare. Le retour à la réalité fut assez rude pour lui qui était subitement désorienté.

-Tu viens pour aider aux préparatifs ?

Steshin s’était fait alpaguer par un elfe un peu rustre et celle qu’il suivait déposait ses sacs avant d’entamer une discussion avec une autre personne.

-Hum… Oui.

Steshin, pris de court par la situation, parvint à bredouiller cette réponse avec de la gêne.

-Bien, prend cette caisse et amène-la sur la grande place.

Steshin porta la caisse et parvint à l’amener à bon port mais au prix d’une douloureuse piqûre de rappel concernant le long voyage qu’il venait d’achever. Il n’avait pas pris de repos après ce monas de marche et cela se ressentait fortement. La tête de nouveau froide, il décida de prendre quelques uniao de repos avant de faire quoi que ce soit d’autre et retourna à l’auberge.

N’empêche, quelle beauté ! Je me demande si je la reverrai. Je la reverrai, c’est certain. Je finirai par la rencontrer.

* * *

Sonse n’était pas loin de se coucher et dans sa chambre, Steshin releva la tête d’un coup.

Merde ! Les inscriptions vont bientôt se clore !

Il sortit en trombe de l’auberge et fila en vitesse dans la direction du palais des arts martiaux.

L’aubergiste m’avait indiqué quelle route déjà ? Je dois rejoindre le palais des épreuves au plus vite !

Il parvint à trouver son chemin à force de le demander aux passants et il atteignit le palais juste avant la fin des inscriptions. Une fois sa participation enregistrée, il s’apprêtait à retourner, épuisé, à l’auberge mais son attention fût accaparée par des exclamations venant d’une table à la sortie du palais. Palais était d’ailleurs un terme beaucoup trop pompeux pour désigner ce qui pouvait se résumer à deux terrains d’entraînement, une maison et un entrepôt mais soit. Un elfe et un nain, dont la consommation de bière était déjà bien avancée, racontaient de vieilles histoires, leurs aventures à ce qui semblerait, à un public conquis.

L’elfe semblait déjà bien plus éméché que son compère. Le nain quant à lui, parlait avec un accent très marqué. Un accent dur comme si chaque mot était frappé sur une enclume.

-C’est alors que j’ai attrapé ce fils de chienne qui se faisait appeler “Roi des bandits du Nord“. Je l’ai attaché à un arbre et j’ai posé une pomme sur sa tête. Puis…
-Puis c’est moi qui ait posé la pomme sur sa tête. Tu n’aurais même pas pu la lui enfoncer dans le gosier.

L’elfe ria en finissant sa rectification. Le nain prit un air fier faussement dédaigneux.

-C’est un point de détail sans importance !
-Peut-être mais il est de taille !

L’elfe s’esclaffait tant que la choppe qu’il tenait à la main, se vidait de temps à autre par terre. Le nain riait également à son trait d’esprit et se calma pour continuer son récit.

-Bref ! Une fois la pomme posée sur sa tête, Shelay s’est mis à quelques dizaines de pas pour voir s’il pouvait atteindre la pomme avec une flèche.

Le nain prit le temps de boire bruyamment une gorgée de sa chope de bière afin de s’hydrater une gorge bien mise à contribution ce soir.

-Et là, t’as ce fumier qui me lance en hurlant “Sale nabot enculeur de chèvres ! Quand j’me détacherai, j’me f’rai un sac avec ta gueule !“.

Il désigna du doigt son compère tout en riant avant de continuer joyeusement son récit.

-Et lui… Il était tellement plié de rire qu’il a failli m’éborgner… Et l’autre… Il s’époumonait de plus belle ! “Putain ! Il a failli corriger ta tête mal branlée !” .

Constatant que sa chope était à marée basse, il se resservit et ce n’était clairement pas la première fois.

-Par contre il faisait moins l’fier lorsque la s’conde flèche s’est plantée dans la pomme. Il s’est fait dessus ce con !

Il vida sa choppe d’une traite et se resservit de nouveau avant de reprendre son récit.

