Chapitre 31 : Chair à vif

13 mins

Précédemment…

Steshin, ancien espion à louer, démon et désormais dieu vivant d’un culte obscur est parvenu à retourner à Pavan retrouver sa belle après une difficile aventure dans le grand Nord et la disparition d’Oronay. Néanmoins, il dut fuir la ville, poursuivi par l’ordre sacré de la Mona d’argent qui désirait lui mettre la main dessus. Durant cette nouvelle fuite en avant face à ses responsabilités, il fit la rencontre d’un érudit du nom de Kin Aurum et d’un guerrier orque de Varvary nommé Krat.

Durant une halte dans un village perdu au milieu des bois, Steshin put découvrir l’efficacité nouvelle avec laquelle son culte agissait sur le terrain au cours d’une enquête pour retrouver une jeune elfe disparue. Il vit également la brutalité dont était capable l’orque et il se rendit compte que l’érudit ne lui avait pas tout dit sur son passé et sur les individus qui le poursuivaient, soi-disant des brigands portant les armoiries de l’ordre sacré de la Mona d’argent.

Après avoir quitté ce village, le culte recruta des bandits de grand chemin avant de se rendre à Piefna, Chdotio pour les elfes, ce qui leur permit d’accéder à une auberge gratuitement. Le groupe tenta de renflouer ses bourses en travaillant aux scieries lorsqu’un travail plus risqué et plus lucratif se profila. Le baron Cheracholoam, premier seigneur de Chdotio, leur promit une récompense en échange d’un larcin au sein du manoir du baron Xrazodoxivu, premier seigneur de Piefna, mais les choses ne se passèrent pas comme prévu…

* * *

Partie IV – L’incident du dragon

Oui, oui, je te raconte la suite. Donne-moi le temps de m’abreuver quelque peu avant de continuer. Après cette fin désastreuse, les choses sont allées de mal en pis et j’ai dû me résoudre à un choix des plus simples. Soit laisser un fou continuer ses agissements en toute impunité, soit faire le nécessaire pour l’arrêter malgré mes quelques inimitiés avec les troupes de l’empire. C’est ce choix qui a mené à ce que l’on appelle aujourd’hui l’incident de dragon.

* * *

-Tu vas te décider à parler, le mange-merde ?
-Arrgh ! Je sais pas ! Je peux pas t’dire !
-C’est ce qu’on va voir !

Le bourreau s’amusait certainement sous sa cagoule noire tandis qu’il actionnait la manivelle d’un mécanisme de la table sur laquelle reposait son prisonnier. À chaque tour de manivelle, les attaches du prisonnier s’éloignèrent quelque peu et au bout de quelques instants, la victime sentit ses fers tirer sur ses membres. Au bout d’une bonne minut, il sentit un début de douleur dans les poignets et les chevilles. Quelques dizaines de tours supplémentaires et il se mit à hurler de souffrance.

-Voilà ! Je te laisse comme ça le mange-merde. Je vais m’occuper de quelqu’un d’autre en attendant que ta langue se délie.

Les hurlements diminuèrent progressivement jusqu’à ce qu’ils se résument à des sanglots sonores. Pendant ce temps, le bourreau s’approcha d’un second prisonnier en sous-vêtement qui était enchaîné au mur.

-Aller, c’est ton tour, le malandrin.

Il lança un coup de pied botté dans le ventre de sa nouvelle victime avant de détacher les chaînes du mur et de s’en servir pour le tirer sur quelques pas. Il glissa quelques maillons de la chaîne sur la pointe d’un crochet qui pendait au plafond. Il mit quelques coups de pieds supplémentaires dans les flancs du second prisonnier jusqu’à ce qu’il se place bien en dessous du crochet.

-T’es bien là. Bon, bon, bon…

Le prisonnier se permit de jeter un regard à son tortionnaire, tentant de savoir ce qui l’attendait et il l’aperçut actionnant un levier proche. Il sentit immédiatement le sol se dérober sous lui et ses pieds pendirent dans le vide. Une douleur cruelle était apparu dans ses poignets par lesquels il était lié au crochet.

-Arrgh !
-Où sont les traits ?!
-Tout près…
-Où ça ?
-Dans… Ton fondement…

Un trop long silence s’ensuivit qui n’était interrompu que par la respiration haletante du prisonnier qui attendait la réaction de son tortionnaire.

-On va voir si tu vas continuer à te rire de moi, le maraud. J’ai encore de nombreuses manières de te faire parler.

Le sourire sadique du bourreau n’était certes pas visible sous sa cagoule mais sa victime était certaine qu’il était bel et bien présent. Il n’en menait pas large suspendu au plafond tel une vulgaire carcasse de viande mais il s’autorisa tout de même un regard bravache, seule possibilité dans le moment présent.

