Merci à Françoise pour la correction
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« Pour ceux qui aiment leur grand-père »
Quand je m’éveillai, les animaux s’étaient approchés de moi et je fus surprise par le petit écureuil, qui juché sur mon ventre m’observait d’un œil scrutateur. Lorsqu’il vit mes yeux noirs s’ouvrir, il s’enfuit en quelques bonds, mais restât à proximité. Celui-là, j’allais m’en faire un copain dans les mois ou les semaines qui suivraient. Je tournai mon regard vers le ciel et remarquai le soleil commençant à décliner.
Je devais rentrer si je ne voulais pas manquer le repas du soir : une heure de marche me séparait de la ferme et mon père était très pointilleux sur les horaires. Si je ne rentrais pas à temps, je ne mangerais pas.
Je me levai donc et pris le chemin du retour, marchant sans ménager mon effort. Replongeant dans mes pensées, j’en revins à la réalité. La marche a cela d’intéressant qu’elle permet de se concentrer et mon esprit se mit à s’intéresser à ma famille.
Nous vivions chez mon grand-père paternel, Bernard Maillard ou Grand-papa comme je l’appelais affectueusement. Bûcheron à la retraite il nous avait aimablement accueillis chez lui après la disparition de sa femme Jacqueline dont je ne savais presque rien sinon qu’elle était originaire d’Antalvay, ce qui tend à prouver qu’il peut y avoir parfois entente entre les deux communes, puisque mariage il y a eu. Mon grand-père était mal en point, atteint d’un cancer généralisé au dernier degré, et il n’en avait malheureusement plus pour longtemps à vivre. À 70 ans il n’était pourtant pas très vieux et j’étais dévastée en pensant au jour où il ne serait plus là. Mon père ne s’en cachait pas, l’héritage arrangerait ses affaires.
Chaque jour je me rendais à son chevet pour prendre de ses nouvelles et passer simplement du temps avec lui, pour qu’il me parle de sa vie et qu’elle ne soit pas oubliée. À cet effet je prenais des notes sur un petit carnet qui était dédié à nos entretiens. Mon grand-père était un homme bon qui défendait des valeurs hautement altruistes et tournées vers la nature. En tant que bûcheron, il ne coupait que des arbres malades ou écrasant le voisinage de son ombre, ne permettant pas aux autres de se développer. Il aimait à dire qu’il entretenait la forêt plutôt qu’il ne cherchait à s’enrichir, mais avait tout de même amassé au cours de sa vie une fortune assez conséquente et qui donnait à mon père des envies nauséabondes. Cette fortune tenait plus de la vie d’ascète qu’il menait qu’à des rentrées d’argent importantes. Il n’était pas avare, simplement peu dépensier. Grand-Papa et moi étions tous deux adeptes de la Mère Universelle, la déesse du bien, il avait également converti ma mère et ma petite sœur. De sa femme disparue, il ne me parlait jamais, mais il y avait aussi un autre tabou, que je ne comprenais pas. Ses récits étaient amputés de quelque chose qu’il m’était impossible de discerner.
Mon père, Pascal Maillard, fils unique de son état, avait poursuivi le travail de son père en reprenant le métier de bûcheron. Il entendait bien que mon frère Hugo ne fasse pas la même erreur et l’encourageait à trouver un métier plus lucratif. Il pourrait par exemple travailler dans les finances. On imagine bien que l’idéal de mon père et celui de Grand-Papa différaient en tout point. Mon père cherchait à faire le maximum de profit dans la forêt, abattant simplement les arbres qui lui rapporteraient le plus d’argent possible de manière immédiate. Cela allait à l’encontre du culte de la Mère Universelle, mais mon père n’en était pas adepte. Cependant il s’opposait également aux pratiques ancestrales d’Amalfay qui interdisaient de couper un arbre si ça n’était pas profitable à la forêt. Les gens du village invoquaient des légendes dont le contenu tendait à faire comprendre qu’attenter volontairement au bien de la forêt pouvait attirer sur lui la malédiction des sorcières. Mon père n’en avait cure.