-Après, on l’a détaché et ramené aux autorités locales. La prime était pas élevée mais on a passé un bon moment dans ce trou perdu.

L’elfe ne put s’empêcher de rire de bon cœur et termina gaiement cette histoire.

-On s’est bien amusé là-bas ! Comment ça s’appelait déjà ? Hm… An… quelque chose je crois. C’est pas important ! Par contre, les filles du coin étaient charmantes et peu farouches. Notamment une petite à la chevelure flamboyante, douce et bien proportionnée. Elle savait si bien…

Il fut interrompu par le nain qui se fit bien plus taquin avec lui tout d’un coup.

-Je ne suis pas sûr que tes fantasmes nocturnes intéressent qui que ce soit !

Ils rirent tous deux aux éclats. Leur joie de vivre se communiqua à tout leur auditoire. Steshin profita de cet intermède dans les récits pour demander qui étaient ces deux lurons. Un demi-elfe à côté de lui répondit à ses interrogations.

-Ce sont les maîtres du palais. L’elfe, c’est Shelay le maître-archer. Il est issu d’une famille noble du Sud de Forishny. Il a abandonné son titre pour courir les routes et les jupons.
-C’est pas peu dire !

Le nain avait visiblement envie de participer à la réponse en y ajoutant quelques commentaires.

-Et lui c’est Gevky, un ancien mineur de Mobura qui a pris la route. Maintenant c’est le maître-pugiliste.
-Qu’est-ce que je me faisais chier dans cette mine ! J’ai éclaté le nez du contre’ et j’me suis tiré.
-Ils ont fini par se trouver et ont atterri ici après de nombreuses aventures.

Le nain débuta un nouveau récit, plus graveleuse que héroïque a priori. Steshin, qui ne se sentit pas la force d’écouter une autre histoire, en profita pour s’éclipser en direction de l’auberge et prit un repos bien mérité. Peut-être que la nuit sera suffisante pour se reposer.

* * *

Iad 41 de l’ère impériale, vingt-huitième dan de Lonayo

Le lendemain, les festivités commencèrent par le tournoi d’archerie dès que Sonse fut suffisamment haut. Les éliminatoires se terminèrent en moins d’une unia et il ne resta que seize concurrents dont huit elfes, deux humains et quatre demi-elfes. Steshin s’en était sorti honorablement. Enfin la jeune elfe qu’il avait suivi la veille s’était également qualifiée sans difficulté aucune. La suite du tournoi se déroulait en duel.

En huitième de finale, le deuxième duel opposa Steshin à l’un des deux autres humains. Ce dernier fut battu d’une vingtaine de points. Le dernier duel opposa la femme elfe à l’un des autres elfes. Elle l’écrasa à plate couture avec un score parfait, chaque flèche fit mouche au centre de la cible.

Les quarts de finale furent semblables puis les demi-finales opposèrent Steshin à un elfe et la principale cible de son attention à un demi-elfe. Le duel de Steshin se déroula ainsi, l’elfe s’en sortait bien, très bien même mais pas suffisamment bien pour rivaliser avec son opposant. Enfin, jusqu’à ce que ce dernier ne manque totalement la cible. Deux fois de suite. Steshin venait d’être éliminé du tournoi sur un échec cuisant. La femme elfe, comme à son habitude, réalisa un score parfait et écrasa le demi-elfe sans difficulté.

La finale du tournoi vit s’affronter les deux derniers elfes de la compétition. Lequel des deux dominera l’autre ? La belle elfe allait-elle réaliser à nouveau une série de tirs parfaits permettant à la fois de remporter le tournoi et d’exposer son écrasant niveau ? Le suspense fut au sommet de son inexistence. Elle triompha de son adversaire sans réelle difficulté malgré un fort investissement de la part de celui-ci. Mais pas sans surprise. Elle tira ses flèches les unes dans les autres au grand étonnement de chacun. Chaque flèche suivant la précédente y pénétra légèrement y laissant la marque de son incroyable technique. Steshin ne put s’empêcher de ressentir une sincère admiration pour l’archère et de se dire qu’il avait plutôt bon goût.