-Hé, hé, hé… On va bien s’amuser tous les deux, enfin… Je vais bien m’amuser. Toi, par contre…

Il s’approcha d’un mur sur lequel était accrochée une grande diversité d’instruments et d’outils, détournés de leur usage d’origine pour la plupart.

-Comment j’vais t’attendrir le cuir ? Le ceste, peut-être… Non. C’est bien pour se changer les idées mais pour un animal comme toi, il vaut mieux un truc d’animal. La cisaille alors ? Mmm… Tentant mais pas tout de suite, il faut savoir prendre son temps… Ah ! Mais j’aurais dû y penser en premier ! Pour un animal comme toi, rien de tel que le fouet ! Hé, hé, hé…

Il décrocha la longue lanière de cuir du mur et il la tendit juste sous le nez de son prisonnier pour lui montrer et lui faire sentir l’odeur.

-Je viens de lui faire ajouter quelques lames pour plus de plaisir, hé, hé, hé…

Il se plaça alors à quelques pas de distance dans le dos du prisonnier qui n’entendait pas lui faire le plaisir d’un cri de souffrance ou d’un sanglot étouffé. Le bourreau s’amusa de voir le corps de sa victime se raidir en prévision des coups et il fit claquer le fouet une première fois dans l’air afin de jouer un peu avec sa proie avant de passer aux choses sérieuses. Le prisonnier sentit alors les lames du fouet lui déchirer la chair du dos, il serra les dents autant qu’il put malgré la douleur au point d’en avoir mal aux dents. Et il hurla…

* * *

Ça fait combien de temps que je suis là ? Un dan ? Deux ? Trois, peut-être ? Aucune idée… Qu’est-ce qui a si mal tourné pour que je finisse ici ?

-Tiens ! Ta pitance, le maraud.

Un crachat sonore se fit entendre avant celui d’un liquide visqueux s’écoulant paresseusement dans une écuelle en bois qui traînait au sol, près de la porte. On entendit ensuite le bois frapper violemment quelque chose avant que des bruits de pas sur le parquet s’éloignèrent, plongeant la minuscule cellule dans le silence entrecoupé par la respiration difficile du seul prisonnier qui l’occupait.

Celui-ci parvint avec difficulté à se mettre à quatre pattes afin d’avancer avec peine en direction de la peu ragoûtante nourriture que l’on venait de lui apporter. Il s’étala à côté de l’écuelle de façon lamentable et il tendit difficilement le bras pour la rapprocher de lui. Il lapa le contenu et l’avala progressivement avec un profond dégoût. Une fois son repas terminé, il se laissa rouler sur le dos en oubliant les délicates caresses du bourreau. La douleur fut telle qu’il se retourna immédiatement sur le ventre.

Ça fait un mal de chien ! Je jure de lui faire la peau à ce fils de chèvre…

Il s’appuya sur ses avant-bras afin de se relever et il peina à passer sur ses mains. Il serra les dents de douleur.

Aller ! Je ne vais tout de même pas rester comme ça !

Il parvint à se basculer en arrière, les fesses sur les talons, pour s’asseoir à genoux en employant ses muscles endoloris non sans lui arracher des grognements de souffrance et des larmes.

C’est déjà mieux… Mais pas suffisant… Je dois reprendre des forces…

Il se déplaça vers l’un des murs de sa cellule en usant seulement de ses bras pour se mouvoir et de ses fesses comme appui tout en sollicitant le moins possible son dos endolori et en évitant de cogner le bas plafond de sa cellule avec sa tête. Il finit par appuyer son épaule contre le mur.

Ça devrait faire l’affaire pour dormir…

Il resta dans cette position misérable, attendant que le sommeil le prenne, se perdant dans ses pensées…

Ça n’aurait pas dû si mal tourner… J’y étais presque… Satané créature qui s’est décidé à venir me gâcher la vie…

…Et le sommeil finit par le prendre doucement sans qu’il n’y prenne garde…

* * *

Ils ne m’ont pas encore apporté de quoi manger. Si ces elfes traitent leurs prisonniers comme les humains, alors ça ne doit même pas faire un dan que je suis là.

Il regarda dans toutes les directions, espérant déceler une faille à exploiter dans sa minuscule cellule mais rien ne sembla pleinement le satisfaire étant donné que pas une lumière ne perçait au travers des murs de sa cellule. Seuls quelques bruits sourds résonnant dans les murs lui parvenaient.

