Le Corps – Partie 16a

Le Corps – Partie 16a

Acte 2 – Bloc 6 – Recherche de la Solution

Beat 16 – Réaction

655 mots

     Le ciel, d’ordinaire orange, se couvrait d’une noirceur sinistre alors que les furies tournoyaient dans la brume, emportées par l’appel des cors les enjoignant de semer le chaos sur le champ de bataille. L’Albörg fit enflammer une nouvelle ligne de combattants. Convertis en torches, les forcenés devaient gagner le privilège d’être éteints au prix de notre anéantissement qui devait survenir avant qu’ils ne se consument eux-mêmes. 

     Les désespérés se lancèrent à l’assaut de la dune. Je fis mettre les baïonnettes aux canons. L’air rempli de soufre s’abattait sur nos corps d’ange comme une chape de résignation. 

     J’enlevai ma chemise, aussi bien crever à l’aise. Mary Grimmins la saisit et l’agita en direction de la tour. L’effet fut immédiat : l’Albörg la reconnut et ordonna à grands cris qu’on lève l’étendard de la Reine. Foudroyées par les archers, les soldats-torches s’égrenèrent en poudre de charbon à nos pieds. 

     La foule de diables s’épancha dans une vague d’acclamation. Debout sur sa plateforme, le Général salua l’épouse de l’Ange noir.  

     « Votre retour est prématuré ma Reine, grogna-t-il.

— Faites-moi transporter au trône de l’Innocente. Installez mes invités dans la suite des diplomates. »

    Grimmins releva le nez dans le brouillard et pointa le ciel en direction du bataillon militaire que nous avions devancée. Cette cinquantaine d’anges-soldats avait bravement choisi de descendre malgré les risques. Je les voyais ramer, harcelés par les furies, peinant sous le poids des aéro caisses dans cette étuve qui n’offrait que peu de portance à cause de la chaleur. « Logez ceux-là aux écuries, » ajouta-t-elle.

   Alors que la plèbe se disputait le privilège de porter la Reine, notre sort à l’arrière de la procession était moins heureux. Nous avançâmes, conspués par les diables qui nous crachaient au visage, leurs crochets dressés, prêts à nous ouvrir la chair. La présence de Skylar, l’angelot à la beauté lumineuse, avait l’effet d’une étincelle dans une poudrière de haine. Sa réputation aux enfers n’était pas bonne : on ne lui pardonnait pas le sacrifice de l’Innocente. Malgré la protection de l’Albörg, Skylar la damnée, celle dont l’enfer était d’être envoyée au Bas-Ciel, souffrit d’être lapidée. 

    Le cul sur son trône mobile, le Général ferma la marche, parfaitement amusé.

    Nous arrivâmes au château de l’Ange noir. Le promontoire et ses habitations étaient baignés par les laves de la Géhenne où subsistait une faune grouillante de sangsues et de créatures abjectes. Le pont-levis accroché à des chaînes de suspension visiblement usées avait lui-même grandement besoin d’entretien. Le portail, ouvert grand à notre regard, était surmonté d’un message d’accueil :

« 

Toi qui entre ici, 

Abandonne ta foi en l’immanence divine.

Laisse le maître transcender ton âme. 

»

     Une envolée d’Algarolles, des rats volants à longues fourches, couvrit les hurlements de panique chez les Séraphins lorsque la herse tomba, manquant de peu Skylar et Vector. Des harpies à la chevelure hérissée de colère planèrent en une longue courbe pour venir s’agglutiner aux barreaux de fer derrière nous. Leurs corps féminins dégoulinaient de sueur alors qu’elles tendaient les bras à travers les barreaux, hurlantes de rage, folles d’avoir raté leur attentat improvisé. Le silence, quand la porte se referma, nous soulagea. Je pus alors me concentrer sur mon objectif. Trouver l’Esprit et le sortir d’ici au plus vite. 

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Note : 16a ->16b->16c->17a