Le tournoi se clôtura par une petite cérémonie où Shelay, le maître des archers, remit leur prix aux deux elfes. Le vaincu obtint dix shanao d’argent de Forishny et la grande gagnante en obtint le double. Steshin découvrit enfin le nom de cette si singulière elfe de la capitale qui savait manier l’arc comme personne. Elle se prénommait Larny de Voles.

* * *

Après le déjeuner, ce fut l’ouverture du tournoi de pugilat auquel s’était inscrit Oronay sans en avertir son compagnon. Ses matchs se déroulèrent à une vitesse fulgurante. Ses années de combat lui permirent de venir à bout des elfes et des demi-elfes en un tour de main. Au point que plusieurs durent recevoir des soins d’urgence. La suite s’annonça moins simple, en plus d’Oronay, il resta quatre nains ayant fait la route depuis Mobura, deux elfes amateurs d’un art martial provenant de quelque part sur la côte Est de Forishny, cinq humains et quatre demi-elfes.

Le troisième match des huitièmes de finale opposa Oronay à l’un des nains. Ce dernier entama les hostilités par un direct du gauche dans l’abdomen d’Oronay qui dut serrer les dents pour ne pas chanceler. Le varvarish attrapa le nain par l’épaule droite et lui administra un coup de poing directement dans l’arcade sourcilière avant de se dégager d’un pas rapide. Il comprit qu’il devait profiter de son allonge pour ne pas subir les coups si violents de son adversaire. Oronay harcelait le nain par de petites attaques jusqu’à profiter d’un moment d’inattention du nain. Ce qu’il parvint à faire quatre fois de suite. D’abord un direct dans l’œil puis une manchette sur la tête, suivit d’une feinte permettant de placer un coup de coude directement dans la mâchoire du nain avant de le terminer en lui écrasant le pied, lui tenant fermement l’épaule et en enchaînant avec un uppercut sous la mâchoire.

Le nain s’écroula au sol, sa tête tournait, ses dents étaient douloureuses. L’une d’elles s’était même brisée et il avait le goût du sang sur la langue. Oronay sortit du terrain en se tenant le côté. Maintenant que le combat était terminé, il ressentit très vivement la douleur. Il n’aurait pas pu encaisser plus de deux coups dans ce genre. Il passa le reste des huitièmes à se faire soigner grâce à la magie et ne sortit de l’infirmerie qu’à l’appel de son nom.

Pour les quarts de finale, il devait affronter l’un des elfes. C’était un être frêle, visiblement prêt à tomber au moindre coup. Oronay prit l’initiative et lança quelques feintes pour jauger son adversaire mais celui-ci ne se laissa pas prendre et se contenta d’enchaîner les esquives aussi gracieuses que celles d’un félin.

Face à cet adversaire aussi difficile à saisir qu’une anguille, Oronay opta pour une approche plus directe. Il réduisit rapidement la distance qui le séparait de son adversaire et tenta de le faire chuter grâce à un laria du bras droit. L’elfe lui saisit fermement le bras, plaça son pied derrière celui de son adversaire et le fit tomber au sol grâce à une manchette en plein torse. Oronay s’écrasa durement en arrière, sur le ensablé du terrain. Il se dégagea en se roulant sur le côté sur plusieurs metro et profita de sa vitesse pour se relever facilement. Il sentait la douleur irradier son dos jusqu’au torse. La technique n’avait rien d’impressionnante mais elle était efficace pour le peu d’effort requis. Pas étonnant qu’il soit arrivé si haut dans le tournoi.

Le varvarish se rua vers son adversaire en tentant le tout pour le tout. L’elfe l’esquiva sans mal au début mais dut faire preuve d’une forte concentration pour ne pas finir écrasé par le déferlement de coups d’Oronay. Malgré tout, il ne s’en sortira pas sans ecchymoses. Néanmoins, l’elfe parvint à couper le souffle de son adversaire par un coup de poing sec dans le torse et profita de l’instant de surprise pour passer derrière le varvarish et il lui bloqua les bras dans le dos.

