Écriture dangereuse tome 1 chap.6

8 mins

Pendant ces cinq jours d’attente, la vie normale reprit à la maison. Marie n’avait pas revu monsieur Vittorio depuis leur discussion et ses recherches sur Internet ne lui avaient pas appris grand-chose, mis à part qu’il valait mieux ne pas se mettre un gitan à dos. Elle avait essayé de se renseigner au sujet de la malédiction de sa famille, mais mis à part quelques renseignements glanés sur certains forums en ligne, elle n’avait aucune idée de comment s’en débarrasser. Le savoir des gitans se transmettant par la parole, était donc difficile de trouver un livre avec un mode d’emploi…. Marie reprit donc le chemin de l’école et ses habitudes, en attendant de pouvoir enfin se rendre à la fête foraine. Amélie aussi était excitée. Elle voulait aller voir une diseuse de bonne aventure pour se faire lire les lignes de la main. Marie, elle, y allait surtout pour avoir des réponses. Enfin, le grand jour arriva et, le matin du 30 juin, Marie et Amélie se rendirent pour la dernière fois de cette année au collège où elles participèrent à la remise de leur bulletin. Elles avaient réussi toutes les deux. La journée commençait donc bien. Vers dix-sept heures, Marie prépara ses affaires pour se rendre chez Amélie. Ses parents parlaient à la table de la cuisine. En fait, ils chuchotaient. Marie tendit l’oreille mais elle n’arrivait pas à entendre ce qu’ils disaient. Peu importe, ce soir, avec un peu de chance, elle allait enfin découvrir ce qu’elle voulait savoir, et ainsi trouver une solution pour réaliser son rêve, devenir écrivain. Elle n’avait pas l’intention d’abandonner, surtout que le concours avait été reporté pour la fin août, et qu’elle avait bien l’intention d’y assister et de gagner. Elle venait de terminer ses préparatifs quand sa mère passa la tête par la porte de sa chambre. – Veux-tu manger avant de partir chez Amélie? lui demanda Evelyne. Il y a de la pizza si tu veux. Marie voyait bien que sa mère essayait de retarder son départ, donc elle lui répondit qu’elle mangerait chez Amélie, sa mère ayant prévu des plats chinois. Marie sortit de sa chambre et descendit les escaliers où elle tomba sur son père. Il la regarda intensément et lui recommanda de ne pas se coucher trop tard et de ne pas manger trop de sucreries avant d’aller coucher. Le papa de d’habitude, attentionné, affectueux. Mais Marie ne pouvait pas s’empêcher de se sentir trahie car elle savait qu’il ne lui avait pas tout dit. Elle l’embrassa donc sans commentaires et se dirigea vers la porte d’entrée. Ses parents l’accompagnèrent et Marie traversa la rue vers la maison de madame Davis. Amélie la guettait déjà par la fenêtre et lui faisait de grands signes. Marie sourit. Amélie était vraiment géniale. Elle était toujours de bonne humeur et la consolait toujours quand Marie se sentait triste ou incomprise. Quand elle franchit enfin la porte de la maison, elle se retourna un instant et vit ses parents refermer leur propre porte d’entrée. Voilà, elle était chez Amélie. Son amie avait réussi à se procurer un trac annonçant la fête foraine. On y voyait des femmes dansant le flamenco, des jeux de hasard, des vendeurs de saucisses ou de barbe à papa. La fête commençait vers vingt-et-une heure. Amélie avait prévenu sa mère qu’elle ne mangerait pas tard car elle voulait regarder le film d’horreur qui passait le soir même dans sa chambre et qui commençait à vingt heure trente. Sa mère était d’accord, du moment que les filles ne mangeaient pas dans la chambre. Les filles mangèrent donc rapidement leur repas, montèrent dans la chambre d’Amélie et firent minent de se mettre devant la télévision, attendant l’heure de passer par la fenêtre qui, heureusement, se trouvait à l’arrière de la maison et qui disposait d’un balcon avec des escaliers allant jusqu’au jardin. Une des raisons pour lesquelles les filles adoraient cette chambre. Amélie étant fille unique comme Marie, les filles avaient des tonnes de souvenirs de jeux et de secrets dans cette chambre, ainsi que dans le jardin où une jolie piscine était installée les mois d’été. Quand le générique du