La souris et le rat

Il était une fois une souris frêle et menue, grise avec de fines moustaches. Son corps était petit et se mouvait gauchement. Elle faisait bon an mal an son bout de chemin.

Un jour quelle était occupée à sa cueillette quotidienne, elle aperçut un rat magnifique, grand, fort, puissant, très à son aise. Surprise par sa présence, elle eût d’abord peur. Puis, le regardant de plus près, elle sentit en lui une énergie bienveillante. Il venait lui aussi faire sa cueillette quotidienne. Tant et si bien que chaque jour la souris s’approchait un peu plus près du noir animal qui la fascinait de plus en plus. Jovial et sûr de lui, il lui apparaissait comme à la fois proche et inatteignable. Elle sentait également quelque chose de casser en lui, qu’une petite souris comme elle aurait pu réparer.

“Quel drôle d’animal”, se dit-elle. “Je l’aime bien, je reviendrai le voir demain pour mieux l’apprivoiser.”

Les jours passants la petite souris avait un plaisir grandissant à le rencontrer. Le gros rat noir, quant à lui, l’avait à peine remarqué tant il était joyeux et sociable. Il discutait avec la petite souris comme il aurait approché n’importe quel autre animal de la campagne. En toute simplicité, en toute jouissance de la vie, sans penser au-delà du jour qui le portait. La petite souris le voyait bien. Elle cernait le personnage. Tout son être s’y appliquait, tellement ce dernier la fascinait.

Un jour où elle était proche du gros rat noir, riant tous deux d’une chose puis d’une autre, elle ne pu contenir un baiser que ses lèvres portèrent au museau humide du gros rat. C’était comme si tout son corps voulait lui exprimer cette affection sans retenue qui la composait. Le gros rat noir fût surpris, puis heureux de tant d’attention. Il ne sût cependant que faire de tant d’allant. Une souris ne va pas avec un rat. Par politesse, cependant, il répondit à sa tendresse en caressant ses oreilles duveteuses, lui sourit, puis repartit.

Ils continuèrent à se voir tout naturellement.

Puis un jour, la récolte se faisant maigre, le rat, avide de nouvelles découvertes, ne revint pas. La souris se retrouva seule, sans ce phénomène à observer. Son cœur se durcit. Le sourire à ses lèvres disparu. Un manque sourd avait pris la place de l’insouciance et des moments de plaisir. La petite souris ne savait plus où aller. La récolte était suffisante pour un être de sa petite taille. Ce n’était pas le problème. Mais ici-bas le soleil avait beau briller son cœur restait froid. Le manque prenait de plus en plus de place.

Devait-elle retrouver le gros rat noir pour qu’ils passent à nouveau des moments ensemble? Pouvait-elle oublier ce gros rat noir? Ne pouvait-elle pas rencontrer d’autres rats noirs ou même des merles ou autres bestiaux pourvu que ce fusse un autre phénomène à observer? Enfin, quel lien invisible enchaînait cette petite souris à ce gros rat noir?

Un gros rat noir protecteur, souriant, bienveillant, fort et puissant est un père sans pareil! et cette petite souris qui était seule avait rencontré un père idéal pour l’aider à grandir. L’amour qu’elle ressentait pour cette bête épatante était celui d’une petite fille pour son papa. Elle le comprit bien des années plus tard. Le temps avait passé, elle était vieille. Malgré les événements heureux et malheureux de sa vie, elle était toujours seule dans son cœur. Car le jour où le gros rat noir parti faire cueillette sur des sols plus généreux, elle perdit un père pour la vie.