Il avait d’autres projets à mon encontre. Étant une fille, et en ce sens étant une charge inutile, il me marierait à un bon parti d’Antalvay à qui je devrais préparer les repas et laver son linge, tout en lui donnant de beaux enfants. Mon père ne mesurait certainement pas à quel point je pourrais m’opposer à lui. Il constaterait que les lois d’aujourd’hui ne permettent plus ces mariages arrangés. En tous les cas, j’aurais le dessus et ça n’était pas discutable. S’il savait que j’avais une préférence pour les femmes… Sur ces pensées je retins un rire.
Ma mère Hélène était une femme effacée. Surtout devant mon père. On pourrait même dire que sa personnalité avait disparu sous sa tyrannie. Lorsqu’elle était jeune, ses parents n’avaient pu lui payer des études en raison de leur pauvreté, alors comme mon père voulait absolument qu’elle gagne de l’argent, elle s’était mise à faire des ménages à mi-temps, le reste du temps elle devait s’occuper de la maison (repas et lessive…). Cela rapportait de l’argent à la maison et satisfaisait les appétits financiers de mon père.
Mes grands-parents maternels étaient donc pauvres. Ils vivaient le plus simplement du monde, et malgré tout ils étaient heureux. Mon Papi François avait été ouvrier agricole et ma Mamie Marie n’avait aucun diplôme et donc avait été mère au foyer. Leur maison était installée dans la partie la plus pauvre d’Amalfay, une petite bicoque où ils pouvaient vivre tranquillement leur amour et leur retraite. Papi passait son temps dans son petit potager et Mamie entretenait avec amour un jardin de fleurs tout autour de la maison. Nous allions souvent chez eux pour les différentes fêtes de l’année, car c’était une famille plus grande que la nôtre et mon Grand-Papa y avait toujours été le bienvenu.
Mon père n’allait jamais chez eux. Lors des fêtes de famille, nous leur apportions généralement des vivres pour que cela ne leur coûte pas trop cher. Pour échapper aux remontrances de mon père et à sa pingrerie nous devions faire ces apports en cachette.
Hugo était mon grand frère. A 18 ans il venait de passer son bac et d’entrer à l’université. Nous n’avions jamais été très proches. À part nous chamailler nous ne faisions presque jamais rien ensemble. Lui était toujours dans des livres sérieux, tandis que moi je passais mon temps à courir dans les bois. De plus il écoutait bêtement tout ce que disait notre père. Tous ces ingrédients en faisaient pour moi quelqu’un d’inintéressant et de particulièrement ennuyeux.
La dernière arrivée dans la famille était Lydia, ma petite sœur de 8 ans. C’était avec Grand-Papa mon deuxième rayon de soleil. Malgré notre différence d’âge importante, je l’aimais tendrement. Elle réussissait bien à l’école et était vraiment mignonne, au point qu’elle n’attirait pas les foudres de mon père, ou du moins, pas encore, on verrait à l’adolescence.
J’ai beaucoup parlé de mon père et j’avoue que je ne le portais pas dans mon cœur. Mais au moins il ne nous frappait pas, ni les enfants, ni notre mère, en tout cas pas jusque-là. Mais on le sait, toutes les violences ne sont pas forcément d’ordre physique.
Pour l’heure, je sortais du bois. Le soleil presque couchant éclairait les champs en contre-jour avec une lumière si belle qu’elle en était presque surnaturelle. Je humai l’odeur des vaches qui paissaient tranquillement dans le pré puis passai près de la ferme de la famille Orion, nos voisins les plus proches. Je remarquai Hugues, leur fils handicapé mental qui me lorgnait, caché, selon lui, derrière la haie de leur maison. Il surveillait tous ceux qui passaient sur la route, mais je crois que depuis que j’avais pris des formes féminines, il me reluquait particulièrement. Je ne le prenais pas mal, sachant qu’il n’avait pas toutes ses capacités mentales et considérant qu’il n’était pas capable d’attenter à l’intégrité d’un être vivant.
J’arrivai enfin chez moi, fatiguée de la journée. Je filai dans ma chambre pour me changer à nouveau. Je ne remplaçai que le T-Shirt, jugeant mon short pas trop sale et enfilai mes savates à la va-vite avant de redescendre dans la cuisine pour aider ma mère à la préparation du repas. Une bonne odeur de cuisson se répandait déjà dans la pièce. Ma mère faisait probablement griller des oignons.
