Sous un campement d’étoiles, tout au bout du chemin, une voie sans issue aux dimensions invisibles. Le cimetière Saint-Jean. Cà et là, des parcelles de croyance coiffées de sépultures aux portraits insomniaques livrés aux billes de pluie, à des lanières d’éclairs, des cieux à flanc d’abîme. Mille fois retournée au fil des silences consacrés, la terre repose sur un immense marais souvent fréquenté par une flottaison de feux follets.
Il y a peu encore, ces frêles flammes froides flânaient en rase-motte avant de figurer au festin du vent. On raconte qu’un faisceau de lumières pâles, qui serpentait dans l’air moite du crépuscule, confectionna à deux âmes fugitives d’ultimes effets aux couleurs exactes : noir maudit prédestiné à Maryvonne, rouge feu prémédité par Régis.
Des années durant, Maryvonne s’acharna, en effet, à supporter son mauvais sort avant d’implorer le cancer d’en finir. Soleil chauve au teint cireux, la force du regard traquée par la douleur, elle s’éteindra en début de matinée, la veille de ses soixante ans, les poings crispés sur une poitrine brûlée.
Le visage inconsolé agitant la bile contre sa propre vie, du roulis dans les neurones, Régis, quant à lui, tiendra parole avec une arme au poing et un amour d’une muette fierté pour Maryvonne. Jamais, il ne lui avouera qu’il s’était condamné d’avance pour elle. Dans l’après-midi, Régis fera tonner la poudre dans sa bouche.
Ainsi, un gris dimanche d’automne, Maryvonne et Régis partirent dans la fosse aux voyages. Depuis ce jour-là, dès l’ouverture et la fermeture des grilles du cimetière Saint-Jean, les vieux amants tricotent une ondulante exhalaison bicolore : une maille endroit à huit heures tapantes, une maille envers à dix-sept heures tapantes.
Etrange tout de même que des horaires d’agents d’entretien encadrent les portes de l’éternité…
Triste mais très poétique, j’aime beaucoup !
Merci pour votre commentaire. Parfois un peu de poésie féconde de la clarté à une sombreur qui perdure…