Il triompha d’Oronay en frappant le plus fort possible à la base de sa colonne vertébrale et en l’achevant d’un laria en plein visage qui l’étala au sol. Malgré l’aspect impressionnant et brutal de ce qu’il avait subi, Oronay n’eut nullement besoin de soin et quitta l’enceinte du tournoi avant la fin.

* * *

Le soir venu, la fête battait son plein, les gens profitaient des divers mets, viandes rôties, légumes et fruits en conserve, ou non, des boissons et des nombreuses activités. Ces dernières comprenaient des jeux, de la danse, de la musique, etc… Malgré le début de l’hiver le lendemain, on ne sentait qu’un léger courant d’air frais. Peut-être à cause des cracheurs de feu et des cuisines ?

Steshin, qui se baladait au milieu des festivaliers, fut interpellé par une elfe assez âgée pour que le temps laisse sa marque sur son visage.

-Bonsoir jeune homme, intéressé par un augure ?

Il prit le temps de la jauger elle, sa table et ce qu’elle avait à proposer avant de répondre.

-Je ne suis pas vraiment intéressé et je n’y crois pas vraiment.
-Allons mon petit, ce n’est qu’une minuscule valsa l’augure. Et ce soir c’est le soir idéal pour ça. Les énergies sont plus fortes. Au pire, ce sera une expérience amusante pour vous.

Elle avait un sourire facétieux digne d’un enfant, ce qui lui donnait un air de jeune commerçant aux dents longues mais un minimum digne de confiance.

-Bon, d’accord.

Il tira une pièce de sa bourse et la déposa sur la table. C’était une sunsa en bronze de Plenovny, elle valait près de huit dixièmes de la pièce de bronze de Forishny demandée par l’elfe. Cela se remarqua immédiatement sur son visage.

-Bien.

Elle battit les lames de son oracle, l’oracle aux cent dix lames qui est un jeu de cartes divinatoire très populaire chez les elfes puis elle les étala sur la table en arc de cercle.

-Pensez à votre existence mon petit. Visualisez-la. Votre passé, votre présent, vos espoirs et vos craintes.

Steshin s’exécuta, ferma les yeux, prit une grande inspiration et rouvrit les yeux. La diseuse de bonne aventure lui indiqua de choisir cinq lames en tout. Il les tira et elle les mit en ordre. Elle les retourna.

-Votre augure est pour le moins singulier mon petit mais il est loin d’être dénué de sens, bien au contraire. Votre passé profond est représenté par la lame zéro, celle du Néant. Tout naît et disparaît dans le néant. Vous en venez et vous y avez oublié une part de vous-même.

Jusque là, c’est très vague.

-Votre passé proche est représenté par la lame du divin Sovku, divin glorieux des conflits et du courage, mon petit. Votre passé récent a été émaillé de nombreux affrontements. Et sans doute de beaucoup de pertes mais vous avez su traverser l’adversité jusqu’ici, mon petit. J’ai l’impression que vos ennuis ne datent pas d’il y a quelques monaso ou même d’une iad ou deux. Mais de bien plus longtemps. Étrange mon petit.

C’est un euphémisme au point où j’en suis mais ça ne doit pas être bien différent de la plupart des voyageurs j’imagine.

-Ensuite pour le présent mon petit, vous avez tiré la neuvième lame à l’envers. Celle du voyage. Mon petit, vous avez débuté un voyage concret ou spirituel il y a peu. Celui-ci sera des plus mouvementés, de nombreuses menaces planent sur vous. Les ennuis ne sont pas prêts à s’arrêter mon petit visiblement. Hm… Voyons la suite.

Pas trop mal, je dois le reconnaître pour l’instant. Encore heureux que je sois suffisamment loin maintenant. Je vais pouvoir me reposer quelques temps. Par contre, mon voyage est terminé, un point en moins pour elle.

-Votre avenir proche est représenté par la lame de Varina mon petit. Conflits, souffrance, guerres. Votre avenir est sombre mon petit. Très sombre.

