Voyager est formateur. Il permet de découvrir des choses insoupçonnées. Il nous fait rencontrer des gens plus étranges dont on ne soupçonne même pas l’existence. Et il permet de s’enrichir de bien des manières. Pour cela, il suffit de prêter attention aux autres et de ne pas hésiter à leur donner… Un coup de main.
-Kin Aurum
* * *
Iad 42 de l’ère impériale, vingt-cinquième dan de Mely
Le réveil fut une fois de plus douloureux après le travail à la scierie mais le sommeil fut tout de même réparateur. Steshin profita du premier repas du dan pour former le groupe qui allait l’accompagner chez le baron Cheracholoam.
-Kin, Krat et Toldaka vous viendrez avec moi chez le baron. Haut maître, prend deux adeptes avec toi pour donner un peu de corps à notre groupe.
-Bien, seigneur Steshin.
-Qu’ils soient bien équipés en armes et protections, haut maître. Ce serait dommage de rater une bonne occasion parce qu’il nous confondrait avec une bande de va-nu-pieds.
-Il sera fait comme il vous plaira, seigneur Steshin.
-Je vais prendre Timy avec moi, c’est mon apprenti désormais après tout.
Ah c’est le tien maintenant ?
-Très bien, Kin.
-Et Krat, on ne tue personne. Pas pour l’instant en tout cas.
-Moi savoir. Déjà être mercenaire.
Il connait ce concept ? Il n’est pas idiot, c’est vrai. Il ne parle pas la langue et il est moins civilisé seulement. Louer ses services en tant que mercenaire est l’une des spécialités des varvarisho il me semble…
-Nous irons bien après le déjeuner alors en attendant, vous êtes libres. Évitez juste de vous attirer des ennuis.
-Je vais en profiter pour répandre vos enseignements, seigneur Steshin.
-Je vais retourner aux chroniques avec le petit pour ma part.
-D’accord, haut maître.
-Boire.
Je n’ai jamais vu cet orque saoul malgré tout ce qu’il avale en terme d’alcool. En même temps, vu sa taille…
Tous les trois se levèrent d’un coup, laissant Steshin tout seul à sa table.
Bon… Plus qu’à finir le repas tranquillement… Et trouver de quoi s’occuper durant quelques uniao… Une lettre pour ma Larny ? Peut-être un cadeau avec ? Ah ! Non, envoyer un cadeau va me coûter bien cher et ma bourse est assez légère. Une simple lettre fera l’affaire cette fois… Après je pourrai profiter de mon temps libre pour une fois que je ne suis pas en train de courir une lame aux fesses. La Mona ne devrait pas nous retrouver si vite par ici et je doute que l’on me reconnaisse si je suis seul.
* * *
-Gudan, pourriez-vous faire quérir le chambellan Xidi. Veuillez lui annoncer que ses invités sont arrivés.
Steshin lui présenta le parchemin portant la signature du chambellan en guise de preuve à la servante.
-Bien, noble invité. Je vais prévenir mon maître. Veuillez attendre mon retour ici.
Et elle referma la porte au nez de Steshin avant qu’il n’eut le temps de la remercier. Le groupe dut attendre un quart d’unia avant que la servante ne revienne et ne les fasse entrer au sein du manoir par les cuisines avant de les amener dans un petit salon aux murs boisés recouverts de diverses toiles peintes dans la plus pure tradition elfique. La servante les invita à s’asseoir sur des poufs taillés dans un bois massif et manifestement très rare recouvert d’un magnifique drap de soie. Le petit groupe attendit encore au point que cela sembla interminable et ce, jusqu’à l’arrivée du chambellan.
Ce dernier était un elfe dans la force de l’âge avec un fort embonpoint que l’on devine sous ses vêtements, un début de calvitie, une barbe bien taillée et une moustache longue et fine. De plus, il portait un accoutrement richement décoré réalisé avec des fils de soie brodés. Celui-ci avança nonchalamment en direction du seul siège resté vide jusque là avant de s’y asseoir. Il toisa du regard ses invités avant de se racler la gorge pour parler.
-Quatre humains, deux demi-elfes et un orque. Vous devez être le chef de cette troupe, je présume. Je suis le chambellan Xidi et vous ? Par quel nom dois-je vous appeler ?
-Steshin.
-Steshin… Peu commun, surtout de par nos contrées boisées. Vous pouvez m’appeler par mon titre.
-Très bien, chambellan.
-J’ai cru entendre dire que vous étiez bien plus nombreux que ça.
-J’estimais que ça ne serait pas forcément correct de venir en cohorte pour un entretien.
-Vous avez fort bien fait. Seul les brigands affichent leur maigre force de façon aussi ostentatoire.
Il se passa quelques instants dans le plus grand calme avant que le chambellan ne reprenne la parole.