La cuisine était la pièce à vivre de toute la famille, un style campagnard et rustique y régnait. Grande et spacieuse, elle avait en son centre une grande table épaisse en bois de chêne qui servait autant pour préparer les plats que pour accueillir nos repas journaliers. La pièce était fermée par un mur juste à droite de la porte en entrant. Si l’on balayait du regard le mur en face de droite à gauche on pouvait y voir tout d’abord un évier de belle taille, avec en dessous un meuble bien pratique, en chêne comme la table, où ma mère stockait les produits d’entretien. Dominant la salle, trônait une large cuisinière surmontée par une hotte aspirante. Ensuite une grande fenêtre diffusait de la lumière. S’ensuivaient alors une enfilade de placards dans le même bois, contenant couverts, assiettes et épicerie… Puis dans l’angle opposé à la cuisinière se trouvait le réfrigérateur.
Le mur attenant était pratiquement vide hormis une autre fenêtre qui venait compléter l’éclairage de la salle et juste à sa gauche la grande horloge campagnarde si chère à Grand-Papa. Enfin sur le mur à gauche de la porte, une cheminée massive nous apportait de la chaleur en hiver.
Comme le gaz ne venait pas jusqu’au village, il fallait de temps en temps aller changer la bouteille de la cuisinière chez l’épicier – mon oncle Michel qu’on appelait aussi le Miche. C’était une lourde charge que ma mère et moi-même effectuions à pied, mais souvent Miche qui était bien brave nous aidait.
La cuisine était le domaine de ma mère qui, en bonne cuisinière ordonnée, voulait que tout soit en ordre : casseroles, marmites en tous genres, plats pour telle ou telle utilisation… Habile décoratrice, elle avait disposé ici et là un grand nombre de bibelots qui donnaient une âme à la pièce. À l’heure actuelle, elle était occupée avec des patates. Au centre de la table elle avait étalé comme d’habitude une feuille de journal pour y déposer les épluchures que nous mettrions ensuite au compost. Je m’y assis et commençai à éplucher les carottes pour la soupe.
Vous devez vous dire qu’à l’époque du téléphone portable cette cuisine avait l’air bien vieillotte. Eh bien vous avez raison, mais c’était chez moi.
Nous travaillions en silence quand ma mère s’adressa à moi :
— Comment s’est déroulée ta journée Margaux ? La forêt toujours ?
— Je m’y suis fait un nouveau copain. Un petit écureuil. La prochaine fois, je lui apporterai des miettes de pain pour l’amadouer.
— T’as raison, profite de vivre comme ça tant que tu peux, la vie de femme n’est pas très drôle, tu sais.
— Surtout avec quelqu’un comme Papa. Osais-je.
J’avais un peu peur de sa réaction, mais je sais qu’à sa place je ne pourrais pas imaginer vivre ma vie avec une personne comme lui, je ne le supporterais pas. Elle poussa un soupir :
— Tu as raison, heureusement que je vous ai, mes enfants, surtout toi et ta sœur, vous êtes des bons gamins. Sans vous…
Elle me lança un sourire tendre et discret, auquel je répondis comme un miroir.
Ayant fini d’éplucher mes carottes, je me levai, déposai un baiser sur son front et la serrai dans mes bras. C’était ma maman, une femme courageuse et dévouée. Je ramassai les épluchures, les disposai dans la poubelle à compost puis me rendis dans la chambre où était alité mon grand-père.
J’entrai. Sa chambre se trouvait au rez-de-chaussée, aussi je n’avais pas d’escaliers à monter depuis la cuisine. La pièce n’était pas très grande, juste suffisante pour un lit, une armoire, une commode et une chaise sur laquelle je m’assis. Je le regardai, ses yeux fatigués se tournèrent vers moi.
— Te voilà ma petite Margaux, je suis bien content de te voir. Me souffla-t-il faiblement.
— Moi aussi mon Grand-Papa, comment Te sens-tu aujourd’hui ? » Répondis-je en lui caressant ce qui lui restait de cheveux. Il était vraiment très mal.
— Oh, me fit-il d’un air désabusé. C’est bientôt la fin, je le sens. » Alors qu’il disait cela, une larme coula de son œil. Une vague de tristesse m’envahit et quelques larmes que je n’essuyai pas décorèrent mes joues. Je savais que sa vie ne serait plus très longue, mais qu’il m’en parle me brisait le cœur.
— Raconte-moi plutôt un peu ta journée. Fit-il d’un air un peu plus enjoué.