Je n’avais pas besoin d’aide pour savoir ça. La vie n’est pas clémente avec moi aux dernières nouvelles. Et puis la voie que j’ai choisie il y a longtemps ne peut me réserver de bons moments.

-Pour finir mon petit, vous avez tiré la dix-neuvième lame. Celle de l’amour et du succès. Votre avenir lointain sera des plus rayonnant, une immense réussite vous attend mon petit.

Ce serait bien une première !

-Courage pour vos épreuves mon petit, ce sera dur mais n’abandonnez pas. Jamais. Et mon petit doigt me dit de vous dire que vous devriez recevoir sous peu vos premières récompenses.

Elle le regardait avec un regard particulièrement compatissant qui le troubla. Il ne put que lui dire une phrase simple.

-Au revoir et merci.
-Juste un instant mon petit. Je sens le besoin de vous dire quelque chose, “N’accepte pas cette pièce. Ne la touche même pas” .

Il la regarda, interloqué par cet étrange message qui semblait sortir de nulle part.

-Vous comprendrez en temps voulu.

Et elle ramassa les lames en terminant sur les cinq qui avaient été tirées. Elle sembla méditer quelques instants dessus.

* * *

Steshin déambulait parmi les étals en repensant à ce qu’avait dit la diseuse de bonne aventure. Il avançait le long des rues sans se rendre compte qu’il se rapprochait de la place centrale et…

-Toutes mes excuses…
-Ce n’est rien…

…Il percuta quelqu’un à son grand étonnement. Un sourire se dessina instinctivement sur son visage.

-Vous êtes Larny de Voles, la gagnante du tournoi d’archerie !

Cette affirmation arracha un sourire à l’intéressée. Un sourire chaleureux, rayonnant, sincèrement ravi et dévoilant une dentition parfaite, chose rare même chez les elfes, mais comportant une légère pointe de gêne.

Ah ce sourire ! Il me fait fondre !

Le cœur de Steshin battait plus vite et plus fort sans que ce soit désagréable, bien au contraire. Elle le sortit de ses rêveries.

-Et vous, vous êtes celui qui a totalement raté la cible lors des demi-finales.
-Hm… Oui.
-Deux fois.

Elle émit un petit rire cristallin face à l’air gêné qu’elle avait provoqué. Son sourire se mua, il devint plus taquin et toute trace de gêne avait disparu. Steshin regagna de la contenance et prit finalement conscience de son environnement immédiat. Mais il finit tout de même par se perdre dans les yeux de l’elfe durant quelques instants qui se prolongèrent telle une bulle jusqu’à l’éclatement.

-Hmm… Puis-je vous inviter à danser ?
-Vous le pouvez.

Il ne s’attendait pas à cette réponse, il ne savait pas comment continuer. Il était bien trop absorbé par ce qu’il voyait pour réfléchir à quoi que ce soit de plus complexe. Elle rit à nouveau.

-J’accepte votre invitation.

Ce si charmant sourire ne s’était toujours pas évanoui. Ils se mêlèrent aux autres danseurs.

-Qu’est-ce qui amène un humain tel que vous si loin dans nos contrées ?
-J’ai vu de la lumière et je l’ai suivie.
-Ça fait loin pour une luciole.
-C’était une grosse luciole.

Ils rirent tous deux à l’image grotesque que cet échange avait créé de toute pièce.

-Et plus sérieusement ?
-Je suis un voyageur. Toujours sur les routes et plutôt débrouillard.
-Vous êtes venu spécialement pour la fête ?
-Non. C’est un hasard, un heureux hasard.
-Alors pourquoi ici ? À moins que ça aussi soit le fruit du hasard ?
-J’ai rejoint la première caravane en partance pour Forishny tout simplement.

Pourquoi tu lui racontes ça ?

-Que cherchiez-vous à fuir aussi précipitamment ? Les autorités ou l’époux d’une amante ?
-Non, rien d’aussi dangereux. Juste la présence de la lame ardente. Une broutille en quelque sorte.