film commença, Amélie augmenta le son, comme pour signifier à sa mère que c’était le moment et qu’elle ne voulait pas être dérangée, et les deux amies se changèrent. Elles s’habillèrent de vêtements foncés et mirent une casquette noire pour ne pas se faire repérer. Elles jetèrent un dernier coup d’œil par la porte de la chambre, virent madame Davis dans sa propre chambre devant une émission de télé-réalité, accompagnée d’un énorme paquet de chips, et refermèrent la chambre en tournant la clé. Elles passèrent par la fenêtre pour se rendre à l’arrière de la maison qui conduisait dans la rue suivante, donc sans se faire voir des parents de Marie également. Suivant l’itinéraire indiqué sur le tract, les filles se mirent à marcher d’un pas égal et une demi-heure plus tard, elles arrivèrent devant une explosion de lumières, de parfums de friandises et de hot-dog et l’ambiance était très festive. La musique allait bon train et la place était remplie de manèges, d’attractions en tout genre tels que des jeux de tirs ou des jeux de fléchettes. Les filles étaient émerveillées. Elles s’achetèrent de grosses barbes à papa et commencèrent à observer les différents stands et manèges. Vers le milieu de la place, une grande tente était tendue et une banderole annonçait “Madame Irma, voyante, liseuse de carte, boule de cristal. Venez découvrir votre avenir.” A côté de la tente se trouvait un immense mobile-home. De petits enfants, vêtus de vêtements colorés dansaient autour d’une jeune femme qui avait entamé un flamenco endiablé. Un vieil homme était assis dans un rocking chair et se balançait en fumant sa pipe, tout en gardant l’œil sur la marmaille. Marie et Amélie se dirigèrent vers l’entrée de la tente. Un homme, habillé d’un vieux T-shirt et d’un jeans usé, se tenait devant l’entrée. Il observa les fillettes un instant et leur dit : c’est cinq dollars l’entrée, les filles. Marie sorti les billets de sa poche et les mis dans la main du gitan. L’homme se retourna alors, et cria le nom d’Irma à l’intérieur de la tente. Les filles pénétrèrent dans cette petite hutte sombre, à peine éclairée par quelques bougies. Au milieu de la pièce se trouvait une table ronde où était posée une boule de cristal. Une femme d’un certain âge écarta un rideau de perles et s’avança vers les fillettes. Elle était un peu impressionnante, avec sa robe d’un autre temps aux couleurs usées, ses colliers de perles multicolores et ses bracelets et bagues multiples en or aux poignets et aux doigts. Elle les observa un instant puis les invita à s’asseoir. Marie s’installa mais Amélie préféra rester debout derrière son amie. La vieille femme l’observait attentivement et Marie se dit qu’elle ressemblait énormément à la gitane qu’elle avait vu en rêve, celle qui la mettait en garde. Avant même que la gitane leur demande ce que les filles voulaient, Marie lui demanda : – Nous connaissons-nous ? J’ai l’impression de vous avoir déjà vue. La vieille gitane la fixa un moment puis lui répondit : – On peut dire ça. Nous ne nous sommes jamais vus mais j’ai communiqué avec toi par la pensée, et je pensais bien que tu me retrouverais. Marie était interloquée mais elle continua néanmoins à poser des questions à l’ancêtre. -Pourquoi vouliez-vous me voir ? Et quelle est cette malédiction qui pèse sur ma famille ? Et surtout, comment m’en défaire ? Je veux écrire mes propres histoires et surtout que les gens puissent les lire. Que dois-je faire pour que tout cela s’arrête ? La gitane l’observa de nouveau mais au lieu de lui répondre, elle alla chercher un petit coffre en bois, prit quelques plantes aromatiques et commença une sorte de rituel. De la fumée d’encens commença à emplir la petite tente. Ensuite, elle prit un bol rempli d’eau et le posa devant Marie. Elle y déposa quelques feuilles d’eucalyptus réduites en morceaux, une cuillère à café d’angélique, la moitié d’une gousse d’ail réduite en purée, une pincée de gros sel et une petite goutte de miel. Elle alluma une bougie blanche. Ensuite, elle demanda à Marie de penser à ce qu’elle voulait voir s’améliorer dans sa vie et d’y penser très fort pendant