Je commençai alors à lui narrer ce que j’avais fait, hormis le rêve, comme vous pouvez l’imaginer. Pendant que je lui contais mes aventures dans la forêt, je voyais son visage s’éclairer, comme s’il oubliait pour quelques instants sa maladie, ses douleurs.
Quand j’eus fini il me regarda très attentivement. J’avais l’impression qu’il voulait me dire quelque chose. D’un regard, je l’encourageai à se confier.
— J’ai deux services à te demander, Margaux.
Il avait l’air d’aller un peu mieux. Cet effet se reproduisait toujours lorsque je lui narrais une tranche de ma vie. Probablement revoyait-il la forêt, revivait d’anciennes sensations, odeurs, le souffle du vent sur sa peau.
J’acquiesçai. Je serais toujours là pour lui.
— Le premier service me semble le plus simple. Ça se fait à partir d’un téléphone, et je n’en ai pas. Pourrais-tu appeler mon notaire maître Duchêne, et lui demander de venir ici.
Jusque-là cela ne s’annonçait effectivement pas compliqué.
— Mais surtout : il ne faut pas que ton père l’apprenne. Il l’empêcherait d’entrer, j’en suis sûr. De plus je lui réserve une sacrée surprise sur mon testament et je ne veux pas qu’il le sache, ajouta-t-il avec un clin d’œil. Tu sais, je connais sa cupidité et ses mauvais sentiments.
J’observai son œil rieur, lui aussi aurait pu recevoir le diplôme es bêtise et farce supérieur, mais avec mention très bien. Après avoir réfléchi un instant, pliée en deux sur ma chaise, le coude droit sur mon genou et ma tête appuyée dans la paume de ma main, je rétorquai :
— Ça ne s’annonce pas si facile que ça. D’une part on ne sait jamais quand il va être à la ferme ou pas et il y a le voisinage. Quelqu’un pourrait le voir et lui dire, par exemple Hugues, qui regarde tout ce qui se passe dans la rue, dans sa grande naïveté il serait capable de nous trahir. Nous devons trouver autre chose…
— Je vois que rien ne t’échappe, t’es à la hauteur de la tâche ! T’es bien la petite fille de ton grand-père, tu vas trouver une solution, j’en suis sûr.
— Bien mon Grand-Papa adoré ! Pas de problèmes je ferai ça pour toi, je vais activer mes méninges de farceuse et trouver la solution. Tu disais que tu avais deux choses à me demander. C’est quoi la deuxième ?
— Je vais avoir besoin de mon amie, la sorcière. Je la connais depuis longtemps. Elle saura me donner un remède qui m’aidera.
— Une sorcière ? Tu veux dire qu’elle peut te soigner ? Pourquoi ne me l’as-tu pas demandé plus tôt ?
Il eut un petit rire désabusé.
— Me soigner, dans un sens peut-être, mais non, pas ce que tu imagines, elle pourra surtout soulager mes douleurs. On ne soigne pas un cancer généralisé avec quelques plantes. Non, elle pourra peut-être me donner quelques jours de plus, mais surtout j’attends la diminution des douleurs. Tu ne dis rien à ton père, il la déteste.
— Mais c’est qui cette sorcière ?
— Une vieille amie, tu verras.
— Et mon père la connaît ? Je n’en ai jamais entendu parler.
— Nombreux sont ceux qui la connaissent mais ne disent rien. Certains peuvent être honteux d’avoir fait appel à ses services, mais elle a aidé beaucoup de gens. De vrais amis, elle n’en a pas beaucoup, mais j’en fais partie. Il y a une carte, dans le premier tiroir de la commode. Elle t’indiquera où aller.
Il me tendit une clef qu’il avait cachée sous ses couvertures, et j’allai ouvrir le tiroir. À l’intérieur il y avait tout un capharnaüm, je récupérai la carte qui datait un peu. En la déroulant, c’était un plan topographique de la forêt. Il me demanda un crayon de papier que je trouvai dans le tiroir et il m’indiqua d’une croix la maison de la sorcière. Il me dit que ce serait bien d’y aller samedi matin, car je n’avais pas cours. J’observai rapidement le document et remarquai que l’emplacement n’était pas loin de ma clairière.
— Planque ça dans ta chambre, je ne veux pas que mon fils soit au courant.
— Et les légendes qui courent sur la forêt. Ça vient d’elle ?