Ils furent pris tous deux d’un franc rire à cette nouvelle ironie qui n’était pas si amusante en soi.

-C’est compréhensible, j’ai cru comprendre qu’ils manquaient cruellement de conversation et étaient d’un ennui mortel.
-Et dire qu’il y a quelques décennies ce n’était qu’une bande de paysans déguenillés. Les temps ont bien changé…
-Vous n’avez pas l’air si âgé pour vous en souvenir.
-C’est vrai.
-Alors…
-Vous m’avez bien questionné et je ne sais toujours rien de vous en dehors de votre talent à l’arc.

Elle sourit de plus belle et gloussa, laissant de côté sa question pour le moment.

Je vais fondre à ce rythme.

-Très bien. Mais j’ai aussi besoin d’un verre avant tout.

Ils quittèrent la file des danseurs pour s’approcher d’une taverne improvisée avec quatre tonneaux et une table. Elle était presque entièrement dévalisée par les fêtards. C’est avec une chope de bière à la main qu’ils cherchèrent un endroit un peu plus calme pour boire et discuter.

-Alors, d’où vous vient votre talent à l’arc ?
-J’ai appris avec mon père dans notre village. Ensuite, j’ai rejoint une levée du baron de Voles durant une quelconque querelle territoriale lors de la dernière grande guerre.

Elle but une bonne gorgée de bière comme le ferait n’importe quel fantassin avant de continuer son récit.

-Mon talent a été remarqué et j’ai intégrée la seule unité de rôdeurs que ce baron ait pu s’offrir. J’y suis restée deux décennies.

Impressionnant.

-Et qu’est-ce qui vous a amenée à la capitale ?
-Libérée de mon engagement envers le baron, j’ai voulu me perfectionner. La rumeur disait que de très grands archers s’y étaient installés après la guerre.

Une trace de déception traversa subitement le visage de l’elfe avant qu’elle ne retrouve son sourire.

-Et la rumeur était fausse ?
-Pas vraiment. J’avais trop d’attentes en réalité. Maître Shelay est un grand archer. Et pas que ça d’ailleurs…

Un sourire coupable apparut sur son visage angélique. Celui-ci ne disparut pas immédiatement et se mua progressivement vers celui qu’elle arborait depuis leur rencontre.

-…Mais il n’avait pas grand chose à m’enseigner en dehors de toujours travailler et pratiquer. Sur cible vivante si possible.
-Impressionnant. Très impressionnant. Et maintenant ?
-Je me suis engagée dans la réserve de l’ost royal. Je forme des recrues parfois, je chasse pour pratiquer et de temps en temps, je remporte des tournois.
-En effet.

Ils finirent leur chope de bière et elle le fit de façon bien bruyante. Ses années de services se ressentaient à cet instant.

-J’ai envie de retourner danser. Vous m’accompagnez ?
-Avec plaisir charmante demoiselle.

* * *

Iad 41 de l’ère impériale, premier dan d’Aised

Ils rentrèrent tous deux dans une petite masure près du mur d’enceinte extérieur. L’intérieur était sombre, illuminé de l’extérieur par quelques rayons de la Mona, de la pleine Mona. On y distinguait quelques reflets et les contours de certains meubles, mais rien de plus.

Elle le prit par la main et le tira d’une main sûre, d’une main d’archère expérimentée. Elle savait ce qu’elle voulait. Elle le traîna jusque dans la chambre à coucher, se retourna brusquement, l’agrippa par sa chemise au niveau du torse et le tira à elle avec vigueur. Elle l’embrassa langoureusement. Il y répondit et l’enlaça par la taille. Elle relâcha son étreinte et passa ses mains dans son dos, au niveau des omoplates. Leur baiser dura quelques minuto.

Il finit par défaire ses vêtements et les fit glisser au sol, elle se débarrassa d’elle-même de sa chemise de coton blanche. Il la souleva et la posa dans le lit, entièrement nue, ses longs cheveux étalés sur le lit, éclairée uniquement par les rares rayons de Mona qui filtraient à travers les rideaux. Elle lui semblait être une créature divine et bienveillante. Il retira ses vêtements et la rejoignit tout aussi nu.