Une caisse en bois sans ouverture… Seulement une porte très certainement barrée… Même dans ma meilleure forme, je ne pourrais pas sortir. Je n’ai plus qu’à attendre que l’on vienne me délivrer… Vu la bande d’imbéciles qui me suit, je ne suis pas prêt de sortir…

Il tenta de se déplacer quelque peu et agita ses membres afin de faire l’état de ses capacités qui étaient loin d’être dans leur meilleur jour.

Ce n’est même pas la peine de tenter un affrontement, même avec l’avantage de la surprise. Les plaies ont à peine commencé à se refermer et ça fait toujours un mal de chien !

Il se rassit dans sa position initiale, résigné à ne pouvoir rien faire pour le moment.

Elles sont efficaces, les cellules des elfes. Je ne sais même pas où est la sortie de cette boîte.

* * *

Il était traîné sur le sol en bois des couloirs par deux geôliers qui le tenaient par les bras sans ménagement.

Et c’est reparti pour un tour…

Il ne comprenait rien à la discussion en elfique de ses deux nouveaux amis mais il se doutait qu’il ne s’agissait que de racontars sans intérêt. Ils le trainèrent jusque dans la salle de torture qu’il connaissait déjà. Ils le soulevèrent en le tenant par les membres et ils l’attachèrent par les pieds et les mains sur une grande table en bois ensanglantée. Son dos endolori était désormais en contact avec le bois rugueux ce qui lui arrachait des grognements. Une fois attaché, les deux gardes continuèrent leur conversation tranquillement dans un coin de la pièce en le surveillant seulement du coin de l’œil durant ce qui lui sembla être une éternité.

Mais qu’on en finisse ! C’est presque pire que les coups de fouet !

Il entendit la porte s’ouvrir et une troisième personne aboyer des ordres en elfique. Il entendit les bottes claquer et ses deux nouveaux compagnons filèrent aussi vite que le vent. La dernière personne restant dans la pièce avança d’un pas décidé jusqu’à la table et il actionna une manivelle sans prêter attention au prisonnier qui ne pouvait voir que le sommet de sa tête couverte d’une chevelure noir de jais. La table bascula progressivement presque à la verticale et le prisonnier sentit la douleur dans ses poignets lorsqu’ils durent supporter une partie du poids de son propre corps mais ce n’était rien en comparaison de la douleur provoquée sur son dos par le changement de position. Il ne put contenir un gémissement de douleur. Le nouveau venu se plaça face à lui avec des cliquetis métalliques et son sang se glaça.

Oh merde !

Ce nouvel arrivant se révéla être un paladin de l’ordre sacré de la Mona d’argent en armure de plaque. Les deux se toisaient du regard sans un mot dans une ambiance pesante, le prisonnier préférant attendre qu’on lui pose les questions plutôt que de nier dans le vent au risque de se vendre par inadvertance. L’elfe se décida à déserrer les dents pour briser le silence mais il était évident qu’il lui en coûtait, tant une rage bouillonnante transparaissait dans sa voix et sur son visage.

-Où est-il ?

Qui ? Quoi ?

-Je n’ai que faire de pourquoi ils t’ont enfermé, pauvre larron.

Celui-ci laissa passer un instant de flottement pour mieux appuyer ses dires.

-Dis-moi où est-il ?
-Hum…
-Où ?!
-Hum… Qui ?
-Kin Aurum. Cet immonde fils de chèvre brouteuse de coq, ce résidu putride du pire lupanar de tout l’empire, ce baiseur de…

Il est sacrément remonté. Qu’est-ce qu’il a bien pu lui faire ? À part l’assommer de discours sans fin ?

-Je n’en sais rien.
-Tu mens ! Je vais t’en faire passer l’envie, maraud !

Le paladin décrocha un coup de poing ganté de plaque dans le foie du prisonnier.

-Il était là lorsque cette créature est apparue la même nash où la garde t’a ramassé dans les décombres du manoir. Ne me prend pas pour un coq sans tête !
-Je ne sais pas où il est parce que je suis enfermé depuis des dano…

La rage était encore palpable sur le visage de l’elfe mais il sembla se calmer légèrement, très légèrement.

-Je vois. Dis-moi ce que tu sais et je verrais… Ce que je peux faire pour toi.
-Comme quoi ?
-Moins de coups de fouet. Ce serait un grand avancement pour un maraud dans ta situation.
-Ils vont me pendre haut et court quand ils se lasseront.
-Le bourreau se lassera plus vite si tu préfères.

Si ça peut mettre fin plus rapidement à mes souffrances, pourquoi pas… Si j’accepte, les autres n’auront peut-être pas le temps de venir me chercher… Cruel dilemme…

Il reçut un revers de la main lourdement protégée en plein visage et on entendit quelque chose craquer. Le prisonnier sentit quelque chose de chaud couler dans l’une de ses narines. Il fut si surpris qu’il ne sentit pas la douleur immédiatement.