— En partie, mais tu auras l’occasion de lui en parler directement. Une dernière chose, elle te demandera certainement un service en échange du remède.
Il resta énigmatique à ce sujet. Comme j’allais refermer le tiroir il ajouta :
— Le numéro de téléphone du notaire, il est dans le petit carnet juste à côté.
Pendant que je notais le numéro et que je refermais la serrure du tiroir, je lui posai la question qui me titillait.
— Tu ne parles jamais de Grand-Maman, fis-je en sortant mon petit carnet où je consignais les notes sur sa vie. Je voudrais que tu me dises qui elle était, comment tu l’as rencontrée, comment elle a disparu.
— D’accord, je t’en parlerai, mais pas aujourd’hui je suis trop fatigué. Ce n’est pas un sujet simple et je n’aime pas trop l’évoquer.
Péniblement il chercha à se redresser dans son lit, je l’aidai de mon mieux.
— Pourrais-tu aller me chercher une cruche d’eau et un verre maintenant ? Mais planque d’abord la carte, me rappela-t-il, va vite ma fille. »
Je roulai la carte sous mon T-Shirt, passai la tête hors de la chambre le cœur battant et tendis l’oreille. La voix de mon père n’avait pas encore retenti dans la maison, mais je devais tout de même me méfier. Je montai furtivement les escaliers conduisant à l’étage où sont les autres chambres. Heureusement pour moi il n’y avait personne dans le couloir, je me dépêchai et me glissai par la porte de la mienne. En entrant je jetai un œil à mon fameux diplôme es bêtise… Cela me fit penser à Bastien et à notre amitié gâchée, mais aussi au défi que m’avait donné mon grand-père et dont dépendaient des choses probablement très importantes.
Je ne m’attardai pas dans cette contemplation et cherchai une cachette. J’avais bien un tiroir que je pouvais fermer à clef, mais je préférais cacher mes affaires intimes que de les enfermer dans un tiroir à la serrure douteuse, dont mon père avait probablement les clefs. Quand on a un père comme le mien, on apprend et on se méfie. La technique qui me vint est de soustraire à mon secrétaire son tiroir du bas et de glisser la carte derrière, pour le remettre ensuite en place.
Puis, nonchalamment, je me rendis dans la cuisine pour y puiser de l’eau et prendre un verre. Je retournai ensuite à la chambre de mon grand-père. Après l’avoir aidé à boire, et l’avoir recouché, je m’assis à nouveau à son chevet. Je songeai que c’était la seule personne à qui je pouvais me confier.
— Grand-Papa, faut que je te dise quelque chose sur moi.
Il me regarda attentivement et m’encouragea à parler. Mon cœur battait la chamade.
— Eh bien… je suis comme le Miche.
— Tu veux dire que tu es une personne gentille, je le savais déjà ! Dit-il malicieusement.
— Non, tu sais il est homo. Ben, moi aussi. Sauf que moi c’est pas les garçons qui m’attirent, c’est les filles.
Je cherchai à sonder son expression, elle était bienveillante.
— T’es pas déçu ? Je ne te donnerai pas de beaux arrières-petits-enfants.
— Déçu, moi ? Si tu es heureuse comme cela, je le suis pour toi. Je ne serais pas là pour les connaître de toute manière, mais même si c’était le cas ça ne m’aurait pas plus dérangé. Ne laisse jamais les autres décider pour toi ou t’imposer une vie que tu ne souhaites pas.
Il marqua un arrêt.
— T’as une petite copine ?
— Ben, malheureusement je ne suis pas si heureuse que ça. Il y a une jeune fille qui me plaît au lycée et je suis super amoureuse d’elle, mais elle sort avec des garçons. En plus, je crois qu’elle les collectionne, la perspective n’est pas terrible. Mais elle est si jolie !
— Ce n’est pas la bonne personne, laisse tomber. La vie n’est pas facile quand on a des orientations, disons… particulières, mais sois patiente, je suis sûr que tu rencontreras quelqu’un que tu aimeras et qui saura t’aimer. Ne confonds pas désir et amour, ce serait une grave erreur.
Il fait une pause.
— J’ai une idée qui te plairait, mais je ne peux te le révéler, car c’est un secret qui ne m’appartient pas.