Ils s’enlacèrent de nouveau, s’embrassèrent avec fougue, ils semblaient ne faire plus qu’un. Il déporta ses baisers le long de sa mâchoire, de son cou, suivit la courbure de ses seins et en taquina les tétons. Ce petit manège dura quelques minuto. Elle lui caressait les cheveux, se cambrant naturellement, sa respiration se fit plus gémissante. Il poursuivit sa descente, embrassa son ventre, fit le tour du nombril, passa sur son pubis et termina sur son intimité. Elle ne put s’empêcher d’enserrer sa tête avec ses cuisses, sa respiration était de plus en plus haletante. Elle se mordit la lèvre inférieure mais on entendit tout de même sa voix tiraillée par le plaisir. Il remonta au niveau de sa tête pour l’embrasser.

Il voulut de nouveau se mettre par-dessus mais elle l’en empêcha et monta à califourchon sur lui. Il lui tenait les hanches, elle se déhancha avec grâce, s’appuya sur son torse. Il lui caressait la hanche et le haut de la cuisse d’une main et un sein de l’autre. Cette dernière bascula sur sa nuque lorsqu’il sentit le plaisir monter. Il la plaqua contre lui, l’embrassant de nouveau à pleine bouche. Elle était allongée sur lui, l’enlaçant de ses bras.

Ils basculèrent sur le côté, toujours unis. Leurs lèvres se séparèrent le temps de se regarder avec ardeur, avant de reprendre leurs ébats et ils s’endormirent après quelques derniers baisers…

* * *

Steshin se réveilla dans les bras de son elfe, Sonse était déjà haut. Il eu l’impression que rien en dehors de l’instant présent n’avait d’importance, rien en dehors de la bulle de bonheur dans laquelle il était là, maintenant.

Ça fait combien de temps depuis la dernière fois ? Depuis combien d’iado je ne me suis pas senti… Bien ?

Il la regarda dormir paisiblement, écoutant sa respiration douce et régulière.

J’ai l’impression que je pourrais passer le reste de ma vie ici. Avec elle.

Il sentit sa belle remuer, émerger. Il l’embrassa. Après ce baiser elle lui chuchota à l’oreille.

-On termine ce qu’on a commencé ?

Cette proposition le fit sourire et il l’embrassa sans attendre tout en caressant ses cheveux d’une main.

* * *

Il était presque l’unia du déjeuner, Steshin traversait les rues à la recherche d’un peu de nourriture pour un repas de fortune. Il avait déjà trouvé une miche entière de pain et un peu de fromage ainsi que quelques fleurs pour apporter une touche plus romantique. Sur tous les gens qu’il avait croisé jusque là, à peine la moitié étaient éveillés et déambulaient dans les rues comme s’ils étaient en train de passer l’arme à gauche. Le reste comatait encore, de façon pitoyable pour certains. Steshin contourna un jeune elfe dont le menton trempait dans le vomi et posa la main sur les trois quarts d’un rôti. Une main se posa sur son épaule avec fermeté. Il se retourna d’un coup, prêt à se battre. Il se retrouva en face à face avec Oronay.

-On a escorté ces gens, tu t’es bien amusé avec ton elfe et tu as toujours une dette envers moi le sodugist.

Sodugist ? Pas bon signe.

-Je sais, je n’ai pas oublié. Tu seras prêt à partir quand ?
-Je le suis.
-D’accord, on se retrouve tout à l’unia à l’auberge. Le temps de manger et de dire au revoir.
-Ne traîne pas. Et n’oublie pas de ramener de quoi payer ta part de la chambre.

Steshin sortit quelques pièces de bronze de sa bourse et les tendit à Oronay.

-Ça devrait suffire.

Oronay les prit et repartit d’où il était venu. Steshin attrapa le rôti et retourna chez sa conquête.