-Tu t’es décidé, l’humain ?
-C’est bon…
-Où est Kin ?
-Je ne sais pas. Je ne sais pas s’il est en vie.
-Oh, il l’est. Tu peux me croire, cette immonde fils de chèvre incestueuse a survécu à bien pire. Cette charogne a un don pour survivre. Dis-moi où vous deviez vous retrouver après votre coup.
-Nous ne devions pas nous séparer, il a peut-être fui…
-Qui vous a engagé ?

La question le prit par surprise et le désarçonna quelque peu. Il ne savait pas quoi répondre immédiatement et prit un air idiot durant quelques instants.

-Comment ça ?
-Des traîne-savates dans votre genre n’auraient jamais osé marauder chez un baron sans commanditaire. Kin a très bien pu aller le voir pour toucher la récompense qu’il vous a promis. Révèle-moi son identité immédiatement.
-Hum…

Le paladin se servit de l’abdomen du prisonnier comme un sac de frappe en y décrochant trois crochets d’affilée.

-Qui ?

La douleur fut si intense qu’il eut du mal à respirer et il put difficilement sortir quelques mots.

-Un… Un… Un aubergiste… Le… tenancier du…

Il reçut un nouveau crochet enganté à pleine puissance, en pleine mâchoire cette fois-ci.

-Tu mens, sale petit maraud ! Un simple aubergiste ne se risquerait pas à une telle aventure.

Le prisonnier se retint de donner la moindre réponse, ne sachant ce qui l’attendait s’il répondait honnêtement ou s’il gardait le silence.

-Je vois. Tu as bien trop peur de donner son nom. C’est sûrement quelqu’un avec une grande influence.
-Non, c’est…
-Silence avec tes mensonges ! Tu essaies de me distraire. Influent, puissant, terrifiant. Vous n’étiez pas là par hasard, donc… Cela doit être un rival.

Le prisonnier se crispa, craignant pour sa vie et se demandant comment tout cela allait se terminer.

-Au vu de ton expression, je dirais que je suis sur la bonne voie. Ce ne serait pas ce petit intrigant de baron Cheracholoam ?

L’expression faciale du prisonnier trahit son état de pensée et confirma immédiatement au paladin qu’il avait vu juste.

Je ne suis même pas sûr que ce soit le bon nom…

-Bien !

L’expression du paladin, quant à elle, changea radicalement. Il sembla à la fois plus serein et plus déterminé voir excité à l’idée de pouvoir reprendre sa chasse.

-Je vais donner un mot en ta faveur pour que tu sois exécuté promptement.

Le paladin abandonna sa victime comme une vieille carcasse en sortant de la pièce en aboyant de nouveaux ordres en elfique et les deux gardes refirent leur entrée dans la salle de torture, reprenant leur rôle de surveillant. Il fallut attendre un certain temps avant que la porte ne s’ouvre sur le bourreau qui fit son entrée en lançant quelques bons mots sur un ton jovial à l’adresse des deux elfes qui en rirent.

Il a pris son temps et il fait de l’humour…

-Faut croire qu’il t’aime bien, le gars de la Mona. Il a fait prévoir ton exécution au plus tôt. Sa très sainte seigneurie veut que ce soit vite fait alors ce sera vite fait. Bouge pas le temps que je vois combien tu mesures.

Le bourreau attrapa une corde avec des nœuds noués à intervalle à peu près régulier qui pendait à son bras et il l’étendit le long de la table.

J’espère pouvoir t’arracher la langue, le farceur…

-Hum… Trois coudées et… Un peu plus d’une moitié, on va dire… Ce serait dommage que tu sois mal à l’aise pour ton dernier dan.

Le bourreau replaça la corde autour de l’un de ses bras et il se dirigea vers la porte. Il s’adressa une dernière fois aux deux gardes avant de quitter la pièce.

Mais qu’on en finisse…

* * *

Quel est ce raffut ? Un récalcitrant ? Non, trop d’agitation pour si peu… Une émeute ? Peut-être… Peut-être une occasion de filer discrètement…

Le prisonnier rampa jusqu’à la porte de sa cellule et il y colla une oreille afin de mieux comprendre la situation. Il entendit de nombreuses voix hurler, essentiellement en elfique, partiellement couvertes par les bruits de bottes frappant le plancher au pas de course.