une vingtaine de minutes, Marie respira doucement et profondément et s’exécuta. Juste après, la gitane prit le bol et le jeta dehors, à même le sol. Elle donna une feuille de papier à Marie et lui demanda d’écrire les malchances qu’elle avait subi récemment. Marie écrivit et tendit le papier à la vieille femme, mais la gitane refusa de le toucher. Elle dit à Marie de mettre de l’huile essentielle de musc sur la bougie en la faisant bien pénétrer. Puis, elle indiqua à Marie de répéter à haute voix ce que Marie voulait voir changer dans sa vie et d’enflammer le papier, le laisser tomber dans le bol. Il devait brûler jusqu’à ce que la bougie se consume presque entièrement puis la vieille femme dit à Marie de souffler la bougie. Amélie, impressionnée, ne disait rien et se contentait d’observer cet étrange rituel. Quand ce fut fini, la vieille dame attrapa le bras de Marie et lui dit une seule phrase : -J’ai fait ce que j’ai pu pour toi, Racli (fillette). Puis, sans un mot, elle sorti de la tente et laissa Marie et Amélie décontenancées, assise à la même place. Quand elles quittèrent enfin la tente, Amélie remarqua que Marie avait une sorte de fil rouge autour de son poignet. L’homme qui les avait fait entrer lui conseilla de ne pas l’enlever si elle voulait se protéger du mauvais œil. Ensuite, il leur demanda de dégager les lieux. Les filles s’éloignèrent sans un regard pour les attractions, leur excitation éteinte après cette expérience. Elles décidèrent néanmoins de voir si elle pouvait trouver d’autres gitans à approcher, dans l’espoir d’obtenir plus de renseignements sur leur situation, mais les femmes avaient déjà regagné leurs carrioles et les hommes avaient un air agressif qui ne donna pas envie aux filles de s’approcher. En partant, elles repassèrent devant le vieux gitan qui fumait toujours sa pipe. Il regarda Marie intensément et lui dit : “Tu ressembles énormément à quelqu’un que je connais, Racli. Je jurerais te connaître”. Marie se rapprocha, mais avant qu’elle puisse arriver sur le vieil homme, un autre homme d’une quarantaine d’années s’approcha du vieillard et lui dit : Il est temps de rentrer, Cacou (grand-père). Il jeta un œil vers Marie, et son regard se figea un instant. Marie, elle était stupéfaite. Cet homme, avec ses longs cheveux noirs et sa moustache, ses vêtements sombres et usés, ses yeux étincelants, était le portrait craché de son père. Avant qu’elle n’ait le temps de réagir, l’homme s’éloigna avec le vieillard et pénétra dans le mobil-home où il referma la porte à clé. Marie était toujours plantée au même endroit, comme paralysée. Son esprit était comme figé et ce n’est que quand son amie lui secoua le bras qu’elle reprit un peu contenance. Elle suivit Amélie mais ne pouvait s’empêcher de regarder vers la caravane. Cet homme, serait-ce ce frère dont son père lui avait parlé ? Il avait précisé qu’ils étaient jumeaux et cet homme était le parfait sosie de son paternel, c’était certain. Encore sous le choc, les filles décidèrent de rentrer chez Amélie. De retour dans la chambre de son amie, Marie se rendit compte qu’elles ne s’étaient absentées que deux heures. Le temps lui avait paru bien plus long. A la télévision, le film venait de se terminer et elle pouvait entendre les rires de madame Davis devant son émission préférée. Amélie et elle se mirent en pyjamas et se regardèrent un instant sans rien dire. Puis Amélie lui demanda : – Tu as vu cet homme ? Celui près du vieillard ? On aurait dit… – Oui, je sais, la coupa Marie. On aurait dit mon père. Il m’avait dit qu’il avait un frère jumeau mais il n’avait plus de nouvelles de lui depuis plus de vingt ans, … D’après ce qu’il prétend néanmoins. Je suis fatiguée par tout ça. Du moins, je me demande ce que cette vieille gitane m’a fait. Je sais que mes parents seront en colère, mais je n’ai pas le choix. Demain, il faudra que je leur parle de cette soirée. Si la famille de mon père est dans les parages, je pense qu’il vaut mieux qu’ils le sachent. Amélie était d’accord, et sur ces résolutions, elles s’endormirent.

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