-En préambule de votre rencontre avec le baron Cheracholoam, premier seigneur de Chdotio, il y a certaines modalités dont je dois m’entretenir avec vous.
-Lesquelles, je vous prie ?
-Je dois savoir si trancher la ligne de vie de l’un de vos congénères, commettre quelques larcins ou n’importe quelle basse tâche puisse vous poser problème.
C’est une façon très compliquée de poser la question.
-Nous n’avons aucun problème avec ça, chambellan.
-Êtes-vous capable de garder le silence si jamais on vous pose la question ?
-Nous n’avons pas pour habitude de nous épandre sur nos faits et gestes quelque soit la situation.
-C’est parfait. Avez-vous des questions ?
-Une seule, chambellan.
-Laquelle, je vous prie ?
-Vous parliez dans votre missive d’une large rétribution. De quelle somme parlons-nous ?
-Mon seigneur est disposé à vous accorder gracieusement deux Gorino, deux pièces d’or de Tvod à quiconque exaucera son souhait. Peut-être plus selon son résultat.
Le seigneur démon fut particulièrement étonné d’entendre une telle récompense.
Deux pièces d’or ! De Tvod certes mais cela reste une somme colossale pour un simple larcin ! Ce baron est soit désespéré soit il nous envoie droit dans la gueule du loup.
-Nous n’avons pas d’autres questions.
-C’est parfait.
Le chambellan se leva avec la même nonchalance qui le caractérise tant tout en arborant un air neutre rendant ses pensées impénétrables.
-Veuillez me suivre. Je vais vous amener devant mon maître qui doit, présentement, échanger quelques passes avec le maître d’arme.
Steshin ainsi que son groupe se levèrent et suivirent de près le chambellan au travers des couloirs du manoir.
Je suis étonné que les autres se soient tenus tranquille jusqu’ici. L’orque s’est contenté d’écouter sans geste ni bruit… Il a l’air d’avoir l’habitude de ce genre de tractation. Je me demande qui a t-il pu servir par le passé. Kin a encore une fois démontré qu’il a reçu une éducation et Toldaka est resté égal à lui-même. C’est à dire très calme en attendant l’ordre de tout dévaster.
Le petit groupe arriva devant une double porte très finement sculptée dans un bois sombre. Le chambellan s’arrêta net devant la porte avant de s’adresser à l’intégralité du groupe.
-Sachez qu’au sein de notre peuple, il est d’usage que l’on ne s’adresse à un membre de la noblesse que par son titre. C’est d’autant plus valable pour les roturiers.
Il attendit quelques instants pour que la nouvelle information puisse avoir le temps d’être digérée avant de se retourner face à la double porte. Il toqua avant de l’ouvrir en grand. Elle donnait sur une modeste salle d’arme boisée dont les murs portaient de nombreuses armes elfes ainsi que des répliques d’entraînement en bois également.
Au centre de cette nouvelle pièce s’affrontaient un elfe svelte en armure matelassée et un demi-elfe torse nu. L’elfe avait les iado bien marquées sur sa tête surmontée d’une très longue chevelure grisâtre rassemblée en une queue de cheval haute alors que le demi-elfe semblait clairement être dans la fleur de l’âge.
Les deux combattants échangèrent encore quelques passes d’armes particulièrement brutales dans un silence entrecoupé de fortes respirations et d’armes en bois s’entrechoquant.
-Je pense que c’est suffisant pour ce dan, mon baron.
-D’autant plus que j’ai une affaire urgente qui m’attend, visiblement.
-Je vous laisse donc, mon baron.
L’elfe à la chevelure argentée sortit de la salle d’arme non sans saluer le chambellan tout en fermant la double porte derrière lui.
-Bien. Ce sont les… Hommes dont vous m’aviez parlé, chambellan.
-Tout à fait, mon baron.
-C’est parfait. Vous êtes-vous occupé des modalités, chambellan ?
-Oui, mon seigneur. Ils n’attendent plus que de recevoir vos ordres, mon baron.
-Je suis le baron Cheracholoam, premier seigneur de Chdotio et souverain légitime de Chdotio. En ce qui concerne notre… Hum… Auquel dois-je m’adresser ? Qu’il s’avance d’un pas.
Steshin fit ce pas en avant avec une certaine assurance, montrant qu’il ne comptait pas se laisser impressionner par un une présentation aussi pédante.
Il est pour le moins particulièrement désagréable.
-En ce qui concerne notre affaire, il s’agit de commettre un larcin un peu particulier. Vous devrez vous rendre dans le manoir de l’usurpateur qui prétend être le baron légitime de Chdotio et dérober le faux titre qu’il a employé et me le rapporter.
C’est lui qui veut usurper le titre visiblement. Et nous le savons maintenant…
-Avez-vous saisi ?
-Dans les moindres détails, mon seigneur. Puis-je vous demander à quoi devons-nous nous attendre ?