Ils ont l’air d’avoir du mal à régler le problème… Bon, plus qu’à trouver un moyen de sortir…

Il se mit à frapper la porte, espérant parvenir à quelque chose ou, au moins, à attirer l’attention de quelqu’un. Les bruits de combat se firent plus forts, plus proches avec le temps. Il devenait de plus en plus difficile de distinguer quoi que ce soit et seul l’aspect chaotique de la bataille se fit entendre.

Il s’arrêta de frapper la porte lorsqu’il la sentit trembler alors qu’elle fut percutée par quelque chose de lourd mais une fois la surprise passée, il reprit de plus belle. Il se stoppa de nouveau lorsqu’il entendit quelqu’un manipuler le verrou. Il retint son souffle, ne sachant pas qui allait se présenter à lui et lorsque la porte s’ouvrit enfin, il fut ébloui par la lumière des torches émanant du couloir. Il ferma instantanément les yeux et fut à la totale merci du nouveau venu.

-Seigneur Steshin !

Il ne reconnut pas la voix mais il sut immédiatement qu’il était tiré d’affaire. Il ne put s’empêcher de sourire.

Enfin ! Je ne sais pas lequel duquel de mes adeptes il s’agit…

Il sentit quelqu’un l’agripper fermement par le bras et le tirer hors de sa minuscule cellule sans trop de ménagement. Ses yeux s’habituaient peu à peu à la lumière et il pouvait apercevoir des silhouettes sur un fond lumineux orangé. Néanmoins, ses jambes redécouvraient à peine comment elles étaient censées le maintenir debout ce qui l’obligeait à s’appuyer sur celui qui l’avait sorti de son trou.

-Seigneur Steshin, nous devons vous sortir d’ici !

Il se contenta d’acquiescer, trop concentré qu’il était à tenir debout. Le cultiste le prit sur son épaule et ils partirent au travers des couloirs du donjon, évitant les affrontements qui perduraient dans tout le bâtiment. Le cultiste en profitait également pour signaler le moment de battre en retraite en espérant que tous s’en sortiraient.

Le prisonnier parvint à rétablir sa capacité à se mouvoir seul au cours de la fuite et il se mit à suivre son sauveur sans faillir jusqu’à ce qu’ils passèrent devant une porte qui lui sembla familière. Il s’arrêta net et il tendit lentement la main vers la poignée tandis que le cultiste se rendit compte qu’il ne guidait plus personne.

-Seigneur Steshin, nous n’avons pas le temps ! Le reste de la garde pourrait arriver n’importe quand !

Il ouvrit tout de même la porte et redécouvrit la salle de torture qu’il connaissait désormais si bien. Au fond de celle-ci se terrait le bourreau tenant quelques instruments entre ses mains pour seule défense. Il sentit la rage bouillonner en lui au rythme de la douleur pulsant dans son dos.

-Je vais faire une exception pour toi.

Il marmonna rapidement quelques incantations et il se jeta avec une rage hors norme sur son tortionnaire. Il lui arracha d’une main un premier instrument avant de s’en servir pour arracher les yeux de sa victimes ou, plus exactement, pour faire sortir les deux globes de leur orbite avant de tirer avec force sur leur nerf optique pour le sectionner. Le bourreau n’eut même pas le temps de réagir que ses yeux étaient écrasés au sol avec sauvagerie et que son dernier instrument lui fut arraché. Il ne pouvait que hurler de souffrance avec le goût ferreux du sang qui s’insinuait dans sa bouche sans même pouvoir espérer que quelqu’un vienne à son secours mais il espérait tout de même au plus profond de lui. Son ancienne victime employa le second instrument pour lui lacérer le visage au travers de sa cagoule noire avant de le lui planter profondément dans la gorge pour le faire taire.

Ce corps meurtri était encore sous l’effet des derniers spasmes lorsque l’ancien prisonnier retrouva ses esprits et il lui arracha un bout de la cagoule afin de voir le visage de sa victime.

Un humain…

Il ne s’attarda pas davantage sur sa découverte et il reprit son évasion sous le regard impressionné du cultiste qui l’avait libéré un peu plus tôt.

* * *

Toute la troupe se rassembla à l’extérieur de la ville, au cœur d’un bois, loin de toutes représailles pour le moment. Le prisonnier avait une allure pitoyable, ne portant que ses chausses, le dos déchiqueté en plus des mains ainsi que des avant-bras et le visage couvert du sang de sa dernière victime.

-Bon retour parmi nous, seigneur Steshin. Nous sommes navrés de vous avoir fait tant attendre.
-Ce n’est rien, haut maître. Vous êtes heureusement arrivés juste à temps.
-Ils n’ont pas eu à connaître vos tourments, seigneur Steshin.
-En effet, haut maître…

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