Puis je restai un moment près de lui. Il semblait rasséréné du fait d’avoir pu me parler et heureux que je me sois confiée à lui. Et moi j’étais contente qu’il ne soit pas fâché. Je n’aurais pas dû douter de son jugement. Mon oncle (du côté de ma mère, donc ce n’est pas son fils), le Miche, était homo et vivait avec un homme. Dans ma famille, mon père, vous l’aurez deviné, l’avait fermement condamné, mon frère aussi, bien évidemment, mais mon grand-père, dans sa bonté d’âme n’avait rien dit de mal sur lui et l’avait toujours soutenu. Qu’aurais-je dû attendre d’autre de mon Grand-Papa qui m’aimait tellement, qu’une infinie compassion ?
« Peut-être pourrais-je en parler à ma mère…, me dis-je. Le Miche est son frère et elle l’aime toujours autant. »
Ça donne envie de lire la suite.
Une belle suite, un environnement bien construit, vivement la suite.
Merci à vous deux !
Un récit qui avance. Porteur de valeurs, d’altruisme… J’aime bien. Comme le disent Claudia et Thomas, on a envie de voir la suite.
(Je n’ai pas compris le "wq", ("wq Osais-je)".
je n’ai probablement pas la référence et pas trouvé sur la toile)
Eh bien c’est une faute de frappe.
Oui mais tu as écrit "wq Osais-je."
?
A préciser dans le récit ?
Corrigé -> Osai-je (effectivement un passé simple)
C’est moi qui pensait à autre chose. Que "wq" était un juron ajouté et que tu disais osais-je (pour ce juron) Mais du coup je ne te suis pas non plus car c’est ta mère qui parlait…
En fait il y a une réplique qui a disparu. Certainement à la suite d’un recopiage. Je vais rechercher dans mes fichiers – et voilà, ça c’est emmêlé dans la correction qu’on m’avait donné.
(mon commentaire pour le chapitre 1 sur les temps du passé tentait de répondre au tien sur l’usage du plus que parfait. j’ai modifié mon com. en ce sens.)
En fait quand on fait un texte dans le passé et que la personne parle de son passé. le passé simple est remplacé par le plus que parfait. L’imparfait reste en place. Mais c’est dur de tenir tout un chapitre comme ça. Je ne comprend pas ce que tu veux dire sur ton nom.
Sur l’un de mes commentaires pour le chapitre 1 tu veux dire ? J’avais surtout cité un lien vers une page qui parle des temps de la narration. (J’avais lu d’autres articles un peu comme celui là. Certains temps sont je pense difficiles à lire. Il faut peut-être s’arranger autrement…)
(C’est pas mal ton "surtout avec quelqu’un comme papa" osais-je.)
Oserais-je me permettre de poser une question sur cette phrase? " quelques larmes que je n’essuyai pas décorèrent de mes joues". Je m’interroge sur le "décorèrent" mais te lisant avec émerveillement, je me demande si je suis légitime en te proposant une correction, là où je déborde moi-même de fautes.
Je suis fascinée par tous les détails de ton récit. On arrive si facilement à imaginer les personnages, leur bonté, leur âme. Les décors également sont tellement bien décris que je peux m’en faire une idée sans soucis. Je continue ce récit avec grand plaisir.
Hello,
D’abord merci pour ces compliments, je ne sais pas si je les mérite car dans tes textes tu utilises des tournures de phrases que je ne saurais pas employer ou trouver.
J’accepte toutes les corrections, elles sont mêmes désirées ! Et tu fais peu de fautes. Certainement moins que moi.
Par contre j’aimerais savoir un peu plus sur le décorèrent quelle faute aurais-je commise. Pour moi je l’accorde au pluriel car mon sujet est "Quelques larmes". Enfin il me semble, l’école est si loin !
" quelques larmes que je n’essuyai pas décorèrent de mes joues". Je ne connais peut-être pas cette tournure de phrase. Je pensais à "décorèrent mes joues" sans de, ou "devalèrent de mes joues". Mais ça n’a pas vraiment d’importance car ton texte est très bien comme il est.
Merci pour ton compliment.
Ah merci ! Parfois on lit si mal que l’on ne fait même pas attention… Je cherchais une faute d’accord !
J’aime beaucoup la complicité entre Margaux et son grand-père!
Merci Cora, j’ai essayé de retrouver les sentiments réciproques que l’on peut avoir avec ses grands parents et qui n’est pas toujours aussi aisé avec les parents.