* * *

Steshin posa le résultat de son passage en cuisine sur la table du séjour, à savoir des tartines grillées juste ce qu’il fallait et garnies de fromages et de tranches de rôti réchauffé sans être desséché. Le tout accompagné d’herbes aromatiques, d’épices et même de fruits. Lui et sa belle les mangèrent avec appétit et c’est entre deux bouchées qu’il entama la discussion.

-J’ai passé une nuit des plus apaisante avec toi.
-Mais ?

Son visage souriant avait laissé place à un regard sérieux. Elle semblait prête à lui perforer un poumon avec son regard.

-J’ai une promesse à honorer et…
-Une fiancée à retrouver ?
-Euh… Non ! Non ! Du tout. je ne suis pas venu seul ici.

Moi, fiancé avec l’autre ?

Un frisson désagréable parcourut son dos. Elle l’écoutait attentivement avec un regard sévère. Elle savait se montrer très intimidante.

-Il m’a donné un coup de main sur le trajet jusqu’ici en échange d’une promesse. Je l’ai croisé ce matin et il a exigé que je l’honore immédiatement.
-Je comprends. C’est très important de tenir parole.

Son visage s’adoucit quelque peu. Elle avait été réellement inquiète durant l’échange précédent.

-Oui. Je reviendrai dès que j’en aurai fini avec lui. Ne t’en fais pas.

Pourquoi tu lui promet de pratiquement te poser avec elle ? Elle t’est inconnue, idiot !

Elle fut prit d’un fou rire qu’elle eu du mal à maîtriser au grand étonnement de Steshin.

-Tu parles comme un amant transi annonçant à sa dulcinée son départ pour affaires à l’autre bout de Kongeya.

Elle a raison.

-Ce n’est pas désagréable. Soit, tu reviendras dans combien de temps ?

C’est vrai. Elle a raison. Je pense que j’arriverai à vivre avec elle. Cette elfe a quelque chose d’exceptionnel qui m’a tout de suite plu.

-Je ne sais pas vraiment. Deux ou trois monaso à première vue.
-Deux ou trois monaso ? Ça fait une sacrée route ! Tu t’en vas où ?
-Le Nord. Au moins jusqu’à un port.
-Durant le Vima, ce n’est pas la meilleure des idées.
-Je sais mais il le faut.
-Hmm… Tu vas sans doute aller jusqu’à l’archipel de Povistelag alors.

On va voir si elle aime les varvarisho.

-Je vais y faire une halte, oui.
-Une halte ? Tu vas aller encore plus loin ?!

Elle se leva de table d’un bond, pressentant la teneur de l’information qu’il allait révéler.

-Tu ne vas quand même pas aller encore plus loin ?!
-Si.

Elle se mit à fulminer en elfique, une langue que ne maîtrisait pas Steshin. Il saisit néanmoins qu’elle parlait des varvarisho. Et pas en termes élogieux.

Les varvarisho n’ont décidément pas bonne réputation ici. Très jolie langue, ceci dit.

Il se leva et il la prit tendrement dans ses bras pour la faire redescendre de quelques degrés.

-Larny, je reviendrai. Ne t’en fais pas.

Elle lui décrocha un direct dans l’estomac. Elle était plus forte qu’elle n’en avait l’air.

-Promis ?
-Promis.
-Maintenant on ressemble à un couple bien installé depuis des iado.

C’est vrai.

Ils rirent tous deux devant cette évidence et elle le repoussa gentiment, se dégageant de son étreinte amoureuse.

-Pars avant que je ne tombe amoureuse.
-Même pas un baiser ?

Elle rit de nouveau et l’embrassa longuement avec une immense tendresse.

-Reviens en un seul morceau.
-Ne t’en fais pas, j’en ai vu d’autres.
-Je ne sais pas. Il faudrait que tu me racontes.
-À mon retour.

Elle avait l’air soucieuse, profondément soucieuse. Elle savait que ce voyage serait rude.

-Promis ?
-Promis.
-Je t’attendrai. Sois prudent.

Steshin embrassa Larny avec passion tout en la serrant avec force et il quitta sa demeure.

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