L’air devint subitement pesant et Steshin comprit relativement rapidement où il avait fauté.
-Mes excuses, mon baron. Je ne suis pas très au fait de vos coutumes.
-Je le constate bien désagréablement… Pour répondre à votre interrogation, rien de bien surprenant de la part d’un soi-disant baron… Un baron, un usurpateur ! Il me semble qu’il possède un coffre nain provenant directement de Mubora mais je n’en sais pas plus.
-Nous saurons accomplir votre volonté, mon baron.
-Parfait. Vous pouvez disposer. Chambellan, faites-les sortir par les cuisines.
-Immédiatement, mon baron.
* * *
La petite délégation s’était installée dans une taverne au hasard pour discuter de la suite des événements tout en ayant déjà commencer à consommer.
-On va avoir besoin d’une bonne diversion dans tous les cas.
-Pas besoin ! Moi tout massacrer !
-Certes Krat mais si toute la garde veut nous embrocher, nous n’atteindrons jamais notre commanditaire sans nous faire voir.
-Eux morts donc eux rien voir.
-Certes mais nous devons rester discret et ce ne serait pas discret de tuer tout le monde.
-Toi raison.
Il faut éloigner la garde du manoir ou au moins l’alléger…
-Merci. J’aimerais un pichet d’eau en plus.
-Et apportez à boire à tous mes adeptes, jeune femme.
-Ce sera tout ?
Ils acquiescèrent tous à la question de la fille de salle qui s’en retourna vers les cuisines.
On devra entrer en petit groupe pour ne pas se faire repérer…
-J’ai une idée qui va vous satisfaire tous les deux.
-On t’écoute, Kin.
-Il suffit de laisser Krat déambuler en ville.
-Je n’ai pas l’impression qu’ils détestent les orques à ce point-là par ici.
-Moi vouloir tuer.
-Il n’a qu’à faire le tour des tavernes et frapper la clientèle. Il pourra continuer dans les rues.
-Et tant qu’il ne tuera personne, ce sera suffisant pour attirer une partie de la garde mais pas assez pour qu’elle le traque jusqu’à la mort, c’est ça Kin ?
-Exactement ! Vous avez parfaitement saisi mes propos, Steshin.
-Moi vouloir tuer !
-Si ça tourne mal, tu pourras tuer autant que tu veux.
Krat émis un gémissement qui fut interprété comme une forme de satisfaction par le reste du groupe.
-Une bagarre de taverne qui dégénère ne va peut-être pas attirer assez de garde par contre.
-Vous n’avez peut-être pas tort, Steshin.
-J’ai également une idée, seigneur Steshin.
-Voici votre pichet.
-Merci.
-Je t’écoute, haut maître.
-Les scieries dans lesquelles nous avons travaillé ont d’importantes réserves de rondins et de planches. Nous n’avons qu’à les porter jusqu’à la rivière qui traverse la ville avant de les jeter à l’eau. Ça devrait gêner tout ce qui dépend de la rivière et on pourrait peut-être même l’assécher comme ça. Un peu comme le font ces petites bestioles à queue plate qu’on peut croiser dans les terres du Nord.
-Hm…
Une rivière qui s’assèche d’un coup… Ça attirera forcément la garde, ça. Toldaka devient ingénieux…
-J’approuve cette idée, haut maître.
-J’en suis ravi, seigneur Steshin.
-C’est parfait, vous avez vos diversions, Steshin.
-Oui, maintenant il faut parler du larcin en lui-même. Tout ce que l’on sait c’est que le titre est dans un coffre nain, c’est ça ?
-C’est ça. On peut néanmoins penser que ce baron-là l’entrepose dans un manoir semblable à celui de l’autre baron, Steshin.
-Possible. Il y aurait donc une entrée de derrière par laquelle on pourrait passé. Il reste qui pour faire cette entrer discrète ?
-Vous, moi, mon apprenti et mes deux amis.
Ah oui ! Ce n’est plus un adepte de mon culte, c’est ton apprenti maintenant ! Et il le dit sans gêne…
-Ça devrait être suffisant.
-On commence quand ?
-Cette nash.
-Ce n’est pas un peu précipité, Steshin ?
-Vos adeptes sont prêts à l’action, seigneur Steshin.
-Merci, haut maître. Ça l’est Kin mais moins que cet elfe en armure de plaque qu’on a croisé dans ce village perdu.
-Vous marquez un point.
-Plus vite, plus sang, plus force et puissance.
-J’apprécie ton enthousiasme Krat. Bref, on retourne à l’auberge pour se reposer et dès que l’heure du couvre-feu est proche, on lance le plan. Après, faudra éviter la garde urbaine dans les rues. C’est bon pour tout le monde ?
Ils acquiescèrent tous en silence avant de terminer leur repas et de quitter la taverne.